Les chefs d’état et de gouvernement de l’Union Africaine réunis en session extraordinaire le samedi 15 octobre à Lomé ont adopté et signé une charte sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique. L’adoption de cet instrument juridique de mutualisation des efforts et moyens, pour une lutte coordonnée contre des crimes commis dans les océans et mers africains est intervenue à Radisson Blu Hôtel 2 Février. Hautement historique, au regard de ses objectifs qui touchent à la fois la sécurité et le développement, cette charte fait de Lomé la ville panafricaine de référence, pour avoir eu l’honneur, d’accueillir l’acte constitutif de l’UA. Le document signé et adopté, tout en restant ouvert à d’éventuelles modifications visant à prendre en compte des volets non suffisamment couverts, se veut un instrument juridique contraignant. Il témoigne de l’engagement des peuples africains, au plus haut niveau, à traquer les criminels opérant dans les eaux africaines, jusqu’à leur dernier retranchement, et à les réprimer avec une flagelle collective qu’est cette charte africaine. De la piraterie à la pollution des espaces marins, en passant par la pêche illicite les trafics de drogues, de stupéfiants et êtres humains, l’Afrique compte, à travers cette charte, parler d’une seule voie concernant la lutte contre ces fléaux
Le sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA) sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique, ouvert le lundi 10 octobre, a connu son épilogue le samedi 15 octobre à Lomé, avec la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement. Cette rencontre des sommités africaines a été dirigée par le président en exercice de l’UA, le Tchadien Idriss Deby Itno, aux côtés de ses pairs africains, dont le chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé. Les travaux ont débouché sur la signature et l’adoption de la « Charte de Lomé sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique ». La signature de ce document est un grand succès pour la diplomatie togolaise qui se veut pragmatique, volontariste et efficace, sous l’impulsion du président de la République. Au total, 30 des 54 pays africains ont adopté la charte de Lomé. Elle se veut un cadre juridique de coopération et d’harmonisation des actions pour réprimer les actes de piraterie, les trafics illicites de tout genre par voie maritime et la pollution des eaux.
La signature de la charte, un grand succès pour la diplomatie togolaise
La charte de Lomé est assortie de la création d’un fonds spécial devant permettre de mieux contrôler et de surveiller les côtes Africains qui représentent un espace de 600.000km. En dehors de son aspect sécuritaire, cette charte, a pris en compte le volet développement. Dans ce sens, le document, une fois mis en vigueur permettra de faire de l’espace maritime le levier principal du développement économique et social de l’Afrique. De ce fait, l’accent est mis sur les immenses ressources des espaces marins qui sont peu ou pas du tout exploitées. Il faut donc explorer les voies et moyens pour créer davantage de richesses avec ces ressources. L’on pense, notamment, à la création de nouveaux emplois et au développement de l’industrie maritime, mieux à la promotion de l’économie bleue. Pour ce faire, la formation des compétences dans le secteur est retenue. Du reste, la charte de Lomé est un document ouvert à la perfection. Dans ce sens, le président tchadien, M. Idriss Deby Itno, en clôturant les travaux, a qualifié l’adoption de cette charte comme étant une décision « sage et consensuelle », mais surtout « courageuse ». « Je vous félicite de l’option courageuse que vous avez choisie pour avancer, en adoptant la charte, avec la possibilité de l’enrichir et de la consolider ultérieurement par des annexes ou protocoles additionnels, en vue d’y inclure les aspects peu ou pas couverts. Cette approche dynamique nous permettra de relever, de façon durable, tous les défis actuels et futurs liés à la problématique de la protection de l’espace maritime », a-t-il souligné. Selon lui, c’est l’aboutissement heureux d’un long processus. « Les résultats auxquels nous sommes parvenus, au cours de cette session extraordinaire, montrent notre capacité et notre engagement à nous mobiliser pour faire face aux multiples défis mettant en danger notre continent. Cet élan de compréhension, d’unité et de solidarité dans l’action est indispensable, car l’avenir de notre continent en dépend », a fait valoir le président en exercice de l’UA. Il a insisté sur l’entrée en vigueur de la charte, en faisant savoir : « L’adoption de la charte de Lomé n’est qu’un premier pas d’une nouvelle étape dans sa mise en œuvre. Notre volonté première de nous doter de cet instrument juridique devrait aussi se traduire par notre détermination à la rendre applicable et opérationnelle, en accélérant sa ratification. Dans cette perspective, je vous invite à faire de l’entrée en vigueur de la charte un objectif primordial, si vous voulez vous attaquer dans l’immédiat aux menaces pesant sur l’espace maritime africain ».
