La mesure gouvernementale limitant le nombre de personnes aux funérailles et aux enterrements à quinze (15) personnes, pour empêcher la propagation du Coronavirus par ce canal a du plomb dans les ailes. Les populations, foncièrement attachées à la tradition, continuent d’honorer leurs morts à travers de grands regroupements dans les cimetières et d’autres manifestations grandioses nature qui marquent souvent ce genre de rituel. Beaucoup, feignant donc ignorer cette mesure qui vise à les protéger contre cette maladie hautement mortelle, se rassemblent, pleurent, mangent, chantent, dansent et boivent autour de leurs morts…. Ces faits, remarquables samedi dernier au cimetière de Bè-Kpota et d’Anfamé, ont été aussi constatés auparavant à Légbassito et Sogbossito. Un constat qui contraste avec les dispositions à la morgue du CHU Sylvanus Olympio, où seuls cinq (5) personnes sont autorisées à faire le retrait du corps d’un disparu. Au cimetière de Bè-Plage, c’est carrément une autre loi qui règne : les enterrements sont simplement suspendus, pour éviter que les morts ne créent des malades ou d’autres morts.
Un effort remarquable se fait à la morgue du CHU Sylvanus Olympio, en vue de limiter la propagation de la pandémie de coronavirus. Selon le chef service de la morgue, M. Koumana Atégoua, la morgue respecte toutes les mesures prises par le gouvernement et les officiels de la santé, afin de parer à toute éventualité. « Particulièrement à la morgue, après le communiqué des autorités annonçant un premier cas de coronavirus au Togo, nous nous sommes mis au travail. En application des dispositions prises pour prévenir la population, surtout celle qui restreint les funérailles et les enterrements à au plus 15 personnes, nous avons reçu une note du directeur général du CHU qui recommande aux chefs services de réduire au maximum les visites. Dans le même sens, sur instruction du directeur, la morgue a suspendu les expositions. De plus, nous conseillons aux parents que, bien que le gouvernement demande qu’au plus 15 personnes assistent aux funérailles et aux enterrements, la morgue n’autorise que 5, dont 4 pour porter le cercueil et un responsable de famille pour remplir les formalités. Même si, au même moment, 10 familles viennent chercher le corps de leur mort, nous leur demandons de ne pas rester grouper, de s’éparpiller sur la cour de la morgue, en respectant l’écart d’un mètre tel que recommandé par l’OMS. Même lors de la chapelle ardente que certaines familles organisent chez nous, nous veillons au respect des consignes du gouvernement, grâce à la mobilisation de nos agents de sécurité et de tout le personnel, y compris moi-même. Si les familles veulent insister, nous leur disons que seuls cinq personnes sont acceptées. S’agissant d’une exposition, seul le pasteur ou prêtre accompagne les cinq personnes recommandées par la morgue, pour faire la prière et le corps part. Nous tenons vraiment à respecter les mesures et les gestes barrières. Parce que nous suivons tout ce qui se passe dans le monde. Si le chef de l’Etat s’est personnellement engagé dans cette lutte, si le gouvernement est acharné, avec des mouvements dans toutes les directions, nous devons tous mettre la main à la pâte pour éradiquer la maladie. Comme la Chine, le Togo pourrait aussi gagner cette bataille contre le coronavirus, si tout le monde respecte les dispositions sanitaires et les mesures préventives prises par nos autorités », a expliqué M. Atégoua.
