Dans la guerre généralisée enclenchée pour empêcher le Coronavirus de prendre de l’ampleur au Togo, les transporteurs, notamment les conducteurs de véhicules de la gare routière d’Agbalépédo, comptent jouer leur partition. De ce fait, ils plaident pour des appuis nécessaires à la sensibilisation contre cette maladie hautement mortelle, soudainement devenue ennemi n°1 mondial. Un engagement qui s’inscrit dans la mise en œuvre des mesures barrières prises par le gouvernement et qui intervient dans un contexte douloureux pour ces acteurs de la route. La détérioration drastique de leurs conditions de travail, réduites désormais aux seuls transports de bagages, est ressentie par tous. Chacun, de son côté, travaille à s’adapter aux nouvelles exigences qu’imposent les mesures de riposte pour survivre.
Il est 9 heures du matin, mardi dernier à la gare routière d’Agbalépédo en banlieue nord de Lomé. La place ne grouille pas de monde comme d’habitude, mais de nombreux véhicules de transport de passagers en stationnement attendent un hypothétique chargement de bagages pour prendre le départ vers les villes de l’intérieur du pays. Depuis l’interdiction faite par les autorités aux transporteurs de ne plus prendre de passagers à cause de l’épidémie de coronavirus, ce sont les colis qui voyagent désormais.
Assis dans son cagibi de bureau aux murs délavés et poussiéreux, Djamdja Hodou enregistre des bagages qui, bientôt, vont prendre la direction du grand nord, précisément Mango. Il est le responsable adjoint de la section Lomé-Mango à cette gare routière. Souvent, les bagages viennent de citoyens originaires de cette partie du pays qui, à cause des nouvelles dispositions, ne peuvent plus rentrer chez eux ou encore de commerçants envoyant des produits à leurs clients, explique Hodou. Chacun prend soin d’écrire les contacts du destinataire, surtout son numéro portable sur le colis et une fois arrivé, le chauffeur se charge de la distribution. Certains propriétaires, alertés, viennent parfois eux-mêmes à la rencontre du conducteur à la gare pour récupérer leurs affaires. Le retour à Lomé s’organise de la même manière, confie-t-il. Pour lui, « c’est un service que nous rendons à la population en ces temps particulièrement difficiles et comme tel, il est basé sur la confiance. Car, jusqu’à présent, tout se passe bien ». En temps normal, des colis accompagnant un passager ont un coût acceptable. Mais, en cette période exceptionnelle, ce coût est doublé, voire triplé en fonction de la taille de ce que l’on envoie, précise M. Hodou.
« Ce qui rend très difficile le travail ces temps-ci, c’est qu’il faut attendre beaucoup de colis avant de prendre le départ. Et parfois, on fait à la station deux, trois ou quatre jours avant d’effectuer un voyage. C’est pourquoi, les bagages ne doivent pas contenir des produits périssables, ce qui restreint encore notre champ d’action », souligne-t-il, d’un air préoccupé. Dans le nouveau contexte, beaucoup de véhicules de 12 ou 15 places ont dû abandonner la course, parce que n’étant pas faits pour le transport des bagages ou tout simplement déjà fatigués, explique-t-il, montrant du doigt les propriétaires de ces engins, tous assis de l’autre côté, scrutant l’horizon. « La bataille engagée, nous dit-on, va durer longtemps. Mais, on n’a pas encore fait un mois et on s’essouffle déjà ! Si rien n’est fait pour donner de l’espoir à chacun, ce n’est pas du coronavirus que nous allons mourir, mais bien de la faim et des soucis », prévient M. Hodou. Tout comme bien d’autres conducteurs à la gare, M. Hodou souhaite un allègement du dispositif, pouvant leur permettre de prendre quelques passagers. M. Ali Fousséni, responsable général de la section Lomé-Mango ne dit pas le contraire. « La plupart des conducteurs sont des jeunes. Certains d’entre eux, pour s’adapter à cette situation, se sont convertis en conducteurs de motos. Et voilà qu’un mur a failli se dresser devant eux avec l’interdiction des autorités de ne plus remorquer de passagers. N’eût été la reculade du gouvernement, ces jeunes allaient commettre une folie. Car, la faim et les soucis sont de mauvais conseillers… Nous remercions les autorités pour cette initiative de repousser la date de mise en application de cette mesure et lançons un SOS à toutes les bonnes volontés d’aider la gare routière d’Agbalépédo dans la mise en place des dispositifs de lavage des mains et autres produits désinfectants. Nous pensons aussi que les structures autorisées doivent nous appuyer dans l’accroissement de la sensibilisation du personnel et des usagers de la gare routière sur la réalité du virus et le sens des mesures prises pour le contrer. Car, certains pensent encore, et malheureusement, que les mesures drastiques du gouvernement relèvent de “l’exagération” », plaide M. Ali Fousséni.
Anoumou KATE
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