Depuis le début de l’année, particulièrement à partir de mars 2022, le monde assiste à une augmentation du niveau général des prix sur le marché. Les prix des biens et services de base, notamment ceux des produits alimentaires, de l’énergie, du transport, du logement et des vêtements sont ainsi devenus plus chers. Cette flambée générale des prix, qui ne se limite pas aux biens importés, suscite des interrogations et inquiétudes auprès des consommateurs. Pourquoi l’inflation et comment l’expliquer ? Quelles sont les mesures prises par la banque centrale et le Togo pour lutter contre ce phénomène qui a des répercussions sur tous les secteurs économiques, les ménages et les entreprises? La réponse à ces préoccupations à travers ces lignes.
L’inflation se définit comme une hausse du niveau général des prix des biens et services. Cette situation conduit à la baisse du revenu et du pouvoir d’achat des consommateurs. En effet, lorsque le prix d’un produit augmente, pendant que le revenu du consommateur reste inchangé, ce dernier réduit la quantité de biens qu’il consomme. A titre d’exemple, un consommateur consacre 1000 F pour s’acheter du savon, au prix unitaire de savon de 200 F. Lorsque le prix d’une unité de savon augmente et passe de 200F à 250 F, il ne pourra s’acheter que 4 unités. La hausse des prix a engendré une réduction de la quantité de savon acheté qui passe de 5 unités à 4 unités.
Sur le plan théorique, l’inflation tire son origine du déséquilibre entre l’offre et la demande de biens et services. En d’autres termes, lorsqu’il y a déséquilibre entre l’offre et la demande de biens et services et que l’ajustement ne peut se faire par l’offre, ni par la demande, alors cet ajustement (c’est-à-dire pour ramener l’équilibre) se fait par les prix. Autrement dit, si la demande augmente, pour que le prix d’équilibre soit maintenu, l’offre devrait être augmentée de sorte à maintenir le prix d’équilibre, dans le cas contraire c’est les prix qui devraient augmenter. Dans ce cas, on parle du choc sur la demande. Si le déséquilibre est dû à l’offre, on parle du choc sur l’offre.
Les différents types d’inflation
L’inflation se mesure annuellement et se présente sous forme de pourcentage. Lorsque l’inflation augmente, le pouvoir d’achat de chaque FCFA que vous possédez diminue d’autant. Selon les experts, il existe plusieurs formes d’inflation : L’inflation du coût des matières premières, l’Inflation du coût du travail, l’inflation des coûts d’intérêt, l’inflation à la consommation, l’inflation importée, etc.
Dans le cas de l’inflation importée, elle est liée aux pays étrangers et au commerce extérieur. C’est la situation que le monde entier vie actuellement. Le niveau des prix des biens et services des produits importés a beaucoup augmenté. Le renchérissement de ces produits importés se répercute dans tous les secteurs de l’économie et touche les ménages autant que les entreprises des pays importateurs. Ce phénomène se produit aussi lors d’une forte hausse des cours des produits énergétiques et agricoles sur les marchés mondiaux.
Lutte contre l’inflation
Selon les économistes, sur le plan théorique, pour lutter contre l’inflation, deux outils sont mis à la disposition de l’Etat afin d’aider à apporter la stabilité et le développement. La politique budgétaire, menée par l’Etat, et la politique monétaire, mise en œuvre par la Banque centrale.
La politique budgétaire consiste à utiliser le budget de l’Etat (par une action sur les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires) pour atteindre certains objectifs choisis par le gouvernement, afin de réguler une activité. Dans le cadre de l’inflation, le gouvernement utilise sa politique de recettes et de dépenses fiscales pour influer sur la demande et l’offre globales de produits et de services et ainsi lutter contre la flambée des prix.
La politique monétaire, de son côté, est un autre instrument qui peut être choisie à la place ou en complément de la politique budgétaire, pour agir sur la conjoncture. La politique monétaire est décidée par la Banque centrale (généralement indépendante du pouvoir politique), dont la mission est de contrôler et de réguler finement la quantité de monnaie en circulation dans l’économie (masse monétaire). La Banque centrale peut mener une politique d’augmentation de la masse monétaire et de réduction des taux d’intérêt ou alors elle peut diminuer la masse monétaire et augmenter des taux d’intérêt. Grâce aux taux d’intérêt directeur, la Banque centrale exerce une influence sur les taux d’intérêt des banques commerciales et, par ce biais, sur le coût du crédit aux ménages et aux entreprises. Si les taux directeurs baissent, les taux d’intérêt baissent aussi, permettant aux ménages et aux entreprises d’emprunter plus auprès de leur banque (en raison de la baisse du coût du crédit), ce qui contribue à la création monétaire. Du reste, en baissant son principal taux directeur, la Banque centrale facilite le refinancement des banques. Celles-ci vont répercuter la baisse sur les taux d’intérêt qu’elles proposent aux ménages et aux entreprises. Face à l’ampleur de la crise d’inflation, il est possible d’utiliser une politique mixte. C’est-à-dire, combiner la politique budgétaire et monétaire.
