Agriculture

Il faut investir dans l’innovation et la technologie pour accroître la production du riz dans la vallée de Zio, selon M. NI

M. Lukang Ni, expert économique chinois
Il faut investir dans l’innovation et la technologie pour accroître la production du riz dans la vallée de Zio, selon M. NI

Le secteur agricole au Togo bénéficie d’énormes investissements de l’Etat et des partenaires, depuis des années, pour son développement, surtout en milieu rural. D’énormes projets numériques d’appui ont été également lancés, ces dernières années, par le gouvernement pour soutenir ce secteur qui doit encore consentir des efforts pour son plein décollage. M. Lukang Ni, expert économique, qui a longtemps travaillé sur des projets agricoles et techniques culturales au Togo, particulièrement dans la vallée de Zio à Kovié, félicite le gouvernement pour ses efforts et donne des pistes pour promouvoir davantage la production rizicole dans cette vallée, afin de lutter contre la pauvreté, la faim et le chômage des jeunes.

M. Lukang Ni, expert économique chinois

Lukang Ni est un expert économique chinois. Depuis les années 80, après le départ des experts chinois de la vallée de Zio où ils étaient, dans le cadre du projet d’aménagement et d’irrigation par aspersion de plusieurs centaines d’hectares, M. Ni est revenu en 1985, s’installer à titre privé, sur les lieux pour continuer le travail avec les communautés, les producteurs locaux, notamment dans la culture du riz. Il a défriché 50 hectares, nivelé le terrain, construit des canaux d’irrigation, des magasins et des sites d’eau pour l’irrigation, sans oublier l’aviculture et la pisciculture installées derrière les bâtiments. L’expert chinois a particulièrement enseigné aux paysans les techniques agricoles en matière de culture de riz, réparé les pistes rurales, les canaux d’irrigation et formé les jeunes agronomes, tout en finançant quelques micro-projets des paysans. Son objectif en revenant aider les populations riveraines était de permettre aux paysans et producteurs locaux de profiter des 360 hectares d’aménagement, le système d’irrigation moderne, le barrage et d’autres infrastructures réalisées par la Chine, avant de se retirer du pays. « Le projet d’aménagement et d’irrigation par aspersion de plusieurs centaines d’hectares dans la vallée de Zio à Kovié / MissionTové était l’un des projets réussis, bien démarrés en Afrique de l’Ouest, surtout au Togo, pendant cette période. L’abandonner était une grande perte pour le pays, en général, et les bénéficiaires, en particulier. Je ne voulais pas que ce projet soit abandonné, que les infrastructures déjà mises en place soient dégradées. Il fallait continuer et permettre aux populations locales de profiter et de prospérer dans ce secteur », a relevé l’expert chinois. Il salué le Projet pour l’Aménagement et la Réhabilitation des Terres Agricoles de Mission Tové (PARTAM) qui a réhabilité les 360 hectares aménagés dans les années 1970. Aujourd’hui, le projet PARTAM a permis de créer des canaux d’irrigations secondaires, afin de permettre à l’eau d’accéder dans les champs de riz, d’étendre les espaces cultivables et de mettre à la disposition des cultivateurs des motoculteurs. M. NI a également félicité l’Agence Nationale de la Sécurité Alimentaire (ANSAT) qui, à travers les campagnes d’achats du riz auprès des producteurs et du Programme National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire, soutien et donne les moyens aux paysans. Les riziculteurs ont vu leurs conditions de vie s’améliorer, grâce aux efforts du gouvernement et ses partenaires qui ont énormément donné de coups de pouces au secteur rizicole de Kovié.

