Littérature

Un ouvrage du Dr Evalo Wiyao met en exergue la justice transitionnelle et ses enjeux

Dr Evalo Wiyao dédicace son ouvrage.
Un ouvrage du Dr Evalo Wiyao met en exergue la justice transitionnelle et ses enjeux

« Togo, reconnaissance des violations des droits humains et nouvelle dynamique de réconciliation et d’unité nationales (2005-2021) ». C’est le titre d’un ouvrage du Dr Evalo Wiyao, dédicacé mercredi, à l’Université de Lomé.  Cet ouvrage s’inscrit dans la perspective des travaux sur la justice transitionnelle et son application contextuelle au Togo. Plus précisément, il est une lecture critique, historique de la reconnaissance de la violation des droits humains au Togo et des politiques subséquentes dédiées à la réconciliation, au renforcement de l’unité et de l’Etat de droit, depuis 2005. C’est un ouvrage recommandé à tous les Togolais en ce qu’il aide à avoir une mémoire claire de l’histoire récente, afin d’envisager l’avenir.

Des personnalités présentes à la cérémonie. 1ere et 2e de la gauche, Mme Awa Nana et Joseph Koffigoh.

Les sociétés contemporaines africaines sont marquées par des crises sociopolitiques multiformes, lourd héritage de notre histoire de démocratisation. Elles connaissent donc bien de déchirures sociales qui justifient aujourd’hui la nécessité et l’urgence de la reconstruction du lien social, de la réconciliation. En Afrique, notamment au Togo, le contexte politique des déchirures sociales a conduit à la nécessité de poser la réconciliation comme résultat d’un processus dont les moments clés sont la reconnaissance des violations ou la vérité sur les violations des droits humains, pour rendre justice. Or cette tâche de rétablir la vérité pour rendre justice, dans les sociétés modernes, est celle des institutions judiciaires.

Seulement, ces institutions judiciaires ne rendent pas, du moins prioritairement la justice pour réconcilier l’auteur d’un crime et sa victime, pour que cette dernière pardonne à son bourreau, réel ou présumé. Mais la nécessité de reconstruire le lien social a fait comprendre qu’il faut sortir des institutions judiciaires, pour une autre forme de justice : la justice transitionnelle qui ne vise pas prioritairement la sanction ou la punition, mais la réconciliation. L’ouvrage que propose le Dr Evalo Wiyao s’inscrit dans la perspective des travaux sur la justice transitionnelle et son application contextuelle ou contextualisée au Togo. Plus précisément, il est une lecture critique, historique de la reconnaissance de la violation des droits humains au Togo et des politiques subséquentes dédiées à la réconciliation, au renforcement de l’unité et de l’Etat de droit depuis 2005.

Une partie de l’assistance .

Intitulé,  « Togo, reconnaissance des violations des droits humains et nouvelle dynamique de réconciliation et d’unité nationales (2005-2021) »,  cet ouvrage de 255 pages est organisé en trois chapitres. L’auteur consacre le 1er chapitre aux signes avant-coureurs de la reconnaissance des violations des droits humains. Il y évoque trois signes : la mise en place de la commission nationale spéciale d’enquête indépendante, en mai 2005, présidée par l’ancien Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh,  la création de la commission de réflexion pour la réhabilitation de l’histoire du Togo, présidée par Mgr Dosseh-Anyron et l’Accord politique global du 20 août 2006. D’après l’auteur, la signification de ces trois signes se lit dans la volonté politique affirmée par le chef de l’Etat, à l’issue de l’élection présidentielle du 24 avril 2005, volonté de s’engager et d’engager le Togo sur la voie de la réconciliation, en prenant comme point de départ, la reconnaissance de la violation des droits humains, condition de tout apaisement sociopolitique. Ainsi, ces signes annonciateurs d’une perspective nouvelle consistant à placer la problématique de la reconnaissance des droits humains au cœur de la politique de réconciliation du président de la République.

Un vaste contrat politique et social

Le second moment de l’ouvrage accorde toute l’importance qu’il faut à la mise en œuvre de cette politique de réconciliation, dont les mécanismes de réalisation sont la CVJR et le HCRRUN, mis en place dans le cadre de la justice transitionnelle. Cette justice d’un genre nouveau, dit l’auteur, désigne l’ensemble des mesures judiciaires et non judiciaires, exogènes et endogènes, dont la mise en œuvre permet à une société divisée d’aller vers un avenir partagé, paisible et réconcilié. Dans ce sens, les mécanismes de justice transitionnelle se présentent comme des institutions extra judiciaires ayant pour mission d’éclairer les situations les plus graves de violations des droits humains. Violations qu’elles condamnent mais ne sanctionnent pas. L’objectif étant d’apaiser et de réconcilier, par des actions de réparation planifiées.  C’est dans cette perspective que l’auteur appelle, avec minutie, l’ensemble des déroulés des activités de la CVJR. Mais bien plus, il clarifie l’esprit des recommandations issues des travaux de la CVJR. Il s’agit des recommandations orientées vers la promotion de l’Etat de droit et l’apaisement du corps sociopolitique.

