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Fo Covi, un ex-cadre de banque, investi dans la production de l’huile de coco à Séko, dans les Lacs

M. Fo Covi
Fo Covi, un ex-cadre de banque, investi dans la production de l’huile de coco à Séko, dans les Lacs

La vie ne s’arrête pas à la retraite. Si souvent, après tant d’années de travail dans une administration publique ou privée, la retraite constitue un temps d’ennuis ou de soucis pour beaucoup de gens qui peinent à s’adapter, les choses ne sont pas de même pour Fo Covi, un cadre de banque au repos. Pour lui, le repos est une autre vie de travail libéral passionnant qui s’annonce prometteuse, à bien des égards. Dans son village à Séko, préfecture des Lacs, où il s’est reconverti en producteur d’huile de coco, Fo Covi, de son vrai nom, Attidiga Adjété Akouété Covi, a su nouer un partenariat gagnant-gagnant avec les femmes de la localité pour la production de qualité de cette précieuse huile. Une huile bio qu’il raffine dans un cadre d’hygiène amélioré, pour non seulement l’alimentation, mais aussi pour les esthéticiens qui l’utilisent dans la fabrication des produits de beauté grâce à son pouvoir hydratant.
M. Attidiga Adjété Akouété Covi, affectueusement appelé Fo Covi par ses amis et proches parents, est un cadre de banque à la retraite il y a peu, qui a fait toute sa carrière à l’ancienne Banque Togolaise de Développement (BTD), aujourd’hui Orabank. Depuis sa retraite méritée, il partage sa vie entre Lomé et Séko, son village natal, à quelques kilomètres de la ville d’Anèho, où il s’est trouvé une nouvelle passion, la production d’huile de noix de coco. Une activité jusque-là chasse gardée des femmes de la localité, qui raffinent traditionnellement cette huile depuis plusieurs décennies. La production de cette huile à base de noix de coco, notamment à Séko et dans les villages environnants, était une activité détenue par les femmes qui y tiraient l’essentiel de leurs ressources pour faire bouillir la marmite dans le foyer et assurer les frais de scolarité de leurs progénitures. Aujourd’hui encore, la localité abrite d’immenses cocoteraies qui constituent des sources de revenus substantiels pour de nombreuses familles.
La production menacée par l’exportation de la noix de coco
Mais paradoxalement, la production d’huile de coco connait une baisse ces dernières années. Une diminution liée à la hausse du prix de cette matière première désormais exportée à des valeurs mieux rémunérées vers le Nigéria et l’Europe pour des produits finis. A titre indicatif, de 1000 à 1300 FCFA dans un passé récent, le tas de quarante noix de coco est passé à 2000, voire 2500 FCFA, selon que la noix est bien mûre et sèche ou moins. Avec l’exportation, les noix ne sont plus vendues à crédit. Ainsi, le planteur préférant le cash, ne tolère plus les ventes à crédit pour se faire rembourser après transaction de l’huile dans les marchés d’Agouégan, les lundis, ou d’Aklakou, les jeudis. Du coup, des bonnes femmes peu fortunées sont évincées de l’activité de production d’huile, entrainant une pénurie de cette denrée, explique Fo Covi avec nostalgie.
« Depuis quelques années maintenant, de passage au village, il devient de plus en plus difficile de se procurer facilement de l’huile de coco pour sa propre consommation. Si tu arrives à en trouver, c’est parfois à prix d’or ! L’huile de coco tend progressivement à disparaître de notre cuisine au profit des huiles venues d’ailleurs et parfois de qualité douteuse », déplore-t-il. Et pourtant, l’huile de coco recèle, selon de nombreuses études, d’énormes qualités nutritives, relève-t-il, soulignant, avec un brin de nostalgie, qu’elle a toujours été le compagnon fidèle de nos mères et grand-mères dans leur cuisine.
Investir pour encourager les femmes à reprendre la production
« A quelques années de ma retraite, j’ai pensé m’investir dans cette activité en encourageant et en encadrant les femmes à reprendre la production de l’huile de coco bio », explique Fo Covi pour soutenir sa motivation. A son avis, l’huile produite chez lui à Séko, Djéta et dans les autres villages environnant, « a toujours été bio car, préparée pendant tout le processus à la main, sans aucun ajout chimique ».
Fo Covi explique que son initiative suit aujourd’hui, « les pas de nos grands-mères car, comme le dit l’adage, c’est au bout de l’ancienne corde, qu’on tisse la nouvelle. La différence, c’est que dans cette nouvelle entreprise, mon rôle consiste à mettre à la disposition des femmes avec qui, je travaille, la matière première, c’est-à-dire les noix de coco en quantité, tout en veillant à l’amélioration de l’hygiène par le perfectionnement du cadre et des outils de production ». Pour Fo Covi, le partenariat avec les femmes de la localité est basé le principe « gagnant-gagnant » où chacun trouve son compte et la production se fait en respectant les règles de qualité approuvées. « La qualité de notre produit est une exigence première pour nous. C’est pourquoi, nous nous sommes tournés vers l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITTRA) et l’Institut National d’Hygiène (INH) qui ont apprécié et certifié notre huile comme répondant aux normes de qualité », rassure-t-il.
Une production pour l’alimentation et l’esthétique appelée à surmonter les difficultés pour aller loin
« Nous ne produisons pas que de l’huile de coco, encore appelée huile de coprah pour l’alimentation. Nous en produisons également pour les esthéticiens qui l’utilisent dans la fabrication des produits de beauté, grâce à son pouvoir hydratant », précise-t-il, avec une insistance sur les bienfaits de cette huile sur la santé humaine. « Quand nous étions enfants, avant d’aller à l’école les matins, nos mamans enduisaient nos corps d’huile de coco qui rendait nos peaux bien noires et lisses », se rappelle-t-il. « Je ne fais pas de la publicité pour cette huile » se défend-t-il avec un air franc, avouant que « la vérité est que l’huile de coco est une huile exceptionnelle, un produit togolais que nos compatriotes doivent consommer pour leur bien ».
En somme, Fo Covi se veut optimiste concernant l’avenir de son entreprise qui n’échappe pas aux difficultés pour ses débuts. « Comme dans chaque entreprise, les difficultés ne manquent pas. La première dans mon nouveau métier est la mise à disposition de la matière première. Il faut passer du temps à faire le tour des cocoteraies pour acheter les noix en quantité afin d’assurer la continuité de l’activité. La cueillette dans les champs de noix de coco s’effectue au moins chaque trois ou quatre mois. Comme nous ne sommes qu’au début, trois (3) ans seulement de vie, nous tenons. Mais nous pensons que l’idéale pour l’avenir serait d’avoir des cocoteraies sur de grandes surfaces pour être à l’abri des ruptures de stocks ». A ces difficultés, il ajoute celles liées à l’argent, « le nerf de la guerre », dit-on.
« Pour l’instant, j’évolue sur mes propres économies. Au fur et à mesure que mes activités vont s’agrandir, il faudra se tourner vers d’autres sources de financement, une autre bataille en perspective !
Dans tous les cas, je ne regrette pas d’avoir consacré ma retraite pour cette activité qui me permet de m’éloigner de de l’ennui, du vice et du besoin, comme le dit Voltaire dans Candide », dit-il avec beaucoup de conviction et de fierté participer à la régénérescence d’une activité en voie de disparition dans sa localité natale.
Anoumou KATE-AZIAGLO

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