M.NI et un paysan dans une rizière ( Photo archives)

Développer l’agro-industrie

Selon M. Lukang Ni, pour offrir plus d’opportunités aux jeunes, lutter contre le chômage dans le secteur agricole, il faut augmenter la productivité, en supprimant les vieilles méthodes et faire face à de nouvelles technologies, qui permettent de doubler ou tripler la productivité agricole. « Les autorités togolaises ont déjà donné une nouvelle image positive et encourageante à l’agriculture. Car, le gouvernement a réussi à organiser le secteur à travers des projets incitatifs, des appuis matériels, techniques et financiers qui ont amené les agriculteurs à prendre conscience de l’importance de leurs activités et des opportunités qu’ils peuvent saisir pour se développer, en se regroupant en associations professionnelles ou en micro-entreprises agricoles. L’entrée du numérique dans le secteur d’agricole est aussi une grande avancée. Car, le téléphone mobile est désormais un outil de travail au quotidien de l’agriculteur togolais », a-t-il relevé. Malgré ces avancées enregistrées, des défis restent à relever pour le plein développement de l’agriculture togolaise.

S’agissant du secteur rizicole dans la vallée du Zio, « je pense qu’il faut changer les méthodes de production du riz. Le Togo est un pays agricole et dispose d’espaces favorables pour la culture d’une large gamme de variété de riz », a relevé M. Ni. Malheureusement, les méthodes culturales ne sont pas assez développées, les agriculteurs manquent de techniques de récolte ou d’infrastructures de commercialisation. « Il faut introduire la mécanique dans la culture du riz. C’est nécessaire d’aller aujourd’hui vers l’agro-industrie et surtout d’améliorer les semences du riz pour élever encore plus la production et la qualité. Parce que, l’innovation et la technologie sont, de nos jours, la clé de la réduction de la pauvreté ». Pour lui, il faut trouver un mécanisme de financement sécurisé de la production de semences ou encore, créer un institut de recherche des semences. Ce centre de recherche peut aussi servir de cadre de formation des jeunes agricoles en matière de recherche scientifique agro-industrielle.

Assurer la maitrise de l’eau et le développement des industries

« Les agro-industries au Togo peuvent, non seulement promouvoir l’industrialisation et l’emploi, mais aussi réduire les coûts des aliments et les incertitudes des approvisionnements, tout améliorant le régime alimentaire », a souligné l’expert chinois. A son avis, l’agro-industrie donne confiance aux producteurs, crée des industries locales, fournit des emplois, encourage la consommation des produits locaux et accroit les revenus.  « La terre togolaise est riche. Les fruits et les légumes peuvent être produits en grande quantité au Togo et les transformer sur place. Il existe beaucoup de produits alimentaires que ce pays n’a pas besoin d’importer. Il faut développer les techniques de transformation et mieux les conserver. C’est la même chose au niveau de la culture de riz où l’industrialisation permettra de combler rapidement le gap, en termes de besoins de consommation nationale. Promouvoir le développement des industries de transformation de riz requiert une bonne synergie entre le secteur public et les acteurs du secteur privé, à travers un dialogue permanent entre ces deux secteurs ».

Pour M. Ni, l’Ecole Supérieure d’Agronomie (ESA) de l’Université de Lomé a déjà donné une nouvelle vision à la formation dans le secteur agricole, à travers le Projet d’Appui à la Formation en Entrepreneuriat Agricole. Il s’agit maintenant de renforcer les programmes d’excellence et diplômants de formation avec pour spécialités, les filières d’élevage, la production des agrumes, des cultures maraîchères et la riziculture.

L’autre défi majeur de la riziculture dans les écologies de bas-fonds et de plaines irrigables, c’est d’assurer la maitrise de l’eau dans toutes les zones où l’irrigation est possible.

Pour réussir ce pari de lutte contre la pauvreté dans le secteur agricole, en général, et le secteur rizicole, en particulier, l’expert chinois conseille de renforcer les relations de coopération avec certains pays, notamment la Chine, qui est en train de mondialiser l’agrobusiness à travers l’initiative « la Ceinture et la Route ».

« J’aime le Togo. C’est mon deuxième pays natal et j’ai beaucoup d’amis ici. Je pense que c’est possible de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité en milieu rural, en stimulant la productivité dans le secteur agricole. En donnant plus d’importance et de confiance au secteur privé togolais dans le développement des chaines de valeur agricoles. Ce pays peut réduire le chômage et apporter des emplois aux jeunes », a conclu l’expert chinois.

Moussouloumi BOUKARI

 

 

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