Le premier sommet de Lomé sur la coopération énergétique en Afrique de l’Ouest, co-organisé par EnergyNet et le gouvernement togolais, a réuni, du 3 au 5 décembre 2024, décideurs politiques et investisseurs autour d’un enjeu crucial : le financement des projets énergétiques.
À cette occasion, Kodjo Attaty, Souscripteur Principal pour l’Afrique Francophone de l’Agence pour le Développement du Commerce et de l’Investissement en Afrique (ATIDI), a souligné l’importance des garanties offertes par l’agence pour atténuer les risques liés aux investissements dans le secteur énergétique. Alors que les pays de la région cherchent à renforcer leur coopération et à attirer des investissements, ATIDI se positionne comme un acteur clé pour soutenir le développement durable de l’énergie en Afrique de l’Ouest.
Dans une interview exclusive, M. Kodjo Attaty a mis en avant l’importance des garanties offertes par l’agence, pour rassurer les investisseurs face aux incertitudes. Les mécanismes financiers mis en place par ATIDI qui visent à réduire les risques associés au financement des infrastructures énergétiques ont été également évoqués.
Une vue des décideurs politiques et investisseurs
Togo – Presse : Qu’est – ce – qu’on peut retenir du sommet sur la coopération énergétique en Afrique de l’ouest qui vient de prendre fin à Lomé ?
Kodjo Attaty : Je félicite les organisateurs de cet évènement qui a mobilisé beaucoup de moyens techniques et financiers pour rassembler les acteurs afin de trouver une solution aux problèmes énergétiques. Parce que, l’énergie est une question assez importante pour le développement économique de nos nations et son insuffisance pèse sur les économies et sur la vie des populations. Donc, organiser une rencontre où les acteurs viennent pour parler de leurs préoccupations et chercher ensemble des solutions, je pense que c’est une bonne initiative.
C’est aussi une rencontre importante, puisque les solutions que certaines institutions proposent ou bien les produits que proposent certains partenaires peuvent être la réponse aux problèmes que rencontrent d’autres. Ainsi, se retrouver ensemble et partager les idées peut nous faire avancer.
Ce que je retiens de ce sommet, c’est le problème de garantie qui se pose dans le financement des produits énergétiques dans les différents pays. Parce que, les Etats qui devraient financer les projets en énergie n’ont pas de ressources suffisantes. Donc, ils font appel aux initiatives privées pour mettre en place un Partenariat Public Privé (PPP) pour réaliser ces projets. Mais ce qu’on remarque, c’est que les investisseurs PPP demandent aussi des garanties, parce qu’ils viennent avec leurs propres fonds, alors il faudrait un minimum de couverture des risques auxquels ils pourraient éventuellement faire face. Voila au tant de problèmes qui se posent en matière de financement des projets énergétiques.
T.P : Face à une telle situation, que propose ATIDI ?
K.A : Au niveau d’ATIDI, c’est justement ces risques là que nous mettons à la disposition des gouvernements membres de notre institution. D’une part, il y’a les risques politiques, c’est – à – dire, que quand vous investissez dans un pays, s’il y’a des guerres dans ce pays, votre investissement est en péril. ATIDI couvre ce risque.
Nous venons d’animer un panel sur les risques d’inconvertibilité de la monnaie ou les risques d’indisponibilité de devises. C’est un risque politique que nous couvrons.
En plus de cela, nous avons conçu à ATIDI, un projet que nous appelons, la Facilité Régionale de Soutien à la Liquidité (RLSF). C’est une facilité mise en place par notre institution en partenariat avec KFW, puis l’Agence de Développement de la Norvège. Ce produit a pour unique but de développer les énergies renouvelables en soutenant les sociétés nationales d’électricité, en se substituant à ces sociétés pour mettre en place les garanties que les producteurs indépendants de l’énergie demandent.
T.P : Que peut – on retenir sur le panel que vous avez participé sur le risque d’indisponibilité de devises ?
K.A : Ce panel est relatif au risque du taux d’échanges. C’est – à – dire, il faut garantir le taux d’échange. Parce que la fluctuation des taux d’échanges peut poser un grand risque. Il y’a aussi le problème de dévaluation et surtout le taux des devises des monnaies étrangères qui fluctuent avec les monnaies locales.
Lorsqu’on s’endette en devise, on se pénalise énormément. Une dette de 10 millions US dollars peut se retrouver à 15 millions US dollars à cause de la fluctuation.
Au niveau d’ATIDI, nous ne garantissons pas le taux d’échange. Nous garantissons plutôt un autre risque lié à la devise. Exemple, lorsqu’un partenaire investi dans un pays, l’investissement produit des ressources en monnaie locale. Mais ce dernier n’a pas la possibilité de convertir cette monnaie locale en devise, soit en Euro ou bien en US dollars. C’est ce risque que nous garantissons.
