Parti de la pure passion en 2007 avec quelques alevins dans quatre petits bacs sur un lot, M. Adzomla Kokou Céphas, promoteur de la ferme piscicole “La Main de Dieu“, sise dans le canton de Kovié, dans la préfecture de Zio, produit aujourd’hui, dans 36 bacs sur deux hectares, plus de 15 tonnes de tilapias bio connus localement sous le nom de “Togo Tilapia“. Ce qui est bien loin de satisfaire la demande sur le marché, mais qui a le mérite de proposer une alternative locale, naturelle, saine et qualitative face aux incertitudes et dangers sanitaires qui entourent les tilapias importés, dont la qualité est souvent décriée et jugée impropre à la consommation. Cette initiative entrepreneuriale réjouit à juste titre le maire de la commune de Zio 2, Mme Agbaglo Adjo Collette, qui réfléchit déjà aux stratégies d’appui à ceux qui osent, comme M. Adzomla, afin de booster le développement intégral de sa commune.
Dans la commune de Zio 2, à Kovié, à une vingtaine de kilomètres de Lomé, se trouve la ferme piscicole “La Main de Dieu“, une initiative de M. Adzamla Kokou Céphas qui y élève du tilapia bio communément appelé “Togo Tilapia“. Elle se situe dans le périmètre du Grand PARTAM (Projet d’Aménagement et de Réhabilitation des Terres Agricoles dans la Zone de Mission Tové dans la vallée de Zio). La ferme évolue en symbiose avec les riziculteurs de ladite vallée, car son rejet d’eau constitue de l’engrais pour eux. Elle est clôturée pour une sécurité du point de vue sanitaire et vis-à-vis de l’extérieur. Au total, 36 étangs y sont aménagés sur une superficie de deux hectares.
« La zone de Kovié est très propice pour l’élevage des tilapias. Nous sommes nombreux dans la zone à faire ce travail. Nous faisons du tilapia bio, naturel. Nous utilisons des produits locaux pour produire un tilapia sain. Les poissons sont bien logés dans une eau propre qui se vide et se renouvelle. D’où, tout ce qui est élevé dans cette eau est, sur le plan visuel propre et, sur le plan sanitaire sain. Nous avons cette chance qu’au niveau des acheteurs, nombreux sont du domaine médical. Les médecins, les pharmaciens, les religieux, bref, des gens qui sont dans le domaine sanitaire et qui apprécient à tout moment nos produits. C’est du pur local. Donc, ils n’ont pas de doute par rapport à la culture et aux hormones que des gens injectent dans le cycle de production. Nous produisons naturellement. Nous sommes en relation avec le ministère de l’Agriculture, de la Production animale et Halieutique. Chaque semaine, leurs agents passent pour le contrôle. Nous avons un agrément de l’Etat sur la base duquel nous sommes contrôlés et suivis par rapport à la qualité de nos produits », a rassuré le promoteur de la ferme, M. Adzomla Kokou Céphas.
Selon lui, l’alimentation de ses poissons est à base des produits locaux : le soja, les sons du riz produit en quantité dans la zone, le maïs, le manioc, la farine de poisson, le tout mélangé suivant un taux de protéine calculé en fonction de l’âge des poissons. La ferme dispose de sa propre provanderie, mais elle importe aussi des compléments industriels qui disposent d’un agrément de l’Etat.
Cette production de qualité respectant les normes sanitaires en la matière est assurée par un personnel tout aussi de qualité rompu à la tâche. Il est essentiellement composé de techniciens formés en aquaculture, maîtrisant la qualité de l’eau, la qualité de vie des poissons et, sur le plan général, la théorie de production. A ceux-là s’ajoutent d’autres personnes formées sur place sur comment nourrir les poissons, afin qu’ils mangent à leur faim. Sur le site travaillent donc six agents permanents. Ce qui constitue pour eux de l’emploi et chacun est obligé de travailler dur, afin que la ferme puisse assurer toutes les charges.
De la passion à la profession
La ferme “La Main de Dieu“ a été créée en 2007. Au départ, par pure passion du promoteur. « L’histoire de cette entreprise a commencé lors d’une visite professionnelle au Gabon, où j’étais logé avec les frères catholiques qui avaient fait dans leur centre un bac où ils élevaient des poissons. Chaque matin, avant la prière, ils allaient leur donner à manger. Je faisais cet acte avec eux. A un moment, ils étaient fatigués, mais moi, j’ai continué pendant six mois. De retour au pays, j’avais la nostalgie chaque matin. D’où l’idée m’est venue de créer une ferme semblable. C’est là où j’ai cherché où trouver un terrain qui sera à côté de l’eau, mais proche de Lomé. Par la grâce de Dieu, j’ai gagné un lot ici, à Kovié. J’y ai fait quatre petits bassins. A l’époque, il n’y avait pas de pisciculteur au Togo. Alors, je suis allé chercher des alevins à Nangbéto pour débuter. Deux semaines après, j’étais parti en Mauritanie. De là, on m’appelle qu’on est venu voler tous les poissons. Il fallait alors recruter un gardien. Mais on se dit qu’on ne peut pas payer un gardien pour rester à côté d’un seul bac de poissons. D’où l’idée d’augmenter la surface. Au départ, c’était par la passion qu’on a évolué de 2007 à 2012. A partir de 2012, le professionnalisme est rentré dedans et on a pris l’envol. Depuis lors, chaque année, on essaie d’améliorer. On fait des recherches pour pouvoir satisfaire les besoins de ceux qui s’intéressent », a confié M. Adzomla.
