L’Organisation mondiale de la santé a déclaré, mercredi 14 août 2024, l’épidémie de la variole du singe une urgence de santé publique de portée internationale. L’épidémie actuelle, partie de la RDC, a pour spécificité un virus plus contagieux et dangereux du nom de « Clade Ib » et dont le taux de mortalité est estimé à 3,6%. Selon le centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), 15.000 cas et 461 décès sont dus au virus, pour la seule année 2024. Ceci signifie qu’il y a eu une augmentation de 160 % des diagnostics et de 19 % des décès par rapport à la même période l’année dernière. Découvrons les modes de transmission, les symptômes et la prise en charge médicale avec Dr Lidaw Alain Bawè, médecin infectiologue au service des Maladies infectieuses et tropicales du CHU S.O. de Lomé.
Le virus de la variole du singe est, désormais, une urgence de santé publique pour la sécurité du continent africain. L’Afrique fait face à la propagation d’une nouvelle souche de la variole du singe ou « Monkey pox » en Anglais, détectée en République démocratique du Congo (RDC), en septembre 2023, et baptisée « Clade Ib », plus mortelle et plus transmissible que les précédentes. La « Clade Ib » fait apparaître des éruptions cutanées sur tout le corps, alors que les précédentes souches étaient caractérisées par des éruptions et des lésions localisées sur la bouche, le visage ou les parties génitales. Au total, 38.465 cas ont été recensés dans 16 pays d’Afrique, depuis janvier 2022, pour 1.456 décès, soit une augmentation de 160 % des cas en 2024, par rapport à l’année précédente, selon des données publiées, la semaine dernière, par l’agence de santé Africa CDC (Centres de contrôle et de prévention des maladies du continent). Selon cette agence de santé de l’Union Africaine, les enfants de moins de 15 ans sont les plus touchés, représentant au moins 60 % des cas. Au moins 16 pays du continent sur 55, ont déjà enregistré des cas de variole du singe, 18 pays sont à risque, selon Africa CDC. 887 cas ont été répertoriés, la semaine dernière, et 05 décès enregistrés. Ces données portent à 15.132 le nombre de cas enregistrés et 461 décès. Des cas de cette maladie ont été recensés dans plusieurs pays comme le Maroc, l’Egypte, le Soudan, la Côte d’Ivoire, le Liberia, le Nigeria, la RDC, le Rwanda, le Kenya, le Mozambique et l’Afrique du Sud. Selon l’Africa CDC, le taux de létalité du virus est supérieur à 3 %. La plupart des cas et des décès se produisent en RDC. Ce pays a enregistré, le 3 août, 14.479 cas confirmés et suspects et 455 morts, soit une létalité d’environ 3%. Cette forte recrudescence des cas est partie d’un foyer détecté chez des travailleurs du sexe, en septembre 2023 dans l’Est du pays. Ces dernières semaines, des malades ont aussi été signalés au Kenya, au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, mais aussi plus à l’Ouest en Côte d’Ivoire. Depuis la découverte de ce virus chez l’Homme, en 1970 en RDC, il y a des épisodes réguliers, comme en 2017 au Nigeria. Ces épisodes sont généralement dus à des contacts avec des animaux infectés ou à des transmissions interhumaines, notamment au sein des communautés homosexuelles. Mais cette fois, de nombreux cas de transmissions sans contact sexuel ont été recensés, entre mère et enfants et entre enfants au sein des écoles. Cette nouvelle souche du virus provoque des éruptions cutanées beaucoup plus importantes, sur tout le corps.
Une propagation rapide et particulièrement préoccupante
Le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a souligné que l’apparition, l’an dernier du Clade Ib, sa propagation rapide en RDC et sa détection dans les pays voisins sont particulièrement préoccupantes et constituent l’une des principales raisons pour lesquelles le comité d’urgence a été convoqué. « Nous ne faisons pas face à une seule épidémie et à un seul Clade. Nous faisons face à plusieurs épidémies avec différents Clades dans différents pays, avec différents modes de transmission et différents niveaux de risque », a-t-il rapporté. Selon lui, la déclaration d’urgence de santé implique, désormais, une réponse rapide en matière de recrutement d’équipes d’intervention et d’achat de médicaments et de vaccins. Il s’agit également d’un appel à un financement international plus important. L’Union Africaine a approuvé l’octroi de 10,4 millions de Dollars, prélevés sur les fonds existants de Covid, pour aider Africa CDC à lutter contre l’épidémie sur tout le continent. L’OMS avait déjà pris une telle décision, en 2022, lorsqu’une épidémie de mpox (portée par le Clade IIb) s’était étendue à travers le monde. L’alerte avait été levée, en mai 2023. La variole du singe est une zoonose rencontrée dans les régions de la forêt tropicale humide de l’Afrique du Centre et de l’Ouest. Le virus a été identifié, pour la première fois, chez un singe en captivité, en 1970 en République Démocratique du Congo (RDC) et depuis lors, des épidémies sporadiques ont été signalées dans plusieurs pays africains.