Plusieurs facteurs limitent l’application des mesures
Contrairement à la morgue, les responsables des cimetières ne sont pas apparemment rigoureux sur les consignes limitant à 15 le nombre de personnes recommandées à assister aux enterrements. Au cimetière de Bè-Kpota, qui est le plus grand à Lomé, rien ne se fait pour faire respecter cette mesure. Le seul dispositif encourageant est la mise en place du système de lavage de main à une entrée. Pas de contrôle aux entrées, ni à l’intérieur du cimetière, les tombes sont en ligne, et deux, trois ou quatre familles peuvent simultanément enterrer leurs morts. Un fait déploré par plusieurs personnes ayant accompagné des familles éplorées au cimetière. « En dehors de la sensibilisation, il devrait avoir une stratégie pratique pour réguler les entrées de chaque corps. Le corps A est en train de rentrer, il y a combien de personnes qui le suivent, on doit pouvoir faire ce travail à l’entrée. Parce que, une fois dedans, ce serait un peu difficile car, on laisse entrer plusieurs corps à la fois. Les tombes dans lesquelles on enterre même sont côte à côte, c’est pourquoi il est nécessaire de pouvoir réguler à l’entrée. Nous, on n’avait que cinq véhicules, y compris le corbillard, et nous n’étions que trois dans notre véhicule. En dehors de nous, il y a certains qui sont arrivés avec des taxis-motos. Quand nous avons constaté que les gens sont nombreux, on s’est mis à l’écart. On n’est pas parti. Vous savez, si la famille n’arrive pas à prendre les dispositions pour qu’il y ait moins de personnes, arrivée ici, la municipalité doit rappeler la famille à l’ordre. L’autre problème, c’est que le corps rentre par ici avec d’autres personnes et la famille de l’autre côté. La municipalité doit mettre des gens aux deux entrées pour pouvoir contrôler ceux qui arrivent, ou bien laisser ouvrir une seule porte pour le corps et la famille. Il doit y avoir aussi, aux entrées du cimetière, des panneaux d’affichage sur la pandémie de coronavirus. Ceci, pour renseigner aux gens qu’on peut attraper Covid-19 au cimetière », a souligné, avec inquiétude, un parent venu assister à l’enterrement d’un proche, en compagnie de son ami.
A Anfamè, cimetières non clôturés
Au cimetière d’Anfamè, situé derrière la clôture de l’entreprise GER, et à Sogbossito, dans la préfecture d’Agoènyivé, cette mesure pourrait être respectée, si ces cimetières étaient clôturés, soutiennent certains employés des lieux.
« Monsieur le journaliste, vous, vous ne connaissez pas les Togolais ? Malgré tout ce que nous disons, des gens arrivent en grand nombre », déplore l’un de ces responsables au cimetière de Sogbossito. Ce dernier constate avec dame Monique, une habitante riveraine du cimetière que « tant que le cimetière n’est pas clôturé, on ne peut pas contrôler ceux qui arrivent. Je crois que les responsables de nos cimetières doivent, en ce moment, recruter beaucoup d’agents de sécurité, pour pouvoir faire face à cette situation ».
Au cimetière de Légbassito, la situation est presque la même que celle qui se passe à Sogbossito. Mais là, les membres du comité villageois de développement veillent, bon gré mal gré, au respect de cette disposition et d’autres gestes barrières tels que : rester à distance d’au moins un mètre des autres et le port de masques.
Le cimetière de Bè-Plage, qui se trouve dans l’incapacité de gérer cette situation, a pris la résolution de suspendre les enterrements jusqu’à nouvel ordre.
«Depuis que les autorités ont pris la décision de réduire à 15 le nombre de personnes qui doit assister à un enterrement, nous n’avons enterré qu’une seule personne. Quand des gens viennent pour la demande, nous leur disons que l’enterrement ici est suspendu jusqu’à nouvel ordre. Le problème est que nous avons deux entrées et nous, les agents de sécurité, nous sommes également deux. Ce qui fait que quand l’un contrôle, à une entrée, l’arrivée des gens, l’autre s’occupe de petits trucs dans l’enceinte du cimetière, et l’entrée où on fait passer le corps est restée non surveillée », a expliqué M. Big, l’un des gardiens du cimetière.
Enterrer avec modestie et honorer le mort après, un autre choix
Face à la nouvelle donne dictée par la pandémie du Covid-19 certaines familles ont préféré garder leurs morts à la morgue. D’autres les enterrent dans la modestie et en attendent la fin de la pandémie de coronavirus, pour les honorer comme cela se doit à travers les funérailles à grande pompe.
