Un séminaire régional sur l’interopérabilité des identifications numériques en Afrique, porté par l’Agence nationale d’identification (ANID), en collaboration avec la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) de l’Organisation des nations Unies, se tient à Lomé. Il regroupe des décideurs politiques, experts et parties prenantes venus de différents coins du continent, pour réfléchir aux solutions permettant d’atteindre l’interopérabilité pour les identifications numériques en Afrique. Ceci, pour faciliter l’inclusion sociale et financière des populations.
Durant trois jours, les participants vont identifier les lacunes existantes dans les systèmes d’état civil relevant des domaines tels que l’éligibilité, l’accessibilité et la non-discrimination, qui peuvent favoriser l’exclusion, discuter de l’impact de l’identification numérique interopérable sur la croissance économique de l’Afrique. Les parties prenantes vont également identifier les défis à l’interopérabilité des identifiants numériques en Afrique, en particulier les facteurs qui sapent la confiance entre les Etats, relever les principes qui constituent la base de l’interopérabilité. Elles vont aussi identifier les cadres juridiques et règlementaires nécessaires pour faciliter l’interopérabilité des identifiants numériques en Afrique, en ciblant spécifiquement la confidentialité, le partage des données. Les participants vont immanquablement discuter des défis de la cybersécurité et recommander des mesures pour les améliorer.
Faible gouvernance numérique sur le continent
En effet, selon les statistiques, 500 à 600 millions d’Africains manquent de documents d’identité fondamentaux, à cause de la fragmentation et du manque de ressources adéquates pour gérer les systèmes d’état civil et de statistiques d’état civil. Comme conséquence de cette quasi absence de système d’identité numérique, la faible gouvernance numérique sur le continent. En effet, cette population se retrouve exclue de la marche vers le développement, dans la mesure où elle est en marge de toute forme d’interaction qui nécessite de prouver son identité, à travers des actes anodins tels que : ouvrir un compte bancaire, inscrire son enfant à l’école, accéder aux soins de santé de base ou aux avantages liés à la protection sociale, participer à la vie politique, payer ses impôts, etc. Ainsi, l’identité légale juridique constitue la base de la jouissance des autres droits de l’Homme et de la pleine participation de l’individu à la société. Or, la stratégie de transformation numérique pour l’Afrique vise à avoir une société et une économie numériques intégrées et inclusives, qui améliorent la vie des Africains.
Construire un marché numérique sécurisé
Pour réaliser cette vision, la stratégie vise à construire un marché numérique sécurisé d’ici 2030, qui permet la libre circulation des personnes, services et capitaux, mais aussi permet aux particuliers et aux entreprises de commercer dans la zone de libre échange africaine. L’identité juridique, en particulier l’identité numérique et l’interopérabilité sont donc essentielles pour réaliser à la fois ces visions et objectifs. Les pays devraient surfer, à cet effet, sur l’accélération ces dernières années de la numérisation en Afrique, surtout avec la survenue de la pandémie de la Covid19 qui a augmenté l’utilisation des paiements numériques et des services électroniques dans les secteurs privés et publics.
A l’entame des travaux, le directeur général de l’Agence nationale d’identification (ANID), M. Silété Devo, a indiqué qu’aujourd’hui, il ne s’agit plus de donner une preuve d’identité traditionnelle, comme il y a 30 ou 40 ans, mais de tirer meilleure partie des innovations technologiques du moment, pour offrir une identité légale infalsifiable, unique et interopérable, partout et sur le continent africain, en particulier. « Dans une société africaine de plus en plus connectée, il faut donc capitaliser sur les formidables externalités positives offertes par la digitalisation, afin de construire un écosystème permettant aux populations les plus vulnérables d’être visibles et actrices du développement. Le tout en bâtissant un climat de confiance reposant sur la protection des données à caractère personnel, la lutte contre la cybercriminalité et la promotion de la cybersécurité, tout en privilégiant une souveraineté numérique », a soutenu M. Devo.
Lutter contre la fracture numérique
Pour lui, il faut impérativement lutter contre la fracture numérique pour réduire le déficit entre les zones urbaines et rurales, afin de renforcer l’inclusion numérique. Pour ce faire, des actions doivent être entreprises à tous les niveaux, pour renforcer les investissements dans ce secteur et permettre à tous les citoyens d’avoir accès aux services numériques de manière juste et équitable, a-t-il proposé. Evoquant le cas du Togo, M. Devo a rappelé que « le gouvernement togolais a inscrit sur sa feuille de route gouvernementale 2020-2025, l’attribution de l’identité pour tous. Premier projet inscrit sur ce plan quinquennal, il constitue le socle sur lequel vont se greffer d’autres projets prioritaires tels que le registre social des personnes et des ménages et la couverture maladie universelle, conformément à l’axe 1 de ladite feuille de route. Ce projet est mis en œuvre avec l’appui de la Banque Mondiale, dans le cadre du programme d’identification unique pour l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. C’est dire que cette question est au cœur des préoccupations du gouvernement togolais ». M. Devo a, pour finir, remercié la Commission Economique pour l’Afrique pour l’organisation de cette rencontre à Lomé, tout en témoignant la disponibilité de l’ANID, qui est l’autorité nationale compétente dans le cadre de la mise en œuvre de l’identification biométrique, à accompagner les efforts pour une Afrique bénéficiant d’une économie digitalisée, à travers un système d’identification fiable, résilient et robuste, inclusif, interopérable et fondé sur un climat de confiance entre le citoyen et l’Etat.
Blandine TAGBA-ABAKI
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