A l’ouverture déjà, le président Deby Itno avait remercié le chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé pour ses initiatives et investissement personnels, dans la mise en route et le suivi du projet de charte sur la sécurité maritime. Il a rappelé que sur 54 pays que compte l’Afrique, 38 sont côtiers et plus de 90% des importations et exportations africaines transitent par les mers. Selon lui, la zone maritime africaine, de par ses potentialités économiques, est un espace vital pour l’Afrique. Mais, malheureusement, cette zone tend à devenir un lieu de prédilection des activités criminelles de tous genres, en particulier, la piraterie, le vol à main armée, les trafics et la pêche illicites, le déversement des déchets toxiques…Ces activités ont sérieusement mis à mal la liberté de navigation bien au-delà de l’Afrique, tout en portant atteinte à la stabilité et à la sécurité des Etats côtiers affectés, ainsi qu’aux victimes innocentes.
De ce fait, l’entrée en vigueur de la charte de Lomé « marquera, sans nul doute, une nouvelle étape décisive dans la dynamique de préservation de l’environnement marin sous toutes ses formes et de développement d’une croissance durable pour notre continent ».
La charte de Lomé dans la dynamique des autres initiatives
Dans son allocution de bienvenue, le président de la République, Faure Essozimna Gnassingbé, s’est dit ému par ce sommet de Lomé, rappelant qu’en ces mêmes lieux, il y a 16 ans, d’illustres dirigeants de notre continent portaient sur les fonts baptismaux l’Union Africaine. Pour lui, avec le présent sommet « nous poursuivons la quête, entamée ensemble plusieurs années en amont, visant à offrir aux filles et fils de notre continent un cadre d’épanouissement sécurisé, prospère et intégré. Un tel cadre englobe nécessairement les terres et les mers. Dans ce contexte, l’unique possibilité pour l’Afrique de pouvoir prendre son destin en mains repose sur une approche coordonnée aux niveaux régional et continental, avec une appropriation des réponses à cette problématique ». Evoquant des actions menées dans ce sens, il a rappelé le sommet des chefs d’Etat de la CEEAC, de la CEDEAO et de la Commission du Golfe de Guinée sur la sûreté et la sécurité maritimes, tenu en juin 2013 à Yaoundé. Il a aussi fait cas de l’adoption à Addis-Abeba, en janvier 2014, de la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050. Le président Faure a dit espérer que le sommet de Lomé, qui s’inscrit dans le prolongement de ces initiatives, marquera une progression notable dans la lutte contre les menaces à la sécurité maritime, pour en prévenir l’expansion et faire des mers et océans un espace propice au développement de l’Afrique et non plus des zones classées uniquement en fonction des risques qu’elles présentent.
Pour le reste, le sommet a pris fin avec une motion de remerciement adressée au peuple togolais, à travers le chef de l’Etat, pour son hospitalité et l’accueil. Une autre motion est allée à l’endroit de M. Carlos Lopes pour service rendu à l’Afrique.
L’économie bleue, nouvelle voie de la renaissance africaine
Dans son propos de circonstance, la présidente de la Commission de l’UA, Mme Nkozana Dlamani Zuma, a d’abord témoigné sa gratitude au président du Togo, Faure Essozimna Gnassingbé, qui a bien voulu conduire ce processus rendant possible ce sommet, dans la belle ville de Lomé. Elle a remercié le gouvernement et le peuple togolais pour l’accueil chaleureux et les commodités excellentes mises à leurs dispositions, sans oublier la jeunesse togolaise qui a rappelé, à la cérémonie d’ouverture, les valeurs essentielles de solidarité chères à l’Afrique. Mme Zuma s’est réjouie du choix de Lomé, cette ville historique, compte tenu de sa réputation comme l’une des capitales africaines où plusieurs instruments continentaux ont été adoptés, notamment la déclaration de l’ONU sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement, lors de la 35e session ordinaire de l’ex OUA et l’acte constitutif de l’UA, adopté en 2000 à Lomé. Selon elle l’Afrique est considérée comme une grande île, avec 38 pays côtiers et insulaires et deux mers et deux océans qui l’entourent. De ce fait, les océans constituent des avoirs importants pour l’Afrique et il faudrait que les pays africains réclament leurs plateaux continentaux pour assurer le contrôle de l’espace maritime, qui est très large et qu’on estime à trois fois la taille du continent, a dit la présidente de la commission de l’UA.
