Urbanisme

Des causes aux ébauches de solutions dans les débats au forum du foncier

vue partielle des participants aux débats sur le forum du foncier
Des causes aux ébauches de solutions dans les débats au forum du foncier

Au 2e jour des travaux du forum national du foncier, experts nationaux et étrangers, acteurs des domaines et personnes ressources, réunis ce mercredi, à Lomé, ont échangé sur diverses thématiques, dont celle liée aux causes de l’insécurité foncière au Togo. Pour l’essentiel, ces causes relèvent de la responsabilité collective et individuelle, mais aussi, des enjeux économiques que constitue la terre au Togo. La solution au problème, de l’avis d’un expert, passe prioritairement par la mise en place d’un système cadastral numérisé et polyvalent, sans oublier le respect des textes.

Le forum du foncier, ouvert lundi, s’est poursuivi hier, avec des débats autour des causes de l’insécurité et de la gestion des litiges fonciers. S’agissant des causes, les intervenants ont relevé que l’insécurité foncière au Togo est liée aux causes d’ordre légal, juridico-judiciaire, institutionnel, professionnel, social, économique et politique. Il faut dire qu’au Togo, l’accès à la terre est assuré, jusqu’alors, au mépris des textes et de l’éthique en la matière. La législation foncière et domaniale, dont le texte fondamental date d’avant l’indépendance, ne facilite pas, non plus, un accès sécurisé à la propriété foncière. L’insécurité foncière s’entend comme étant « tous les aléas qui concourent à permettre à un acquéreur ou  à un propriétaire de ne pas pouvoir jouir du bien pour lequel il a investi. Nous avons tous une responsabilité collective et individuelle. Responsabilité collective, parce que les textes en vigueur en matière d’aménagement de l’espace, sont disponibles, mais ne sont pas suffisamment vulgarisés. Il faut être dans le besoin avant d’aller vers les services techniques qui ont la maîtrise de ces documents. Responsabilité individuelle, parce que, selon les textes de l’Etat, nul n’est censé ignorer la loi. Nous avons également beaucoup d’acteurs qui interviennent dans le foncier. Le propriétaire terrien veut, au départ, mettre en valeur son espace…

Dans les temps immémoriaux, nos parents ne vendaient pas la terre, Dès que quelqu’un les approche pour cela, on demandait aux mânes des ancêtres de l’autoriser à être des leurs et par simple évocation aux oracles, l’allogène est installé. Il est du coup intégré aux évènements heureux et malheureux de la collectivité qui l’a accueilli. Depuis que la terre est devenue l’objet d’aliénation, comme la marchandise ou les denrées alimentaires, il s’est créé une situation d’incompréhension… Nous avons également, par moment, des tribunaux, qui pour trancher, face à un litige foncier, n’ont pas les éléments appropriés afin de décider en connaissance de cause. Là également, ça favorise l’insécurité… », a expliqué M. Tcha Dongba Badibalaki, urbaniste et architecte. Il a évoqué le cas de certains huissiers véreux et propriétaires terriens qui se livrent à des multiples ventes. Il a invité les acquéreurs, avant tout achat, à bien se renseigner auprès des services techniques, des collectivités territoriales et des chefferies traditionnelles. En terme collectif, il est important aujourd’hui, d’avoir un aménagement des chefs coutumiers, de la terre, de villages et autres pour se mettre ensemble et faire aménager l’intégralité de leur territoire spatial avant d’autoriser toute vente.

Certaines pratiques dénoncées

Les débats forts enrichissants ont été ponctués d’interventions dénonçant des pratiques peu orthodoxes dans le domaine. M. Kossi Agbegnega Aboka, président de la délégation spéciale de la préfecture du Golfe, a dénoncé l’existence de réseaux, qui seraient constitués des professionnels de la justice, des personnes bien établies, des forces de l’ordre et d’autres acteurs, pour saboter toute évolution dans le secteur foncier, par leurs actes répréhensibles. Il a invité à démanteler ces réseaux pour faire bouger les lignes et permettre le développement du pays dans la paix. De ce point de vue, le président de la Cour Suprême, M. Akakpovi Gamatho a invité à aller à « une révolution de mentalité », demandant  à tous Togolais de changer de comportement et de dénoncer  des cas avérés de réseaux malveillants auprès des tribunaux. « Il faut que nous apprenions à respecter la loi à tous les nouveaux. C’est la loi qui protège tout le monde, parce que la violation de la loi engendre l’insécurité. J’invite tous les Togolais à s’incliner devant la loi, devant les décisions de justice, ce faisant, nous pouvons contribuer à la sécurité foncière au Togo ».

Pour M. Edouard Gilbert, expert en sécurisation foncière, la solution aux problèmes fonciers au Togo, où la terre est un bien privé, passe par la légalité des transactions. « Il faut que les transactions soient légales. C’est ce qui est très important… Il faut un système où l’on sait que la terre appartient à telle ou telle personne et quand il y a transactions, il faut qu’elles soient enregistrées, que soit dans un système décentralisé ou centralisé », a-t-il dit.

Mise en place d’un cadastre numérisé

Dans ce même sens, M. Daniel Komlan Labari de l’Ordre des géomètres du Togo, a appelé au respect des textes, notamment le décret de 1906, le décret 67 de décembre, relatif à l’urbanisme, l’ordonnance n°12 d’octobre 1974, qui parle de la réforme foncière et domaniale…, des textes pris en compte dans l’avant-projet du code foncier. « Le deuxième aspect est qu’il faut discipliner les avocats, les magistrats, les huissiers, les géomètres. Vous savez, quand vous allez dans les tribunaux, 90% des affaires civiles sont liées au  foncier. Les magistrats… les géomètres que nous sommes, il faut que chacun dise la vérité.

La solution technique sera de mettre en place un système cadastral. Le Togo n’a pas de système cadastral. Le pays fait 56.600km2, c’est très petit. Si on cadastre tout le pays, on pourra recenser tous les problèmes. Le cadastrage du pays va mettre l’occupation spatiale dans un même système de référence. Il n’y aura  plus question qu’on a créé deux titres fonciers sur la même parcelle, ni qu’on a visé deux plans sur la même parcelle. Le cadastre va diminuer les conflits entre les propriétaires, parce que quand la borne est posée, tout le monde est d’accord, quand il y a les bornes entre les cantons, il n’y a plus de problèmes entre ces cantons ; même chose entre les régions et préfectures. Le système cadastral permet aussi de déterminer les zones propices à l’agriculture, les zones montagneuses… Il faut mettre en place un cadastre polyvalent…, un plan cadastral numérisé à buts multiples. Avec 18 milliards de FCFA, on pourra le faire et il y aura des retombées économiques, parce qu’on va mettre en place un cadastre fiscal et c’est important », a-t-il fait valoir.

Concernant la gestion des problèmes fonciers, il faut relever qu’elle se fait au niveau des chefferies traditionnelles, sous forme de conciliation, sans une portée juridique. Elle se fait aussi au niveau des postes de police et de gendarmerie, avant de déboucher aux niveaux des avocats et des tribunaux pour une portée juridique.

Les débats du forum se poursuivent, demain jeudi, sur la thématique : « une bonne gouvernance foncière : quelle place pour une politique foncière au Togo ? ». Il y aura, par la suite, le partage d’expériences du Sénégal, suivi des travaux en groupe.

Bernardin ADJOSSE


 

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