Les réformes constitutionnelles et institutionnelles tant souhaitées et attendues par le peuple togolais sont enfin opérées. Les députés de la 6e législature, réunis mercredi 8 Mai 2019, en leur 5e séance plénière de la 1re session ordinaire de l’année 2019, au siège de la représentation nationale, à Lomé, ont unanimement dit oui à la révision de la Constitution du 14 octobre 1992, parachevant ainsi le lancinant débat sur la question. Ce projet de loi introduit par le gouvernement et les amendements apportés lors de son étude en commission des lois ont pour ambition d’améliorer la Constitution et par conséquent, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics qu’elle régit. Ceci, à travers entre autres, la constitutionnalisation de l’abolition de la peine de mort, à vie et à perpétuité, la modification de la durée du mandat des députés et des sénateurs ainsi que sa limitation, l’élection du président de la République au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, de même que la recomposition et la limitation du mandat des membres de la Cour constitutionnelle. La loi emblématique dont jouit désormais le Togo prend en compte l’extension du droit de saisine de la Cour constitutionnelle des présidents des autres institutions et personnalités, l’affirmation du principe du débat contradictoire devant la Cour constitutionnelle, la création des cours régionaux des comptes ainsi que l’aménagement du fonctionnement de cette Cour des comptes.
Moment très spécial, voire historique est la séance plénière de l’Assemblée nationale de mercredi lors de laquelle les élus du peuple, à l’unanimité des 90 députés présents, ont voté oui les amendements du projet de loi portant modification des dispositions des articles 13, 52, 54, 55, 59, 60, 65, 75, 94, 100, 101, 104, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 115, 116, 117, 120, 125, 127,128, 141, 145, 155 et 158 de la Constitution du 14 octobre 1992. En effet, le chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbé, dans sa politique de modernisation du pays, a entrepris depuis quelques années d’apporter du mieux dans l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics dans le cadre de la politique de dialogue qu’il a instauré avec la classe politique. Dans ce sens, et en application des articles 83 et 144 de la Constitution, le gouvernement a déposé en fin 2018 sur la table de l’Assemblée nationale un projet de loi portant modification des articles 59, 60 et 100 de la Constitution. Ce projet de loi a été examiné en commission au cours de la législature passée et ajournée sans avoir atteint le succès en plénière en raison de la faiblesse des contacts entre les acteurs politiques.
Ayant fait des réformes constitutionnelles et institutionnelles la priorité de leur agenda, les députés de l’actuelle mandature ont repris l’étude de ce projet en commission. Mais au-delà des trois articles (59, 60 et 100) dont la révision était soumise aux élus du peuple, c’est toute une réforme en profondeur que la représentation nationale a opéré, hier, pour insuffler une dynamique aux institutions et consolider la démocratie sur la terre de nos aïeux.
La quintessence de ces réformes d’envergure
Dans ces grandes lignes, la révision de la loi fondamentale constitutionnalise l’abolition de la peine de mort à vie et à perpétuité. Elle modifie la durée du mandat des députés et des sénateurs et sa limitation. Désormais députés et sénateurs sont élus pour un mandat de 6 ans renouvelable que deux fois. La composition du sénat est revue en faisant des anciens présidents de la République des membres de plein droit et à vie de cette assemblée. L’article 59 nouveau prévoit que « le président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ». Ceci, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, aux termes de l’article 60.
L’article 100 nouveau stipule pour sa part que « la Cour constitutionnelle est composée de neuf membres de probité reconnue désignés pour un mandat de six ans renouvelable une seule fois ». Deux sont désignés par l’Assemblée nationale, en dehors des députés, deux élus par le sénat, en dehors des sénateurs, un magistrat ayant au moins 15 ans d’ancienneté, élu par le Conseil supérieur de la magistrature, un avocat élu par ses pairs et ayant au moins 15 ans d’ancienneté et un enseignant-chercheur en droit de rang A des universités publiques du Togo, élu par ses pairs et ayant au moins 15 ans d’ancienneté.
