Justice

20e anniversaire de la Cour de justice de la CEDEOA : Bilan, défis et perspectives de cet organe clé de la communauté 

Photo de groupe des responsables d'institutions judiciaires de la CEDEAO avec le ministre Pius Agbétomey (au milieu)
20e anniversaire de la Cour de justice de la CEDEOA : Bilan, défis et perspectives de cet organe clé de la communauté 

La Cour de justice de la CEDEAO, principal organe judiciaire de la Communauté, a 20 ans cette année. Pour marquer cette célébration, elle organise, depuis hier à l’hôtel 2 Février à Lomé, en présentiel et en virtuel, une conférence internationale sur le thème, « Vingt ans de la Cour de justice de la CEDEAO : Réalisations, défis et perspectives ». Il s’agit, pour les magistrats, universitaires, avocats, responsables des institutions nationales, sous régionales et internationales et membres des organisations de la société civile, de faire un bilan d’étape de cette institution judiciaire, en termes de réalisations, mais aussi de proposer des pistes de réflexions sur les défis du moment et les perspectives, en vue du renforcement de l’efficacité de la Cour dans la protection des droits au profit des peuples de la communauté. C’est le Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation, M. Pius Kokouvi Agbétomey, qui a ouvert les travaux au nom du chef de l’Etat, en présence des membres du gouvernement, du corps diplomatique et de diverses autres personnalités.

Durant quatre jours, les participants, acteurs de la justice, venus des quinze pays membres de la CEDEAO, vont examiner, scruter, juger et jauger les actions passées et présentes de la haute institution judiciaire communautaire, en vue de faire des projections pour son avenir. C’est un cadre d’échanges d’expériences et de savoir-faire autour du thème pour redorer le blason de la Cour et lui assurer le rayonnement sur le plan sous régional et continental. Parmi les sous thèmes à l’agenda des travaux, il y a « la Cour de justice de la CEDEAO, un tribunal communautaire ou un tribunal des droits de l’Homme ? », « relation entre la Cour de justice de la CEDEAO et les juridictions nationales des Etats membres », « exécution des arrêts de la Cour de justice de la CEDEAO », « stratégies pour renforcer l’efficacité de la Cour ». Les échanges ont commencé autour d’une conférence inaugurale animée par le Pr Mohammad Ladan, directeur de l’Institut nigérian d’études juridiques avancées.

Plusieurs défis à relever pour une plus grande efficacité

Faisant l’historique de la Cour, Pr Ladan a indiqué que la Cour de justice de la CEDEAO a été créée en 1991 comme une institution clé, seul organe judiciaire de la Communauté. Mais, c’est le 30 janvier 2001, que les premiers juges de la Cour vont prêter serment. A partir de 2005, elle élargit sa saisine aux entités privées et aux citoyens. En 20 ans, la Cour de justice de la CEDEAO a traité 559 affaires, rendu 130 décisions et 301 arrêts, tenu plus de 1000 audiences autour des droits humains et reçu 38 demandes de révisions. Ses principaux défis se situent au niveau du manque de soutien des Etats avec le refus d’exécution des décisions de la Cour, la lenteur des Etats membres à initier des actions, la réduction du nombre de juges de 7 à 5, du nombre d’années par mandat de 5 à 4 ans, le sous-effectif dans les divisions de l’informatique et de la traduction, etc. Malgré ces défis, a souligné Pr Ladan, la Cour peut être fière de ses réalisations. Elle est devenue très utile aux citoyens de la communauté et a pu se révéler comme une cour au service de la paix, un instrument d’intégration. A ses dires, la Cour devrait encore faire davantage, en se positionnant comme un fondement pour l’Etat de droit et un mécanisme de bonne gouvernance. Pr Ladan a, pour finir, invité les Etats membres à respecter leur institution, en exécutant ses décisions et ordonnances, à aller au-delà en lui allouant plus de ressources pour lui permettre de grandir et de gagner en efficacité.