Lorsqu’un investisseur veut rapatrier ses devises hors d’un pays hôte, il se pose un problème. Puisque, dans tous les Etats de l’Afrique de l’Ouest, il y’a des mesures qui protègent la conservation des devises. Les Etats veulent que les devises restent dans leur pays. Ils ne veulent pas que les devises sortent du pays. Donc, c’est un risque certain pour les investisseurs. ATIDI garantie ces risques là pour permettre à l’investisseur d’être à l’aise en investissant dans nos Etats membres.
T.P : Au niveau de la sous-région, quels sont les projets énergétiques qu’ATIDI soutient ?
K.A : En Afrique de l’Ouest, notre intervention est double. Nous soutenons les fournisseurs qui vendent de l’énergie à nos Etats. Nous couvrons aussi ces fournisseurs là contre le risque de défaut de nos Etats. A titre d’exemple, il y’a une transaction en perspective avec la Compagnie Energie Electrique du Togo (CEET) où un fournisseur étranger va vendre de l’énergie à la CEET à crédit avec notre couverture. Nous avions déjà fait plusieurs transactions en Côte d’Ivoire où les fournisseurs étrangers vendent de l’énergie à la Société Ivoirienne de Raffinage avec notre garantie contre le risque de défaut de la société. Nous faisons la même chose au Sénégal avec la Société Pétrolière du Sénégal (Petrosen).
S’agissant des énergies renouvelables que nous encourageons, nous avons mis en place un produit, dénommé Facilité Régionale de Soutient au Liquidité (RLSF). Ce produit est déjà opérationnel dans certains pays. Au Burundi, par exemple, nous avons déjà couvert une transaction, en Zambie aussi. Nous avons des papelines au Bénin, en Côte d’Ivoire.
Nous avons d’abord adapté notre couverture au contexte anglophone, parce que les conditions générales de cette couverture étaient beaucoup plus adaptables aux pays anglophones, alors que l’Afrique de l’Ouest est régie par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Donc, nous voulons maintenant adapter les conditions de cette facilité aux conditions de l’OHADA avant de déployer ce produit proprement dit dans la zone ouest – africaine. C’est pratiquement fini. Nous sommes entrain de finaliser cette police. Mais le produit n’est même pas encore déployé, cependant, nous avons déjà reçu plusieurs transactions. Il y’a une centrale solaire à Sokodé, au centre du Togo, que nous sommes entrain de regarder afin de soutenir la CEET sur cette transaction.
Nous collaborons également avec la Banque Mondiale en apportant tous deux des garanties pour aider les Etats à lever des ressources moins chères, des ressources concessionnelles pour investir dans le domaine de l’énergie.
T.P : Nous sommes à la fin de l’année 2024, comment va ATIDI ?
K.A : ATIDI se porte bien. D’année en année, nous évoluons en termes de chiffre d’affaires et en termes de bénéfices nets. Pour l’exercice passé, l’exercice dont les états financiers sont publiés, nous sommes à une exposition de plus de 10 milliards US dollars. Cette année, il y aura beaucoup plus que ça, peut être 15 milliards US dollars, vu ce que nous avons réalisé depuis le début de l’année.
Chaque année, nous avons de nouveau pays qui adhèrent à l’institution. L’année dernière, la Burkina Faso, le Mali, le Tchad ont adhéré. Non seulement les pays Africains, mais aussi des pays européens adhèrent, à travers leurs agences export crédit. C’est le cas de l’Espagne, l’Inde, le Japon, l’Italie et l’Angleterre.
ATIDI est une institution qui évolue bien. Nous avons le soutient de nos actionnaires, nos Etats membres. Nous sommes une institution qui a une notation crédit assez robuste. Nous sommes notés par le Standard & Poor’s avec une perspective positive. Nous avons la même notation par Moody’s. Ce qui nous classe 2e multilatérale la mieux notée en Afrique derrière la Banque Africaine de Développement (BAD). Nous sommes nés qu’en 2001, mais aujourd’hui, nous sommes en 2024, ce que nous avons réalisé est impressionnant.
T.P : Un message à l’endroit des certains partenaires ou pays qui hésitent encore.
K.A : Nous voudront prouver notre utilité. C’est lorsque le pays ou l’institution reconnaît qu’ATIDI peut lui être utile, qu’il va adhérer. C’est ce que nous avons fait en Afrique de l’Ouest. Le premier pays à adhérer est le Bénin. Lorsque les autres ont vu ce que nous avons fait dans ce pays, rapidement d’autres pays ont suivi.
Donc, nous voulons prouver que nous sommes utiles aux économies de nos pays. C’est le travail que nous faisons en accompagnant nos gouvernements, en cherchant à régler leurs problèmes. Nous sommes une institution à vocation panafricaine. Nous sommes une agence spécialisée, reconnu par l’Union Africaine (UA). Nous voulons que les pays africains viennent pour travailler ensemble, main dans la main, pour le développement de notre cher continent.
Interview réalisée par Moussouloumi BOUKARI
RSS