«Chez nous, quand il y a un décès dans une famille, les membres qui sont à l’étranger reviennent tous. C’est pourquoi, actuellement, il y a plus de cinq morts qui sont laissés à la morgue. Parce que, chez nous comme partout en Afrique, les morts sont valorisés. Certains en revanche ont décidé de respecter les mesures barrières en enterrant modestement et dans l’intimité familiale leurs morts. Ces derniers attendent organiser les funérailles après cette maladie qui fait peur à tout le monde. Parce que chez nous, les funérailles constituent l’occasion pour la famille éprouvée de préparer un voyage digne dans l’autre monde à leur fils ou fille», a souligné Togbui Dzidjoli Koami Agbotro-Logbo IV, chef canton de Légbassito.
Et si la sobriété s’imposait comme loi après!
Certains à Lomé vont au-delà des considérations faites aux morts, trouvant que la mesure limitant l’assistance à l’enterrement à 15 personnes ne fait qu’arranger une situation. Dans ce sens, M. Sam, un visiteur rencontré chez le chef argumente: « Moi je dis souvent que les Africains accordent plus d’importance aux dépouilles mortelles qu’aux malades de leurs sociétés, aux morts qu’aux vivants. Même ceux qui n’ont pas d’argent pour prendre en charge leurs malades savent trouver des moyens à la fois économiques et financiers, matériels et humains pour organiser les funérailles des leurs, souvent coûteuses pour rien. On aurait pu utiliser ces moyens pour scolariser les enfants ou les mettre en apprentissage. Je souhaite de voir la possibilité de réguler les funérailles à travers des mesures qui les empêcheraient d’être trop budgétivores, après cette maladie».
Tout compte fait, l’essentiel pour tout le monde est d’observer les mesures préventives prises par le gouvernement, ainsi que les gestes sanitaires, pour que le Togo puisse combattre cette maladie, a-t-il conclu. Dans ce sens, M. Ahmed Bangna, appelle les autorités, en cette période où le pays fait face à la maladie à coronavirus, à trouver des moyens légaux pour amener tout le monde à observer les consignes sanitaires ainsi que les mesures préventives.
Le non-respect des consignes sanitaires face à la loi
La loi n°2009-007 du 15 mai 2009 portant code de la santé publique en République togolaise prévoit des dispositions sur la prévention de certaines maladies contagieuses. Ces dispositions traduites dans le chapitre V sur la prévention et la lutte contre les épidémies exigent des personnes malades, la déclaration de certaines maladies contagieuses, instituent la déclaration par le personnel soignant des formations sanitaires (publique ou privée) sur le territoire, de tout cas de maladies contagieuses constaté à leur niveau à l’autorité sanitaire et fixent les conditions de manipulation et d’inhumation des corps des victimes de maladies contagieuses. Elles définissent les conditions d’instauration de l’état d’alerte sanitaire et punissent d’une amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs CFA et d’une peine d’emprisonnement de quinze (15) jours à un (01) mois ou de l’une de ces peines seulement toute infraction à ces dispositions.
Les dispositions du code pénal
La loi n° 2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal punit dans la seconde section de son chapitre II sur les infractions sanitaires, les contrevenants aux dispositions mises en place par le ministre de la Santé pour lutter contre des maladies contagieuses. Cette section qui porte sur les infractions relatives à la prévention des épidémies comporte deux articles essentiels, dont l’un punit d’une amende de cent mille (100 000) à cinq mille (500 000) francs CFA quiconque contrevient à l’obligation de déclaration et de désinfection de maladies contagieuses et l’autre punit d’une peine d’emprisonnement d’un (01) à six (06) mois et d’une amende de cent mille (100 000) à (2 000 000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines quiconque contrevient aux mesures obligatoires d’hygiène et de prophylaxie prises par décret sur proposition du ministre chargé de la Santé, instituant l’état d’alerte sanitaire dans une localité où une région déterminée et renouvelable au besoin.
Komla GOKATSE
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