La nouvelle Constitution intègre l’extension du droit de saisine de la Cour constitutionnelle aux présidents des autres institutions et personnalités. Elle affirme le principe du débat contradictoire devant ladite Cour. Les nouvelles dispositions créent des cours régionales des comptes ainsi que l’aménagement du fonctionnement de la Cour des comptes. Elles réaffirment la suprématie de la Cour suprême et étendent son champ d’application, octroient le privilège de juridiction aux anciens présidents de la République et aux membres du gouvernement et élargissent des autorités assujetties à la déclaration de leurs biens et avoirs devant le médiateur de la République. En fin, la Constitution clarifie le débat sur la question de la non rétroactivité de la loi en ces termes : « Les mandats déjà réalisés et ceux qui sont en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ne sont pas pris en compte dans le décompte du nombre de mandat pour l’application des dispositions des articles 52 et 59 relatives à la limitation du nombre de mandats ».
Il faut souligner que l’adoption de ces réformes n’est pas passée comme une lettre à la poste, tant les débats ont achoppé sur la durée du mandat présidentiel de 7 ans qu’un député indépendant a proposé pour pallier les élections trop régulières avec leurs conséquences en termes de coûts et des répercussions socio-économiques comme on en connaît dans le pays. Mais dans un souci d’apaisement tel que prôné par le chef de l’Etat, président de leur parti, le groupe parlementaire UNIR a sollicité et obtenu une suspension au cours de laquelle les acteurs ont su trouver un équilibre qui va au-delà de l’arithmétique, tenant compte des sacrifices consentis et toujours guidé par l’intérêt général.
Après le vote, c’est instantanément et à l’unisson que l’hémicycle a fredonné l’hymne national pour saluer le sens élevé de tous qui fait rentrer la 6e législature dans l’histoire.
Pari réussi
« En nous présentant le 20 décembre passé aux suffrages des Togolais, nous savions qu’une lourde responsabilité nous attendait : sortir notre beau pays du blocage politique et offrir à nos populations une Constitution qui nous rassemble tous. A cet titre, cette journée du 8 mai 2019, restera gravée dans nos mémoires, car nous avons réussi ce pari », a déclaré la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Tségan Yawa Djigbodi, avant de saluer les avancées obtenues dans les choix audacieux de ces réformes.
« Elargir le périmètre des assujettis à l’obligation de déclaration du patrimoine avant d’occuper de hautes fonctions, c’est se donner une exigence de transparence et de moralisation de la vie publique, ce que l’on attend de la République. Offrir la procédure du contradictoire aux parties devants la Cour constitutionnelle, elle-même suffisamment restructurée, tant sur sa composition, la durée du mandat que sur sa saisine, c’est faire le choix d’une meilleure qualité des normes et faire de la Cour constitutionnelle la figure de proue du processus de consolidation démocratique. Mettre la cour des comptes à l’aune de la décentralisation incarnée par l’extension de ses compétences à travers les Cours régionales des comptes, c’est rechercher l’efficience dans la gestion des deniers publics », a-t-elle souligné.
Mme Tségan a remercié le chef de l’Etat et son gouvernement qui ont œuvré à l’atteinte des résultats de ce jour et ses collègues députés pour l’esprit de fraternité, de dialogue, mais surtout pour la belle image offerte au monde entier, sans oublier la communauté internationale pour son appui.
Le ministre Payadowa Boukpessi, de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales a salué le mérité des députés qui, selon lui, marquent définitivement leur passage à l’Assemblée nationale. Pour son collègue Christian Trimua, des Droits de l’Homme, chargé des Relations avec les Institutions de la République, ce jour sera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire du Togo, qui jouit désormais d’une loi constitutionnelle emblématique pour rénover les institutions et renforcer la démocratie et la gouvernance. Selon lui, cette réforme d’envergure est une preuve de leur engagement résolu pour la stabilité et la prospérité.
« Le gouvernement se réjouit de cette avancée considérable et vous félicite pour la hauteur d’esprit de vos échanges, la sérénité dans la contradiction et le souci permanent de l’intérêt national et du bien-être des Togolais », a-t-il dit, rassurant des dispositions que le gouvernement prendra pour la sensibilisation des concitoyens sur les progrès extraordinaires que le Togo vient d’enregistrer.
Faustin LAGBAI
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