L’inflation actuelle et les mesures de renforcement de la résilience au Togo
Selon les experts en économie, la situation que nous vivons actuellement dans le monde, est une inflation importée dans la grande majorité. C’est l’augmentation du coût des produits importés qui agit sur les ménages et les entreprises. Le coût de production des biens ou des services importés a augmenté en répercutant sur les consommateurs.
A titre indicatif, selon le bulletin mensuel des statistiques de la BCEAO, juin 2022, publié le 29 juillet dernier, l’indice des prix des produits importés par les pays de l’UEMOA, s’est accru de 48,6% sur un an, en accélération par rapport à mai 2022 (+46,2%). Les hausses les plus importantes sont notées au niveau du blé (+73,1%), du riz (+44,8%), des huiles (+39,6%) et du sucre (+24,2%).
Au Togo, pour lutter contre l’inflation actuelle, le gouvernement a annoncé en avril 2022, une série de mesures pour renforcer la résilience des populations.
La première mesure porte « suspension des remboursements de l’avance d’un mois de salaire accordée au début de l’année aux fonctionnaires des secteurs publics et parapubliques et aux retraités », à compter du mois de mai 2022 et ce, jusqu’à la fin de l’année. La suspension pour trois mois, renouvelée, du paiement des taxes dans les marchés. Le plafonnement du prix des produits locaux (maïs, sorgho, haricot, petit mil et riz) et importés (huile, lait, farine de blé …) ; produits exonérés de la TVA.
Le gouvernement a décidé aussi de la baisse des taux d’intérêts des services du FNFI (Fonds National de la Finance Inclusive) de deux points, en particulier dans les zones les plus vulnérables. Cette baisse est valable pour tous les crédits obtenus depuis le 1er janvier 2022. Afin de soutenir le pouvoir d’achat des populations, le gouvernement a décidé également, à compter du 1er mai 2022 et pour une durée de 3 mois, la suspension du paiement des taxes de tickets de marché sur tous les marchés du pays. Pour juguler les difficultés dans l’approvisionnement de la farine de blé, le gouvernement togolais encourage les boulangers à opter pour les farines locales dans la production du pain et ses dérivés.
Les conditions monétaires favorables
La BCEAO, pour sa part, dans son bulletin mensuel des statistiques de juin 2022, a décidé de relever de 25 points de base ses taux directeurs, afin de favoriser une maitrise progressive de l’inflation dans la zone cible, condition indispensable pour une croissance économique saine et inclusive. Ainsi, le taux minimum de soumission aux appels d’offres d’injection de liquidité est passé de 2,00% à 2,25% et le taux du guichet de prêt marginal de 4,00% à 4,25% à compter du 16 juin 2022. Au premier trimestre 2022, la BCEAO avait indiqué que les conditions monétaires sont demeurées favorables, en ligne avec le maintien de l’orientation accommodante de la politique monétaire de la BCEAO. Les demandes de refinancement des banques de l’Union ont été servies au taux minimum de 2,00%. La Banque Centrale a également reconduit, en 2022, ses initiatives lancées en 2021 relatives aux Obligations de relance (OdR) et aux Bons de Soutien et de Résilience (BSR).
En somme, face à tout ce qui se passe sur le marché, surtout avec la flambée des biens et services importés, il est nécessaire de faire la promotion des produits locaux. Mais de nombreux défis demeurent. Beaucoup de céréales et de plantes cultivées dans les campagnes n’atteignent jamais les villes, faute de moyens de stockage et de circuits de distribution adéquats. Une fois sur le marché, ces produits doivent être contrôlés pour éviter des spéculations. Reste aussi à convaincre les consommateurs de mettre ces produits locaux et services au cœur de leur cuisine, en lieu et place des produits importés. Selon les économistes, un appui au secteur privé agroalimentaire est également nécessaire pour qu’il s’empare de ces produits traditionnels et contribue à leur valorisation.
El Hadj Moussouloumi BOUKARI
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