Quand un lieu sent mauvais, la fleur vient l’embaumer et remplacer le mal par le bien. Premier compagnon de l’homme, depuis le jardin d’Eden, la fleur est omniprésente dans toutes les circonstances de sa vie.De la naissance aux obsèques, en passant par les anniversaires, les déclarations d’amour, les mariages, les événements religieux, les signatures d’armistices pour le retour de la paix,…on la retrouve, porteuse d’un message de bonheur, de joie, d’espérance, de paix et d’amour. En pareil situation de la COVID-19, qui a mis le monde sous coupe réglée, ce langage de la fleur est à revisiter, afin de retrouver l’espoir auquel il faut s’accrocher pour un retour à la normale. Au-delà de ce rôle social et spirituel, la fleur constitue aujourd’hui un levier économique important. Comme le témoignent les producteurs à Kovié dans le Zio où, décidément, tout pousse en bien : le Saint sanctuaire marial des 7 douleurs), le riz naturel de qualité des lieux et ses bellesfleurs.
« Dans le jardin de mon père, les lilas ont fleuris et tous les oiseaux du monde y viennent faire leurs nids. Vraiment, il y fait bon vivre ». Ce chant d’enfance exprime à suffisance le pouvoir attrayant de la fleur auquel personne ne résiste : insectes, oiseaux et l’homme lui-même, son premier voisin, depuis sa création dans le jardin d’Eden. Disons donc que c’est Dieu, le créateur, qui a mis l’homme et le jardin en contact. Le jardin n’étant rien d’autre que la terre et la verdure, une terre arable avec des plantes et des fleurs pour en manger et se soigner.
Kovié, le grand jardin de fleurs
Grâce à l’abondance d’eau dans la vallée du Zio, un Français a expérimenté, il y a une vingtaine d’années, la production des fleurs à Kovié, avec l’aide des ouvriers agricoles du milieu. A son départ, ces ouvriers ont recommencé la production pour alimenter le marché qui balbutiait déjà. Aujourd’hui une quinzaine de personne l’ont adopté comme activité principale et alimente à près de 80% le marché des fleurs au Grand marché de Lomé. On y produit actuellement une vingtaine de variétés de fleurs vivaces qui, pour la plupart sont plantées. Le cycle de production varie selon les espèces. Six mois pour les précoces et un an, voire deux ans pour celles qui ont un cycle long. Malheureusement, cette grande production n’est pas quantifiée. Elle est vendue par unité. « Nous comptons les fleurs que nous coupons et nous les vendons comme tel. Elles ne sont pas pesées et nous n’avons pas de normes de conditionnement qui puissent nous permettre d’exprimer notre production en tonnes. C’est vers ces horizons là que nous voulons tendre. Aujourd’hui, personnellement, toutes les tendances confondues, je produis 3000 à 4000 fleurs par mois », a déclaré le responsable des producteurs.
De toutes ces variétés, le lys, cette fleur blanche et odorante, se révèle comme la reine des fleurs. Elle est préférée et fait partie de toutes les compositions florales. Les fleurs sont préférées selon les rôles qu’on leur prête et selon leur couleur. Le rouge et le blanc priment, puis viennent le jaune et les couleurs panachées.
Cette activité, aux dires des pratiquants, fait vivre son homme et peut significativement impacter le développement, si on y met les moyens. C’est pourquoi ils lancent un appel aux éventuels partenaires pour développer l’activité et même l’étendre dans d’autres zones du pays où il y a suffisamment de l’eau.
« Nous voulons nous insérer dans le PND pour une brillance plus grande de l’agriculture en général et pour faire la renommée de notre pays le Togo à l’extérieur. Si les fleurs du Togo arrivent à avoir la renommée de celles du Kenya, de l’Ethiopie ou encore de l’Afrique du Sud, ces serait très bon. Nous voulons évoluer vers cela pour que d’autres pays entendent parler de nous. Pour cela, nous attendons d’abord de l’Etat, en ce qui concerne les infrastructures de l’extension, ensuite des partenaires financiers qui nous mettraient sur la voie des techniques de conservation, de conditionnement et de transport. Puis un autre partenariat qui puisse nous ouvrir au marché extérieur », a plaidé M. KokouAdokanou.
Cet appel trouve déjà écho favorable auprès du maire de la commune de Zio 2, Mme AgbagloAdjo Collette qui, depuis sa prise de fonction à la tête de cette commune, réfléchit aux stratégies de mise en valeur de toutes les opportunités de la localité pour le bien être de ces administrés. « Depuis ma prise de fonction, j’observe le métier des fleuristes qui, je pense, serait un secteur porteur dans les années à venir. Mais le constat est que la plupart doivent se formaliser pour mettre en place un processus de marketing pour mieux attirer la clientèle. Sur ce, la mairie réfléchit sur comment aider les pratiquants de cette activité à créer une valeur ajoutée sur leurs productions. Ceci nous réconforte dans les initiatives que nous prévoyons, en vue de faire grimper le taux de rentabilité de cette activité dans notre commune. J’exhorte également la population à soutenir ce secteur en payant les fleurs, qui symbolisent bien de choses dans la vie humaine », a relevé Mme Agbaglo.
L’expression des fleurs.
« La bible nous renseigne que l’histoire de l’homme a été toujours liée à celle des plantes. Les plantes avant les fruits, donnent les fleurs qui enchantent l’homme, parce qu’elles annoncent l’arrivée des fruits. Les plantes qui ne portent pas de fleurs, il ne faut rien attendre d’elles. Les fleurs sont annonciatrices de bonnes récoltes. C’est ainsi que quand on veut rendre visite à un ami, en de heureuses circonstances, on tient les fleurs ou les prémices de jeunes feuilles tendres, très bien, jolies à voir, annonçant de bonnes nouvelles », a confié M. Théophile EssohonaBitho, un amoureux des fleurs.
