Littérature

LITTERATURE : « Le Bouc », un roman du Pr Robert Dussey dédicacé lundi

L'auteur Robert Dussey dédicace son roman.
LITTERATURE : « Le Bouc », un roman du Pr Robert Dussey dédicacé lundi

Amoureux et amateurs des belles lettres se sont réunis, lundi 8Avril 2024 à la Présidence de l’Université de Lomé, pour une cérémonie de dédicace du roman intitulé « Le bouc » du Pr Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’Extérieur. L’ouvrage de 177 pages, réparti en quatre chapitres, fait référence à la vie de Koné, durant sa courte existence, une vie qui répond à l’image que reflète le bouc par rapport à ses comportements sexuels, nullement une référence positive, comme pourrait l’être un Don Juan par exemple. Pour l’auteur, l’humain doit pouvoir dominer ses pulsions et se discipliner.

« Le bouc », le dernier des six ouvrages du Pr Robert Dussey, dédicacé, lundi, a une originalité. Elle réside d’abord dans le titre, parce que pour une des rares fois, le titre du roman n’entretient aucun rapport direct avec l’intrigue, ni la trame narrative. Et le lecteur sera surpris à la fin de sa lecture de ne pas trouver de bouc en tant qu’animal, mammifère ruminant dans cette œuvre. L’auteur a récupéré le symbolique du bouc, avec une image négative qu’on a de lui dans l’univers, c’est-à-dire un animal puant, caractérisé par un excès de sexualité, qui frise même l’inceste, car n’arrivant pas à maîtriser ses pulsions.

Le Bouc, le dernier roman du ministre Dussey.

L’histoire du bouc est déroulée linéairement et chronologiquement sur 177 pages réparties en quatre chapitres : « Entre la vie et la mort », « L’amour précoce », « Le VIH » et « La rencontre divine ». En réalité, il s’agit essentiellement du récit de la vie de Koné, de Christopher et de Christelle. Une vie trop courte, puisque Koné, le protagoniste, se fera emporter dans la quinzaine par le VIH/Sida, à travers une vie de débauche et de vagabondage sexuel. De l’avis de Guy Missodey, critique littéraire, l’auteur se polarise essentiellement sur Koné, les autres personnages, à la limite, ne jouent que des rôles secondaires. La vie de Koné répond à l’image que reflète le bouc par rapport à ses comportements sexuels. Un bouc enclin à l’inceste avec sa mère, n’est nullement une référence positive. Le bouc symbolise donc un ostracisme total, dont la réintégration du corps biologique au corps social est conditionnée par sa castration qui est censée mettre fin à sa forte odeur, plutôt l’atténuer, sans nécessairement discipliner son comportement. Puisque, même castré, le bouc ne se maîtrise pas. Ce faisant, l’auteur assimile son personnage à un animal, le bouc, au sens le plus criard de la perception qu’on pourrait avoir de cet animal. Ce qui induit que l’une des intentions ou des obsessions du Pr Dussey serait didactique : l’humain doit pouvoir dominer ses pulsions et se discipliner. « Le bouc » pourrait donc être lu comme une critique sociale qui interpelle, non seulement les parents, quant à la bonne éducation de leurs enfants, mais aussi les partenaires de l’éducation qui, à un moment donné, ont démissionné devant leur responsabilité. Le roman est comme une tentative de réponse à la question du mal, dont l’homme est parfois l’auteur, parfois la victime.

L’humain face à ses responsabilités

Toutefois, la chute de l’homme ne serait pas irréversible, le rachat est possible par piété, condition nécessaire au salut. Dès lors, le mal biologique prend une amplitude métaphysique dans ce roman, en relation à la luxure qui règne dans le milieu scolaire et dont Koné en est la véritable victime. Innocent ou coupable, se demanderait-on ? Même à sa venue au monde, au regard de la série de malheurs qui s’en est suivie, les sages étaient déjà pessimistes, quant à la venue de cet enfant. Or, s’il est possible à tout homme de se défaire de la prison, par l’exercice de la raison et la pratique de la vertu, Koné est-il capable d’aller contre la volonté des dieux ? On pourrait aussi répondre que c’est en toute conscience et en toute volonté qu’il a, en moins de trois ans et à moins de quinze ans d’âge, forniqué avec une trentaine de partenaires sexuelles. Dans cette logique, sa fin tragique et prématurée serait de l’ordre de la fatalité ?

Le dernier chapitre du roman se présente comme un conflit idéologique qui connaitra son paroxysme par la révolte de Christelle face à une certaine mauvaise loi de Dieu. Pourtant tout indiquait que Koné est un personnage prédestiné. Les signes et les présages qui sont les messages de la nature et qui annoncent sa naissance, les différents obstacles qui vont jalonner le processus de son accouchement, qui vont culminer à la mort tragique de sa tante, le décès de son père par noyade, autant d’annonces que viendra confirmer la vie de débauche de Koné, qui va le conduire à la mort. Ce qui ne répond pas toujours aux normes du christianisme, même si on supposait comme Sartre que Koné est un chrétien à qui la sagesse a manqué.

La conscience comme baromètre

Par-delà cette seule image du personnage, c’est un appel lancé par l’auteur à une prise de conscience. Parce que, ce n’est pas pour rien que le roman est campé dans un milieu précis, qui est le milieu scolaire où se trouvent des adolescents comme Koné qui, déjà à moins de 15 ans, avait plus d’une trentaine de partenaires sexuelles. Et on a l’impression que c’est quelqu’un qui n’obéit à aucun baromètre, c’est-à-dire qu’il ne vit que pour le sexe, et rien que pour le sexe. Malheureusement, son père qui aurait dû peut-être constituer une sorte de garde-fou, va mourir très tôt. Et il n’a que sa mère qui, l’instinct maternel dominant, a peur justement de le froisser, ne fait que le ménager. « C’est juste un prétexte qui conduit à poser, non seulement le problème du Sida, mais aussi, celui du mal, perçu comme un mal biologique, mais également un mal métaphysique. Cela met l’humain face à ses responsabilités », relève Guy Missodey.

« Koné est alors assimilé à un personnage prédestiné, mais il est également responsable de ses actes. Parce que, c’est trop facile d’accuser le ciel, une tante ou un vieux du village pour justifier son comportement, alors que nous avons un baromètre qui est la conscience. Et un autre aspect intéressant dans ce roman, c’est que le roman ne se ferme pas sur un ton pessimiste. Car après avoir passé une sorte de traversée du désert, sa mère sera heureuse d’apprendre à la télévision qu’on a découvert une méthode qui permet de vivre avec cette maladie, les rétroviraux. Mais alors, ce n’est pas parce qu’on a trouvé une façon qui permet de vivre avec ce virus que nécessairement on doit s’adonner à la débauche sexuelle », souligne-t-il.

« Le personnage est en nous tous et nulle part, puisque c’est une fiction. En Koné, ce sont des expériences vécues, mais pas des personnages connus. Ces comportements ne sont pas seulement des fictions, mais des réalités des camarades qui se sont amusés avec leur vie. La mort de Koné est perçue comme une conséquence logique de ses actes et appelle à avoir une vie disciplinée, une vie responsable », a laissé entendre l’auteur.

Faustin LAGBAI

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