L’ouvrage du Dr Wiyao présenté au public.

Le 3e chapitre de l’ouvrage est consacré à la mise en œuvre des recommandations de la CVJR, notamment le programme de réparation, dont la mission sera confiée au HCRRUN. D’après l’auteur, malgré les débuts timides, voire inquiétants pour certains, le HCRRUN fut créé en 2014 pour l’application des conclusions de la CVJR et des programmes de réparation. L’étude que l’auteur fait, non seulement des attributions du HCRRUN, mais surtout de la démarche participative mise en œuvre, aboutit à la mise en relief de viviers normatifs de la justice transitionnelle dans le contexte togolais. Le programme de réparation exécuté en priorité pour apaiser le climat sociopolitique et en suite, le volet des réformes institutionnelles et constitutionnelles dont un des éléments marquant fut l’organisation de l’atelier national de juillet 2016. Mais, selon Dr Wiyao, les recommandations de la CVJR, du fait de leur caractère pluriel et holistique, se présentent comme un vaste contrat politique et social et, même si plusieurs aspects de ces contrats ont été traduits dans les faits avec succès, sa mise en œuvre totale représente le défi majeur de la nation togolaise, résolument engagé dans le processus de reconnaissance des violations des droits humains et dans la dynamique de réconciliation et de l’unité nationale.

« On peut retenir avec l’auteur que si la dimension mémorielle serait un parent pauvre de la mise en œuvre de la justice transitionnelle, notamment du programme de réparation, son ouvrage vient apporter un élément important à cette dimension mémorielle. Car, il s’agit d’un texte qui, en rappelant les faits avec une posture qui satisfait à l’exigence scientifique de la distance épistémologique propre à l’histoire, son ouvrage participe à la reconstruction de notre mémoire, mémoire sans laquelle le futur harmonieux et réconcilié voulu par tous ne saurait se construire », souligne Pr Akué Adotévi, présentateur de l’ouvrage.

Pour comprendre les piliers de la justice transitionnelle

« La reconnaissance des violations des droits humains, suppose que l’Etat admet qu’il y a eu des violations qui se sont passées dans notre pays et que, par conséquent, il faut documenter ces violations, c’est-à-dire faire la lumière sur ces violations, puis essayer de chercher des remèdes ? en termes de réparation, mais aussi en termes de réformes, qu’elles soient politiques, constitutionnelles ou institutionnelles. Et il était question, dans l’ouvrage, d’essayer de voir quel est le processus qui a amené à la reconnaissance des droits de l’Homme, quels sont les mécanismes à la reconnaissance des violations des droits de l’Homme, quels sont les mécanismes qui ont été mis en place, quelles sont les institutions qui ont été mises en place par la classe politique nationale, sous la direction du chef de l’État, pour que nous arrivions, donc, à reconnaître effectivement que les droits de l’Homme des Togolais ont été violés », a expliqué Dr Evalo Wiyao. Il a  souhaité que le principe du dialogue qui a toujours caractérisé les rapports au sein de la classe politique togolaise, depuis 2005 continue. Car, dit-il, « le processus de réconciliation est long et continuel. Tout peut craquer, si on n’en prend pas soin. Les hommes passent, mais le Togo reste et il faut laisser aux générations futures un pays en paix »

La présidente du HCRRUN, Mme Awa Nana Daboya, dans le sillage, a encouragé les Togolais à aller dans le sens de la reconstruction de la nation togolaise et à la restauration de l’unité nationale. Elle a félicité l’auteur pour le travail réalisé, après des années de privation, exhortant à lire le document pour comprendre les piliers de la justice transitionnelle et mesurer les progrès réalisés par le Togo, de même que les difficultés qui entravent le travail du HCRRUN.

Les responsables universitaires, les témoins de l’histoire récente du Togo, notamment Me Joseph Kokou Koffigoh, et le représentant du préfacier, Mgr Nicodème Barrigah ont salué la densité et la fidélité de l’auteur sur la thématique, célébrant une œuvre de recherche d’une bonne facture.

Faustin LAGBAI

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