Le Département de l’Agriculture, des Ressources en Eau et de l’Environnement de la commission de l’UEMOA tient, depuis le 10 octobre 2023, à Ouagadougou au Burkina Faso, un colloque régional sur le bilan des deux décennies de mise en œuvre de la Politique Agricole de l’Union (PAU). Une politique mise en place, depuis 2001, pour satisfaire les besoins alimentaires des populations, assurer le développement économique et social des Etats membres et réduire la pauvreté. Il s’agit, à travers cette rencontre de trois jours, de dresser le bilan de la mise en œuvre de ladite politique et de tracer les perspectives dans la dynamique d’une relecture et d’une mise en perspective de la nouvelle Politique Agricole de l’Union, en cohérence avec les politiques nationales, ainsi que les défis et enjeux actuels.
Marquant l’apothéose d’une série de concertations nationales et régionales, « le colloque de Ouagadougou » se tient, depuis le 10 octobre 2023, sur fond d’échanges approfondis concernant les acquis, enjeux et défis de la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine agricole, en vue de la relance de cet important secteur au sein de l’Union. Pendant trois jours, les experts vont, à travers panels et communications, définir des actions stratégiques et opérationnelles à mettre en place, pour s’assurer que les politiques agricoles de l’Union garantissent une véritable souveraineté alimentaire et nutritionnelle aux populations, tel que définie par les objectifs de la création de la PAU. .
En effet, la PAU fait partie des premières politiques sectorielles adoptées par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union, afin de donner un contenu réel à la dynamique de convergence régionale et de construction du marché commun régional. Un autre objectif visait à contribuer, de manière durable, à la satisfaction des besoins alimentaires de la population, au développement économique et social des Etats membres et à la réduction de la pauvreté, tout en relevant trois défis majeurs à savoir : nourrir la population de la région dans un contexte de forte croissance démographique et d’urbanisation, accroître la production agricole de façon durable par l’intensification et réduire la pauvreté en milieu rural, en améliorant le revenu et le statut des agriculteurs. La mise en œuvre de cette politique a été arrimée à celle d’actions communes et, éventuellement, de politiques communes, notamment dans les domaines des ressources humaines, de l’aménagement du territoire, des transports et télécommunications, de l’environnement, de l’agriculture, de l’énergie, de l’industrie et des mines.
Par ailleurs, le Protocole Additionnel N°II de l’UEMOA stipule, en son article 13, que les grands objectifs poursuivis dans le domaine agricole devront être la réalisation de la sécurité alimentaire et l’autosuffisance au sein de l’Union, l’accroissement sur une base durable de la productivité de l’agriculture. Ceci, grâce à la maîtrise du progrès technique, au développement et à la rationalisation de la recherche, de la production et des filières agricoles, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de fonctionnement des marchés de produits agricoles et des produits de l’élevage et de la pêche.
Vingt ans après, encore des défis
Deux décennies après la mise en œuvre de la PAU, beaucoup de défis demeurent malheureusement d’actualité et se trouvent être renforcés par des enjeux nouveaux. Pour le commissaire Kako Nubukpo, en charge du Département de l’Agriculture, des Ressources en Eau et de l’Environnement, la mise en œuvre de la PAU pendant les deux décennies a été marquée par une croissance démographique soutenue, notamment dans les pays sahéliens de l’Union, ainsi qu’une urbanisation galopante. Elle a été également marquée par une accentuation des effets de la variabilité et du changement climatique (sécheresse, inondation, dégradation des ressources naturelles) et d’une insécurité tentaculaire des personnes et des biens, qui touche plus de la moitié des pays de l’Union. Ce contexte impacte la vie économique et principalement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, avec des épisodes de crises dans certains des Etats membres. « Les effets combinés du changement climatique, des conflits et des imperfections du marché ont fragilisé le tissu productif du secteur agrosylvopastoral et halieutique et la capacité de résilience des populations. A travers ce colloque, nous voulons réaffirmer l’engagement de la Commission de l’UEMOA à interagir avec tous les acteurs, pour la redéfinition de la Politique Agricole de l’Union et pour la prise en compte des enjeux nouveaux », a-t-il relevé.
De son côté, M. Mamadou Serifo Jaquité, commissaire en charge du Développement humain, a fait savoir que la triple crise sécuritaire, climatique et celle des intrants, consécutive à la guerre russo-ukrainienne, renvoie à la dure réalité de la grande dépendance de l’Union vis- à vis des chocs exogènes et endogènes. Et pourtant, il est établi que notre région dispose des ressources minières (phosphates) et naturelles (terres arables, eau) suffisantes pour assurer notre souveraineté alimentaire et nutritionnelle. « Les tendances lourdes comme la démographie soutenue, le changement climatique et l’insécurité ayant caractérisé l’espace régional, ces deux dernières décennies, suffisent-elles pour expliquer les performances des politiques publiques dans le domaine agricole et en particulier, celles de la Politique Agricole de l’Union ? Ces politiques, reflètent-elles les enjeux actuels du secteur agricole ? Les instruments de politique publique déployés sont-ils en adéquation avec les défis actuels du secteur agricole ? », a-t-il interrogé.
Yankolina M. TINGAENA
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