Culture / Développement

Badougbé célèbre la « fête de la fraternité »

Démonstration de danse
Badougbé célèbre la « fête de la fraternité »

A la dernière fin de semaine du mois  d’août de chaque année, les jeunes du village  Badougbé, localité située au sud-est du Togo, dans la préfecture de Vo, à quelques encablures de Lomé, célèbrent un événement assez particulier, « la fête de la fraternité ». Héritage  de leurs parents et grands-parents, cette fête s’est déroulée  le week-end dernier, à Badougbé  Adjomé, où les natifs de ce village, en bordure du Lac Togo, se sont, de nouveau, donné rendez-vous,  pour la 56e édition de ces retrouvailles annuelles.

« La fête de la fraternité » est cadre de réjouissances et de retrouvailles, qui  regroupe toute la jeunesse du village  Badougbé, autour des activités culturelles, sportives, artistiques et des actions sociales d’entraide.  C’est une initiative de «Fraternité de Badougbé », une « association  créée par nos parents, en septembre 1962, et qui, depuis lors, fédère chaque année, tous les fils et filles du village et de la diaspora, autour d’une rencontre de réjouissances et de partage », explique M. Pierre Kondo, actuel président de l’association et haut cadre d’une société privée à Lomé. C’était au cours des manifestations marquant,  dimanche le 26 août dernier,  l’apothéose des festivités à Badougbé Adjomé.  Pour les festivités de ce jour, l’ambiance était au recueillement le matin. A l’heure convenue, la population s’est rendue à la paroisse Saint Pierre Claver de l’Eglise catholique de Badougbé, pour une messe d’action de grâce. « Il s’agit, pour nous, de rendre grâce au Seigneur de nous avoir maintenu en vie et en bonne santé toute l’année, tout en le suppliant de raffermir l’union et la fraternité entre les fils de Badougbé, pour le développement de la localité », dit-il. Le président de l’association a rappelé que c’est grâce à cette union et à cette fraternité qu’ils ont pu réaliser ensemble des projets pour la communauté.

Procession et réjouissances

Après  la messe,  c’est en procession et sous un soleil doux que les fidèles  ont pris d’assaut les artères du village, chantant et dansant au rythme de la fanfare. Partie de la paroisse saint Pierre Claver, cette procession, en uniforme pagne multicolore à dominance rose, est allée porter la fête jusqu’à la lisière de Kéta Badougbé, l’autre quartier, qui forme avec Adjomé, le grand village de Badougbé.

La procession est ensuite revenue sur ses pas,  en marquant une pause au monument des morts où un dépôt de gerbe de fleurs et une minute de silence ont été observés, en mémoire de tous ceux qui sont morts pour la cause du village et du Togo. C’est la ministre Victoire Tomégah-Dogbé du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes, native du village, qui a présidé la cérémonie, en présence de nombreux invités, parmi lesquels, Togbé Dravie, président des chefs traditionnels de Vo,

de hauts cadres de l’administration, de banques, de sociétés publiques et privées et d’amis. Il y avait également l’ambassadeur d’Egypte au Togo, M. Mohamed Karim Shérif. Il était accompagné du frère Antoine de l’Eglise copte orthodoxe d’Egypte.  Avec ce dernier, ils ont, ensemble, participé de bout en bout à l’apothéose de la fête, montrant leur intérêt certain pour la culture du milieu. La marche joyeuse s’est achevée dans la grande cour de l’Ecole primaire publique de Badougbé Adjomé où, à l’ombre des arbres,  un grand pique-nique a réuni les habitants, dans une ambiance entretenue par divers groupes folkloriques. La fête s’est poursuivie tard dans la soirée.

Au-delà de la fête

Au-delà de la fête, ce sont les retrouvailles, la fraternité que nous célébrons, rappelle M. Guy Anyinéfa, secrétaire général de «Fraternité de Badougbé ». Selon lui, cette fête donne aussi l’occasion aux membres de faire le bilan de ce qui a été fait, au cours de l’année, et d’envisager l’avenir. C’est pourquoi, il rend un hommage appuyé à leurs parents, des « visionnaires » dit-il, pour avoir pensé à l’aube de l’indépendance, créer un cadre de regroupement des jeunes pour leur épanouissement et pour leur éducation à la citoyenneté. Les membres de notre association, poursuit-il, viennent d’horizons divers avec des convictions politiques diverses, mais unis par la volonté, voire la passion de faire évoluer Badougbé. C’est « cette ambition qui nous a permis de réaliser des projets communautaires au profit de la localité », indique M. Anyinéfa. Il a, en l’occurrence, pointé l’importante contribution de la Fraternité dans  la construction de la Maison des jeunes de Badougbé, qui a déjà fêté son cinquantenaire, l’érection actuellement d’un presbytère à côté de la paroisse saint Pierre Claver qu’elle a aidé à reconstruire, le réaménagement des voies d’accès au village, l’extension du réseau d’éclairage public, la construction de nouvelles salles de classes pour les élèves etc.

 Badougbé, don du lac

Situé dans la préfecture de Vo, Badougbé est un grand village, divisé en deux parties : Kéta Badougbé et Badougbé Adjomé. Kéta est composé de deux quartiers,  Apégamé et Tékèmè ; alors que, Adjomé en dispose cinq : Kankopé, Gbèzoumè, Akouinou, Pédakomé et Togomé. C’est un village cosmopolite de près de trois mille habitants. On y trouve des Adangbés, les Pédas, des Guins, des Ewés, les Ouatchis et autres. Ce sont des agriculteurs, des pêcheurs, des éleveurs et artisans. Ce village est un carrefour entre les villes de  Vogan au Nord, d’Anèho, à l’Est et de Togoville  à l’Ouest ainsi que le Lac Togo, au Sud.  Comme l’Egypte est un don du Nil, Badougbé aussi est un don du Lac Togo. La légende raconte qu’à l’origine, le Lac Togo était très poissonneux. Il regorgeait  sur les rives de  l’actuel emplacement du village, une catégorie particulière de poissons appelés silures, très prisés par les autochtones.  Ce sont des poissons vivants en eau douce, à peau sans écailles et à bouche entourée de barbillons. Les pêcheurs qui parcouraient le lac à l’époque, non seulement en commercialisaient, mais aussi en consommaient. A la préparation, le silure se fond littéralement dans la marmite pour devenir une purée (ba, en Mina),  le silure même nommé (blolo). La purée du silure donne donc (bloloba).  Bien assaisonnée c’est un régal. Chaque fois que les pêcheurs veulent retourner à l’endroit pour pêcher et manger la fameuse purée, ils disent : « Mi yi  bloloba dougbé », littéralement, « Nous y allons manger de la purée du silure ». Le nom est resté collé à cette localité, devenue avec le temps, Badougbé.

Aujourd’hui, le lac qui nourrissait avant plus de 70% des populations riveraines  n’est plus que l’ombre de lui-même. Les mauvaises pratiques de pêche, la disparition des mangroves ont appauvri le fleuve et par ricochet, les populations. La question est au centre des réflexions de Fraternité Badougbé qui pense aussi au problème de sécurisation du foncier dans le village afin d’attirer de potentiels investisseurs surtout,  dans les secteurs du Tourisme et de l’Hôtellerie. C’est pourquoi, M. Kondo lance un appel aux bonnes volontés pour la réalisation de ces projets communautaires et pour le développement de Badougbé.

Anoumou KATE-AZIAGLO

 

 

 

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