Contribuer à l’instauration de l’harmonie et de la paix sociale communautaire

En ouvrant les travaux, au nom du président de la République, le ministre Pius Agbétomey, a remercié les plus hauts responsables de la Commission et de la Cour, pour le choix porté sur le Togo pour abriter ces assises. Il a relevé que le thème de la rencontre est très évocateur des nombreux enjeux et défis auxquels l’organe juridictionnel est confronté et qu’il est tenu de relever pour répondre efficacement aux attentes et aspirations des communautés de l’espace économique. Un espace communautaire en proie à plusieurs autres enjeux sociaux et existentiels. « C’est l’équilibre entre ces valeurs qui conduira nos pays à un développement durable qui passe par l’harmonie et la paix sociale. La Cour de justice de la CEDEAO est appelée à contribuer à l’instauration de cette harmonie et de cette paix sociale communautaire. Notre cour commune doit pouvoir se hisser au rang des cours régionales et internationales de même nature, à travers sa performance pour donner satisfaction aux Etats membres et aux citoyens de ces Etats », a souligné le Garde des Sceaux. Tout en rendant un hommage mérité à tous ceux et à toutes celles qui, hier et aujourd’hui, ont contribué au fonctionnement laborieux de la Cour, qui par ses nombreuses décisions, fait preuve d’une maturité indéniable digne de ses vingt années d’existence.

Un instrument majeur incontournable de l’intégration régionale

Pour le président de la Commission de la CEDEAO, M. Jean Claude Kassi Brou, la mission confiée à la Cour de justice de la CEDEAO est primordiale pour rassurer les justiciables des Etats membres et leur donner confiance dans le renforcement de l’Etat de droit et de respect de leurs libertés fondamentales. En adoptant le protocole additionnel de 2005, qui modifie celui de 1991, la Communauté a renforcé l’accessibilité de la cour de justice, en élargissant dans certains cas sa saisine aux particuliers, mais également en prenant des dispositions fortes pour l’exécution de ses arrêts, en particulier dans les cas de violation des droits de l’Homme pouvant survenir dans ses Etats membres. La Cour de justice a ainsi évolué pour devenir un instrument majeur incontournable de l’intégration régionale. Cet organe de la communauté est également mieux connu des citoyens de la région. L’extension de ses compétences lui donne un champ d’intervention quasi universel dans de nombreux domaines. M. Kassi Brou a émis le vœu que les participants proposent des axes d’amélioration pour une justice plus efficace, plus accessible et plus transparente dans un contexte régional et global plus ouvert, grâce aux technologies modernes, mais également plus complexe. « Il va sans dire que la question de l’application des arrêts de la Cour reste d’actualité. Il s’agit d’améliorer les interactions entre la Cour de justice de la Communauté et les instances judiciaires nationales des Etats membres. Un des défis à relever pour renforcer encore davantage la pertinence de la Cour de justice communautaire », a soutenu M. Brou, qui reste convaincu que les recommandations qui émaneront de cette réunion permettront de consolider la dispensation du droit dans la région, pour une communauté encore plus juste, plus équitable et mieux intégrée, condition essentielle pour assurer la paix, la stabilité et la prospérité.

La Cour est un modèle de réussite et mérite d’être célébrée

  1. Edward Amoako Asanté, président de la Cour de justice de la CEDEAO, a, à son tour, rendu hommage aux pères fondateurs de la Cour qui a connu, à ce jour, 3 équipes de juges après la première en 2001. Selon lui, si la Cour est fière de ses différentes réalisations, elle connait aussi plusieurs défis qui ralentissent son efficacité. Parmi ces défis, les sous effectifs et l’insuffisance des capacités des personnels dans certaines divisions. Cependant, la Cour est un modèle de réussite, de l’avis de M. Asanté. Car, quoique jeune institution, elle a fait des pas de géant et mérite d’être célébrée, a-t-il fait savoir.

Créée en 1991 par un protocole, la Cour de justice de la CEDEAO est le principal organe juridique chargé de la résolution des litiges liés à l’interprétation du traité des protocoles et conventions de la Communauté. Cette vocation a été confirmée par l’article 15 du traité révisé de la CEDEAO de 1993.

 

Blandine TAGBA-ABAKI

 

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