Mme Zuma a souligné que le développement de l’économie bleue est important pour la transformation, dans le cadre du premier plan décennal de l’agenda 2063, qui est un plan directeur de l’avenir de l’Afrique. Elle a évoqué la stratégie maritime intégrée 2050, adoptée en 2014, qui se penche sur les mesures de sécurité et de sûreté maritimes, le développement des infrastructures, les questions d’aquaculture et des droits des mers, du développement durable des océans et des mers. Laquelle stratégie énonce l’économie bleue comme une nouvelle voie de la renaissance africaine. Les opportunités de l’économie bleue sont énormes et représentent des milliers de dollars en biens et services et des millions d’emplois. Il s’agit des secteurs de la gestion navale, logistique, assurance, gestion portuaire, tourisme, ressources halieutiques et aqua- culture, a fait savoir Dr Zuma. « Conformément à l’acte constitutif de l’UA, nous sommes guidés par la vision de consolider le partenariat entre les Etats et l’ensemble de la société civile pour renforcer la solidarité et la cohésion de tous les peuples. Nous devons créer des opportunités pour les entrepreneurs qui doivent occuper les chaines de valeurs dans tous les domaines pour moderniser le secteur maritime africain et prendre le contrôle des espaces maritimes et créer des emplois pour des jeunes gens », a déclaré la présidente de la Commission de l’UA. Mme Nkosazana Dlamini Zuma a insisté sur le rôle des femmes dans le secteur de l’économie bleue, soulignant que la promotion de cette économie doit être inclusive. Elle a émis le vœu que l’économie bleue puisse permettre aux femmes d’être impliquées dans les prises de décisions concernant le secteur maritime.
Elle a insisté sur la coopération dans le tourisme maritime et insulaire, pour que l’Afrique ait accès au secteur du tourisme mondial proprement dit et afin que les millions d’emplois qui se trouvent dans l’économie bleue soient occupés par la jeunesse africaine. « Pour permettre à notre économie bleue de prospérer, nous devons prendre des mesures pour assurer la sécurité, la sûreté et la bonne gestion de l’espace maritime africain. Les approches nationales, régionales et continentales doivent tenir compte de la dimension de l’économie bleue afin de sauvegarder les écosystèmes et la gestion durable des choses pour les générations actuelles et futures », a-t-indiqué.
Intervenant, pour sa part, M. Carlos Lopes, sous-secrétaire général de l’ONU et secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, a demandé aux pays africains de se presser pour rattraper leur retard en matière de développement socio-économique. De ce fait, il a souhaité qu’on compare l’Afrique, non pas au lion, mais plutôt au guépard, qui s’est mieux courir pour atteindre ses proies. Pour lui, grâce à la position africaine commune, à l’agenda 2063, à la zone continentale de libre échange et à la mobilisation des jeunes et des femmes, l’Afrique a pu initier bon nombre d’entreprises et a suit mettre en route la réalisation de l’agenda africain. « Je suis fier d’avoir fait partie de ce voyage », a confié Dr. Carlos Lopès.
Il a souligné que son engagement panafricain découle de l’ADN de sa famille, qui est « enracinée très profondément et qu’on ne peut point déraciner ». Il a promis de poursuivre la lutte pour la cause de l’Afrique, saluant l’engagement des chefs d’Etat africains à la cause de ce continent.
L’ouverture du sommet s’est déroulée dans une ambiance solennelle, marquée par la prestation des enfants appelant à l’union, à la coopération entre pays pour relever les défis de développement et de paix en Afrique.
Bernardin ADJOSSE
Kokou KATAKA
Faustin LAGBAI
Françoise AOUI
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