De l’avis de Dr Lidaw Alain Bawè, médecin infectiologue au service des Maladies infectieuses et tropicales du Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio CHU S.O. de Lomé, cette affection se transmet par contact humain et est confirmée par des tests de laboratoire sur des lésions cutanées. De deux souches au départ, il existe aujourd’hui plusieurs souches, les unes plus contagieuses que les autres.
En ce qui concerne les signes qui peuvent alerter, il indique qu’en plus des symptômes identiques pour l’ensemble des maladies virales, à savoir : la fièvre, les céphalées, la fatigue, la variole du singe est particulièrement marquée par des éruptions cutanées avec la présence de bulles de la tête aux pieds y compris, la paume des mains et la plante des pieds. « Ces bulles se présentent comme si le sujet a été éclaboussé avec de l’eau bouillante, c’est ça la caractéristique de la maladie. Si une personne présente ce type d’éruption, elle doit se rendre chez le médecin et s’isoler pour éviter de transmettre la maladie à d’autres personnes. », a-t-il laissé entendre. Cette affection guérit, en général spontanément, et les symptômes ne durent que 2 à 4 semaines. Les cas graves se produisent plus fréquemment chez les enfants et sont liés à l’ampleur de l’exposition au virus, à l’état de santé du patient et à la nature des complications. Il précise que le taux de létalité de la variole du singe a toujours varié de 0 à 11 % dans la population générale, avec des chiffres plus élevés chez les jeunes enfants et, ces derniers temps, le taux de létalité est d’environ 3 à 6 %.
Comment éviter cette affection et quelle prise en charge ?
Dr Bawè renseigne que les gens attrapent la variole du singe par les animaux, tels que des singes, des rats et des écureuils, ou par des objets contaminés par le virus. La transmission de personne à personne n’est pas courante, car elle nécessite un contact étroit avec des fluides corporels tels que la salive ou le pus des lésions formées par l’infection et aussi par un contact étroit avec les vêtements et la literie du malade.
Pour ce faire, les gestes barrières établis pour rompre la chaine de contamination dans le cas des maladies infectieuses et contagieuses sont applicables pour la variole du singe. Le lavage des mains reste une action décisive contre ce virus, à en croire le médecin. La vaccination contre la variole s’est avérée efficace à 85 % pour prévenir la variole du singe. Il rapporte que le vaccin qui a permis d’éradiquer la variole humaine, dans les années 1980, permet aussi de se protéger contre la variole du singe, puisque les virus responsables des deux pathologies sont de la même famille. La variole humaine étant éradiquée, les laboratoires ont suspendu la production du vaccin. « Maintenant, il y a nécessité de relancer la production de ce vaccin, pour pouvoir lutter contre cette variole du singe », a-t-il souhaité. Pour ce qui est de la prévention, ce professionnel de la santé renseigne que la principale stratégie de prévention consiste à sensibiliser les populations aux facteurs de risque et à les éduquer aux mesures à prendre pour réduire l’exposition au virus.
Il indique que pour l’heure, aucun cas de variole du singe n’est signalé au Togo. Le médecin rappelle que l’apparition des lésions vésiculeuses sur le corps reste le signe phare de la variole du singe et dès qu’un sujet observe ces éruptions cutanées, il doit s’isoler et consulter un agent de santé. Ceci, parce que c’est une maladie contagieuse et pour éviter de contaminer son entourage, il serait bien de consulter rapidement un agent de santé plutôt que de s’adonner à l’automédication ou au traitement traditionnel qui, loin de guérir le mal, peut aggraver l’état de santé de la personne. « Le plus tôt, on consulte et on isole la personne, cela permet d’éviter la propagation. », a-t-il conclu.
Françoise AOUI
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