Une fleur qui s’ouvre manifeste une certaine joie. Adoptée à la maison, elle exprime l’état d’être de cette maison et de ses habitants. On peut s’en munir pour aller offrir à un ami en des circonstances de joie. C’est pourquoi aujourd’hui, on sélectionne des plantes qui donnent de belles fleurs pour agrémenter les édifices, de belles maisons d’habitation avec des cours bien aménagées. « Quand on habite une telle maison, lorsqu’on rentre, venant de l’extérieur, on se sent accueilli par la verdure. Et, qui sait observer le langage des fleurs, on peut être intrigué à un degré impossible, quand on ouvre le portail et on se en accueil par des fleurs, cela apaise. C’est pourquoi dans des maisons, des gens sélectionnent des fleurs qui s’ouvrent bien et les admirent en partant comme au retour. Ils les entretiennent avec un personnel qualifié qui les soigne. Il y a des gens qui sont très bien avec les fleurs, qui semblent même dialoguer avec elles, au point que, quand elles sont mal entretenues, ils sentent des douleurs à leur place. Quand on fait du mal à une fleur, c’est comme on a poignardé son enfant. Une fleur à la maison, qu’elle produise de fruits ou pas, bien entretenue, est un compagnon des habitants. Elle rend l’homme heureux et joyeux. Un arbre avec des jolies fleurs ne passe pas inaperçu, sans forcer d’admiration. Le plus proche voisin de l’homme c’est la plante. Et c’est avec les fleurs que l’homme dialogue avec les plantes et la nature pour le bonheur en perspective. La bible même dit que le figuier qui ne donne pas de fruits ni de fleurs doit être coupé et jeter au feu », a renchéri M. Bitho. En toute circonstance, les fleurs viennent remplacer les paroles de chagrin ou de joie. Elles ont un langage qui exprime au mieux les sentiments et chaque couleur a une signification.
Le rôle social de la fleur
On retrouve la fleur dans tous les événements de la vie : dans les familles endeuillées, les églises, les mariages, réjouissances, des naissances, anniversaires, bref dans diverses manifestations où, à priori, elle n’est pas primordiale, mais toujours présente. La fleur a pour rôle social, entre autres, d’égailler, d’apaiser, de donner du plaisir, de décorer pour faire du beau en des circonstances, même en temps de deuil. En fin de compte, c’est un produit qui se retrouve partout où, malgré sa discrétion, joue un rôle dans toutes les relations sociales. En plus de cela, beaucoup leur prêtent des vertus, on peut dire spirituelles. Cela rentre dans l’irrationnel, mais beaucoup y croient.
« Dans le domaine spirituel, il y a une fleur qu’on appelle le lys. C’est une fleur très odorante et d’une couleur parfaitement blanche. Pour beaucoup de gens, elle éloigne les mauvais esprits. Dans l’Eglise catholique, nous avons remarqué que dans toutes les manifestations de la congrégation de Saint Antoine de Padoue, on utilise les fleurs de lys. Je crois que cela joue un rôle, puisque c’est un groupe spirituel. Dans les circonstances de deuil, dès qu’il y a les moyens, les familles recourent toujours aux fleurs. On peut comprendre par-là que c’est une manière agréable d’accompagner le défunt de ce monde vers l’au-delà », estime M. Kokou Adokanou, responsable de l’association des cultivateurs de fleurs à Kovié.
« On dit que la Vierge Marie, avant d’aller visiter le cercueil de Jésus Christ, a tenu les fleurs. C’est pour cette raison qu’on décore les hôtels des églises. Après tout aussi, la fleur, c’est la joie et la maison de Dieu doit être décorée pour être agréable, jolie à voir. Sur tous les plans, la fleur guérit », a fait savoir M. Pascal Amétodji, vendeur de fleurs au grand marché de Lomé.
Dans les relations amoureuses, le don d’une fleur symbolise le feu de l’amour qu’un homme porte à sa nouvelle partenaire. Généralement, c’est une fleur de couleur rouge, comme la rose, qui exprime cette flamme. En témoigne le pic dans la vente des fleurs lors de la Saint Valentin, chaque 14 février. Lors des mariages, les fleurs occupent aussi une très grande place. Les habitacles dans les maisons comme dans les églises sont décorées. Les mariés tiennent des bouquets de fleurs, les lieux de réceptions et les mairies sont pavoisés de fleurs. Ce qui laisse croire que la fleur a un soutien psychologique ou même spirituel pour la nouvelle alliance qui survient dans les couples.
« L’histoire nous apprend que, dans les temps anciens, les fins de guerres sont symbolisées par une fleur accrochée au fusil qu’on brandit. Lors des négociations d’armistices ou de paix définitive, il y a un grand décorum de fleurs pour symboliser la paix qui revient. La fleur joue donc un rôle dans les réconciliations entre individus comme entre les nations », a confié M. Adokanou.
Selon lui, les fleurs doivent avoir leur place auprès des croyants ou de tous ceux qui prient pour le retour de la bonne santé au Togo et dans le monde, mais aussi, auprès du personnel soignant qui travaille, tous les jours pour que la population retrouve la santé physique et mentale. Cette présence des fleurs, a-t-il souligné, doit signifier l’espoir auquel il faut s’accrocher pour revenir à la vie et symboliser, ensuit le rôle spirituel que les fleurs sont censées avoir auprès de l’humanité. « C’est pourquoi je pense que les fleurs doivent être impliquées dans la résolution de cette crise sanitaire de la COVID-19 », ajouté M. Adokanou.
Faustin LAGBAI
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