Au commencement, la ferme produisait deux types de poissons : les silures et les tilapias. Les silures étaient vendus principalement à l’extérieur, notamment au Nigéria. Mais avec la chute du Naira, l’exportation a cessé. Actuellement, la production est uniquement basée sur les tilapias, surtout les tilapias rouges.
« Nous avons divers types de clients, détaillants comme grossistes. C’est pourquoi nous avons un magasin de dépôt à Lomé. Il y a les supermarchés et les restaurants dont les exigences sont un peu plus strictes. Mais comme nos tilapias sont de couleur rouge, beaucoup les préfèrent. D’abord pour la beauté et la tendresse de la chaire. Ensuite, le fait qu’il y a beaucoup d’histoires sur le tilapia, cela a été toujours sur le noir qui est toujours importé. Le rouge est produit localement et nous les livrons vivants. Ce qui lève toute suspicion. Bref, le marché est ouvert à tout monde. Nous vendons au Ghana, à Tsévié et à Lomé qui est notre marché principal. Nous faisons aussi du poisson salé avec nos tilapias. Quand nous faisons la pêche, après le 1er et 2e choix, le 3e choix qui n’a pas encore le poids marchand, nous le prenons pour faire du poisson salé. Cela nous permet de le garder longtemps pour la vente », a expliqué le responsable de la structure qui dispose aussi d’une plantation de plantains pour augmenter la verdure et au même moment soutenir le sol.
Des défis aux doléances
L’un des problèmes majeurs de la ferme piscicole est l’apport d’eau. Etant sur le plan topologique plus élevé que le niveau du canal d’irrigation de la vallée de Zio, elle utilise de l’électricité pour pomper l’eau nécessaire à l’élevage. L’autre difficulté est qu’en saison sèche, le niveau d’eau se réduit dans le barrage d’Alokoègbé. Du coup, la ferme, selon un calendrier établi, n’aura que deux à trois jours d’eau par semaine, occasion de satisfaire aussi les besoins des riziculteurs. Or, il faut à chaque fois évacuer et remplacer pour éviter la pollution dans les bacs. Ce qui engendre des ajouts sur l’exploitation.
« C’est l’occasion de porter nos doléances aux autorités pour curer et étendre le barrage d’Alokoégbé qui était fait si longtemps pour une superficie donnée de la riziculture, alors que maintenant, cette superficie est très élevée, avec le plan que PARTAM a fait pour augmenter la surface cultivable. Cette pénurie d’eau crée des mésententes entre riziculteurs, villageois et nous les pisciculteurs. Je lance un appel au gouvernement pour que, s’il y a un projet pour Kovié, qu’on y pense. Parce que, quand on parle de Kovié, on voit immédiatement le riz qui est produit. Et si ce qui doit servir à produire ce riz ne permet pas de le faire, on va avoir un éléphant sans chair », a souligné M. Adzomla.
Pour lui, l’autre défi, c’est que tout Togolais puisse consommer du tilapia. Et pour cela, il faut étendre la productivité pour que ce poisson si prisé soit disponible. Sur deux hectares, il produit 15 à 16 tonnes par an, alors qu’il pouvait aller jusqu’à 72 tonnes. D’où la nécessité d’améliorer les conditions de production pour atteindre cet objectif. Ce qui demande encore plus d’investissement.
« Actuellement nous utilisons dix sacs de nourriture par jour et le sac est à 12.000 F. Ce qui fait 120.000 F par jour. Bien sûr, en termes de vente, ça coule. Je n’arrive même pas à satisfaire la demande. Actuellement, je mets une densité de trois poissons par m2. Or je peux aller jusqu’à 12 poissons au m2. Tout est lié au nombre et à l’alimentation qu’il faut donner. Si vous n’avez pas cela, vous aurez beaucoup de poissons dans les bacs, mais ils ne vont pas grossir. La demande est là. Il suffit d’arriver à faire des poissons de 400 à 500 grammes, vous n’allez pas manquer de clients », a-t-il confié.
« Pour le financement, nous avons déjà été ciblés dans le cadre du PND et nous avons commencé par produire des dossiers quand le COVID-19 et venu pour mettre tout en veilleuse. Donc nous comptons reprendre les choses après », a renchéri M. Adzomla.
Après un tour dans la ferme pour toucher du doigt les réalités de l’entrepreneuriat dans sa commune, le maire de Zio 2, Mme AgbagloAdjo Collette s’est dit impressionnée par le travail qui s’y fait.
« Je suis venue visiter la ferme aquacole “La Main de Dieu“qui m’a trop impressionnée. J’encourage et félicite le promoteur tout en invitant d’autres qui veulent agir dans ce domaine à lui emboîter le pas. Déjà, je vais m’approcher des structures de financement des entrepreneurs pour leur parler de cette activité et on verra quel apport on peut lui accorder », a-t-elle rassuré.
Faustin LAGBAI
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