PAIX ET SECURITE

Un Forum de la CEDEAO sur l’éducation à la culture de la paix à travers le dialogue intra et inter-religieux ouvert à Lomé

Le ministre Dussey (milieu) a relevé les conditions de la paix régionale
Un Forum de la CEDEAO sur l’éducation à la culture de la paix à travers le dialogue intra et inter-religieux ouvert à Lomé

Les travaux du Forum de la CEDEAO sur l’éducation à la culture de la paix à travers le dialogue intra et inter-religieux se déroulent, depuis ce 27 octobre 2022, à Lomé, sous le thème « Communautés, extrémisme violent et cohésion sociale en Afrique de l’Ouest ». Une thématique qui se justifie face à l’actualité sécuritaire de la région, où les terroristes essaient de récupérer et d’utiliser, dans certains pays, les dissensions entre communautés et groupes ethniques à des fins de déstabilisation de la cohésion sociale et d’affaissement des Etats. Ce forum de diplomatie préventive constitue donc un cadre de réflexion visant à proposer des actions concrètes pour débarrasser la région des menaces à la paix, notamment de l’extrémisme violent.

Lomé, ville de paix, de dialogue, des médiations et de la tolérance, s’honore d’accueillir, depuis le 27 octobre 2022, la 3e édition du Forum de la CEDEAO sur l’éducation à la culture de la paix à travers le dialogue intra et inter-religieux. Les travaux, placés sous le patronage du chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé, sont organisés par l’Etat togolais, en collaboration avec la Commission de la CEDEAO. Il s’agit d’une rencontre de trois jours, qui regroupe à l’Hôtel 2 Février, des leaders religieux et communautaires, ainsi que diverses personnalités issues des Etats de la CEDEAO, dont des dirigeants politiques et institutionnels, des ministres en charge des affaires religieuses, des jeunes et représentants des religions, de la société civile, des personnes-ressources et des invités de marque. Parmi les leaders religieux et communautaires, il y a Cheikh Serigne Babacar Sy Mansour, Khalife général des Tidianes du Sénégal, Mgr Edward Tamba Charles, archevêque de Freetown en Sierra Leone et son Altesse Nana Kobina Nketsia V, chef suprême de la région traditionnelle d’Essikado au Ghana. Ils parrainent cet évènement qui vise à renforcer les mécanismes de dialogue au sein des différentes communautés, à cultiver la compréhension mutuelle, l’esprit de tolérance et la coexistence pacifique entre les religions, à travers l’éducation à la culture de paix. Il s’agit, spécifiquement, de sensibiliser les communautés et la jeunesse sur les meilleures pratiques en matière de dialogue intra et interreligieux, tout en échangeant sur les efforts et les défis liés à la victimisation des communautés, ainsi que sur les initiatives résilientes développées face à l’insécurité et au terrorisme. L’assise se propose, également, de mettre en exergue le rôle des communautés en tant qu’acteurs clés dans la prévention de l’extrémisme violent et le renforcement de la cohésion sociale.

Personnalités et invités au forum. (texte actualité

« Le grand problème de la vie, c’est la mutuelle compréhension »

En ouvrant les travaux, au nom du président de la République, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’Extérieur, Pr Robert Dussey, a rappelé le contexte sécuritaire de la région, en tant qu’un espace commun du risque et de défis partagés. « Les frontières entre le domestique et le régional se sont tellement amenuisées, aujourd’hui, au point qu’un mal qui touche, durablement, un pays a vocation à se régionaliser. La dissémination de la menace des groupes armés terroristes dans la région en est une illustration violente et nous n’avons le choix que de mettre ensemble nos stratégies pour faire, conjointement, face aux défis que nous imposent les développements pathologiques en cours au sein de la société ouest-africaine. En temps de crise, la solidarité dans l’action est une valeur cardinale », a-t-il fait observer. Le ministre a souligné l’importance de ce forum, en citant l’écrivain Amadou Hampâté Bâ qui disait : « Le grand problème de la vie, c’est la mutuelle compréhension ». Ainsi pour lui, en instituant ce Forum régional en 2016, la CEDEAO a, sans doute, pris la mesure de la difficile question de la coexistence humaine au sein des Etats membres et de l’espace intra-régional.

« Pour une coexistence pacifique durable dans la région, il nous faut construire à l’échelle de nos Etats et dans tout l’espace CEDEAO une résilience sociétale qui suppose un effort soutenu de mutuelle compréhension, de tolérance, de dialogue et de dépassement de soi pour réapprendre à vivre-ensemble. Qui veut la paix, éduque à la paix. La paix n’est pas qu’absence de belligérance. Elle est l’œuvre du quotidien, le résultat de l’engagement au quotidien pour dépouiller nos vivre-ensemble des relents bellicistes, du poison de l’intolérance et des affrontements intra et intercommunautaires ».

