Agriculture

Lutte contre les maladies virales du manioc au Togo : Les acteurs des cinq régions formées à la collecte digitale des données

Recueil des données sur une parcelle de manioc
Lutte contre les maladies virales du manioc au Togo : Les acteurs des cinq régions formées à la collecte digitale des données

Les agents des structures du ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique villageoise et du Développement rural, notamment l’Institut de Conseil et d’Appui technique (ICAT), la Direction de la Production Agricole (DPA) et les producteurs de manioc des cinq régions du Togo, ont été formés, du 24 février au 11 août 2025, sur la surveillance des maladies virales des plantes et la collecte digitale des données sur le manioc. Cette formation est organisée par l’Université de Lomé et le Programme Ouest africain d’épidémiologie virale ou Central and West African Virus Epidemiology (WAVE). Elle a permis aux acteurs de la filière manioc d’identifier leurs plantations, les symptômes de la maladie de la mosaïque du manioc (CMD) et de la maladie de la striure brune du manioc (CBSD), d’effectuer des prospections régulières sur les parcelles de manioc de leurs localitsé et de recueillir les données d’enquête dans l’application KoboCollect.

Photo de groupe des participants à l’issue d’une formation

Le manioc, troisième plus grande source de glucides pour l’alimentation humaine, est devenu une culture de subsistance et de rente pour les producteurs. Cette culture rustique et résiliente s’est imposée comme une culture stratégique pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté, tout en constituant un aliment de base pour près de 800 millions de personnes dans le monde, dont près de 500 millions d’Africains. Les produits dérivés multiples du manioc (gari, tapioca, pâte fermentée, attiéké, farine, amidon, chips, etc.) font l’objet de consommation et de commerce sous régional. L’Afrique est le plus grand producteur mondial du manioc (57%) avec, malheureusement, le plus faible rendement moyen (10t/ha) comparé à l’Asie, qui affiche un rendement de 21,34t/ha en 2016.

Malgré les atouts que présente le manioc, sa culture est sujette à plusieurs contraintes qui affectent la productivité. En dehors des maladies mineures que représentent les mycoses (cercosporiose, anthracnose, pourridiés), les bactérioses (feu bactérien, bactériose vasculaire, pourriture molle), les maladies virales demeurent les plus dommageables. Parmi toutes ces maladies, la mosaïque Africaine du manioc (Cassava Mosaic Disease, CMD) et la striure brune du manioc (Cassava Brown Streak Disease, CBSD), tiennent une place importante, mais peu soupçonnée par plusieurs acteurs de la filière.

Séance de travail des acteurs de la filière manioc et leur formateur

De par sa distribution géographique, la maladie de la mosaïque africaine du manioc (CMD) causée par les Géminivirus, constitue la première contrainte de production. Elle peut entrainer 40 à 70% de perte de rendement, pouvant se traduire par une perte économique annuelle de 2 à 3 milliards de dollars (USD) pour l’Afrique sub-saharienne. De plus l’apparition récente de la maladie de la striure brune du manioc (CBSD) en Afrique Centrale vient s’ajouter au péril sur les productions, avec des pertes de rendement pouvant atteindre 90% voire 100%. Ces deux maladies virales sont transmises par les insectes vecteurs que sont les mouches blanches (Bemisia tabaci Genn) et disséminées par l’homme à travers l’utilisation de boutures de manioc infectées pour établir de nouveaux champs.

Prenant conscience de la gravité de la situation, des scientifiques africains ont conçu le Programme Ouest africain d’épidémiologie virale ou Central and West African Virus Epidemiology (WAVE) pour la sécurité alimentaire. Lancé en mars 2015, il est financé par Bill & Melinda Gates Foundation et le Department for International Development du Royaume uni. Ce programme mène ses activités en Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigéria, Sierra Léone, Togo) et en Afrique du Centre (République Démocratique du Congo, Congo, Gabon,) et collabore avec des partenaires techniques des Etats-Unis d’Amérique et du Royaume Uni.

Lutte efficace contre les maladies virales

Démarrée le 24 février 2025, à la Direction régionale de l’Institut de Conseil et d’Appui technique (ICAT) à Dapaong, dans la Région des Savanes, la formation sur la surveillance des maladies virales des plantes et sur la collecte digitale des données sur le manioc, a pris fin, le 11 août dernier à Tsévié, dans la Région Maritime. Ceci, après 6 mois de rencontres techniques, d’échanges d’expériences et de renforcement des capacités avec les acteurs des Régions de la Kara, Centrale, des Plateaux Est et Plateaux Ouest. L’objectif global du programme WAVE est d’augmenter, de façon durable, la productivité des plantes à racines et tubercules (PRT) en Afrique de l’Ouest et du Centre, à travers le développement des méthodes de lutte efficace contre les maladies virales.

Une autre sortie dans un champ de manioc

Étant donné l’impact immédiat de ces maladies du manioc sur l’approvisionnement alimentaire des populations, la priorité de WAVE est accordée à la lutte contre la mosaïque du manioc et la prévention contre sa striure brune. Cette dernière, la plus dévastatrice, qui sévit actuellement en Afrique de l’Est et du Centre, s’oriente inéluctablement vers l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, pour permettre aux acteurs de la filière de bien maîtriser le programme, la formation s’est focalisée sur l’identification, dans les champs, des symptômes de la CMD et de la CBSD, des prospections régulières sur les parcelles et des collectes des données d’enquête dans l’application « Kobocollect ». Également, les participants se sont penchés sur   la collecte et le stockage des échantillons de feuilles infectées pour procéder à des analyses dans des laboratoires de virologie désignés. Il s’est agi aussi de former d’autres agents de vulgarisation et des producteurs, afin que ceux-ci perpétuent les mêmes procédés et améliorer ainsi le système d’alerte précoce, par le biais de rapports et d’interventions rapides des différents acteurs (producteurs, agents de vulgarisation et décideurs) en cas d’apparition d’un foyer de CBSD ou d’autres maladies émergentes.

Cette formation permet aux bénéficiaires de mettre en place un système de surveillance des maladies virales du manioc au Togo, un système d’information et de communication sur ces maladies et de maîtriser de l’outil de collecte. Ils pourraient, à long terme, gérer de manière adéquate, ces maladies, par la mise en œuvre des stratégies de recherches basées sur des modèles épidémiologiques. Ces acteurs disposent désormais d’outils nécessaires pour reconnaître les différents degrés de la maladie virale sur les feuilles de manioc, en utilisant une échelle. Ils sont capables d’utiliser des outils innovants pour la collecte des données par le logiciel « Kobocollect »

En tenant compte de la pluralité des insuffisances constatées dans la lutte et la prévention contre ces maladies, le programme WAVE a pris un certain nombre d’initiatives, depuis 2015. Afin de faciliter la sensibilisation des populations par rapport aux menaces que constituent ces maladies virales du manioc sur la sécurité alimentaire. Et dans le but de les prévenir, les gouvernants et les leaders traditionnels Africains sont sollicités pour leur adhésion à la cause.

Moussouloumi BOUKARI

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