Son Altesse Nana Kobina Nketsia V remet un livre sur la culture africaine et le développement à Ibn Chambas.

Comment parvenir à construire une paix communautaire ?

Selon le ministre Dussey, en faisant « reculer les frontières de l’ignorance, de l’intolérance, des fondamentalismes et des extrémismes religieux, nous pourrons arriver à rétablir le lien originel religion et paix, religion et cohésion sociale ». Il s’est appuyé sur Hang Küng, pour qui, il n’y a « pas de paix dans le monde sans la paix entre les religions », pour faire comprendre que, non plus, il n’y a « pas de paix régionale en Afrique de l’Ouest sans paix intra et inter religieuse, l’harmonie interconfessionnelle et entre les communautés religieuses ». De l’avis du ministre, face à cette énigme, la question se pose de voir comment construire, à partir des communautés, la cohésion sociale dans une région en proie à l’extrémisme violent ?  En réponse, il pense que « pour construire la cohésion sociale dans les contextes difficiles actuels de nos Etats et de notre région, il faut agir sur les dynamiques conflictuelles, les antagonismes et errements catastrophiques entre communautés susceptibles d’alimenter et de fournir de carburant à l’extrémisme violent. La paix dans l’ensemble de la région ouest-africaine passe, en partie, par la cohésion dans et entre les communautés… La cohésion sociale à l’échelle des communautés est indispensable au maintien de la cohésion sociale au niveau des Etats et la cohésion interne aux Etats est un facteur de stabilité régionale. La transversalité du concept de cohésion sociale révèle qu’il n’y a pas de cohésion à l’échelle régionale, sans cohésion au sein des Etats et au niveau des communautés. Pas de paix régionale durable sans cohésion intra et inter communautaires ».

Le représentant résident de la CEDEAO au Togo, M. Barros Bacar Banjai, relève, pour sa part, que face au terrorisme et aux tensions interreligieuses, les communautés ont un rôle clé à jouer pour la cohésion sociale. « Souvent instrumentalisées, c’est au sein de ces communautés que les groupes terroristes recrutent. C’est parmi elles que sont véhiculés les messages d’intolérance religieuse, qui tournent très souvent par le rejet d’une communauté ou d’un groupe socioprofessionnel…. Bien sensibilisées, ces communautés constitueront des acteurs clés dans le processus de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, ainsi que les acteurs de la promotion de la culture de la paix et de la cohésion sociale ».

L’éducation, la paix, le dialogue et la cohésion sociale doivent être incorporés aux curricula des écoles

A cet égard, Cheikh Serigne Babacar Sy Mansour, qualifie cette rencontre, « d’importante », en émettant le vœu que ses conclusions puissent être partagées dans les autres Etats et, qu’à partir de cette diffusion, qu’il puisse y avoir des structures au niveau des Etats qui refléteraient un peu ce que le forum aura décidé. Il suggère, à cet effet, que les conclusions du forum soient restituées au niveau de chaque Etat, afin qu’une grande partie de la société se l’approprie, notamment les parties les plus significatives des sociétés, les universités, les académies, y compris les académies militaires, les foyers religieux, les acteurs des systèmes d’éducation traditionnelle et religieuse, ainsi que les médias. De son point de vue, l’éducation, la paix, le dialogue et la cohésion sociale, doivent être incorporés aux curricula des écoles, sinon, ce serait des concepts qui s’annoncent comme de simples « slogans ». Il propose aussi qu’au sortir de cette rencontre, qu’on puisse mettre en place une entité sous-régionale des religieux, des autorités traditionnelles et coutumières qui joue à la prévention sur certaines questions pouvant être des facteurs de discorde et d’incompréhension. Cette entité devrait aussi jouer le rôle de régulation au niveau de la sous-région et de médiateur, quand il y a des conflits à connotations religieuses ou d’ordre coutumier.

Du reste, en dehors de ces allocutions et des prières, la cérémonie d’ouverture a été marquée par la conférence inaugurale sur le thème du Forum : « Communautés, extrémisme violent et cohésion sociale en Afrique de l’Ouest ». Une conférence animée par le Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohammed Ibn Chambas.

A l’agenda des travaux qui se poursuivent jusqu’à demain après-midi, il est prévu plusieurs panels de haut niveau sur diverses thématiques, dont : « Communautés et Résilience (religieuses, coutumières, ethniques, socio professionnelles) », « Education et Prévention (Jeunes, femmes, médias) » et « Communautés, territoires et vulnérabilités ».

Les travaux seront sanctionnés par la Déclaration de Lomé.

Bernardin ADJOSSE

 

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