Un atelier d’échanges et de partage sur le décret présidentiel du 05 janvier 2022 portant réglementation de la caution, de la garantie de loyer et du bail d’habitation s’est tenu ce 8 février 2022, à la salle de conférence de la SAZOF, à Lomé. C’est une initiative du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, qui a réuni les magistrats, les représentants des ordres professionnels (notaires, avocats, huissiers, architectes), la fédération des agents immobiliers et associations des consommateurs, etc. Elle a permis aux participants de s’approprier ce décret en vue de sa vulgarisation et de sa bonne application sur le terrain.
Depuis plusieurs années, les populations urbaines du Togo sont confrontées aux difficultés d’accès à un logement décent. Ces difficultés sont liées à la faiblesse de l’offre de logements qui entraîne des spéculations auxquelles se livrent certains propriétaires sur les loyers. Conscient de cela, le gouvernement s’est engagé, dans sa feuille de route 2020-2025, à promouvoir, avec l’appui du secteur privé, la construction d’au moins 20000 logements décents et à coûts abordables. En attendant la mise en œuvre de ce vaste programme social, il importe, au regard de la situation actuelle, de mieux encadrer le secteur des baux d’habitation, à travers une définition claire et un cadrage des charges et obligations de tous les acteurs, afin de permettre aux couches de la population à revenus faibles et intermédiaires d’avoir accès à un logement décent et à un coût abordable. Et c’est ce qui a amené le gouvernement a adopté en janvier passé, le décret portant réglementation de la caution et du bail d’habitation, avec l’idée de mettre un terme aux spéculations et aux surenchères qui excluent les moins nantis des logements décents. Ce décret était hier au cœur d’atelier de partage et d’échanges. Outre la vulgarisation de ce décret, la rencontre a été également l’occasion de valider le projet de modèle de contrat de bail d’habitation prévu par la loi.
Le champ d’application du décret
En présentant ce décret, Dr Mazamasso Wella, Enseignant chercheur à la Faculté de Droit, Conseiller à la Primature, a relevé que ce décret apporte des innovations importantes entre le bailleur et le preneur et son adoption se justifie par le contexte socio-économique et politique. Son champ d’application ne vise que les baux à usage d’habitation des personnes physiques et morales de droit privé et exclut donc de son champ d’application les baux conclus par les personnes morales de droit public, exclut les baux à usage professionnel ou commercial et aussi les baux consentis par les organismes internationaux. Du point de vue spatial, le champ d’application dudit décret, a-t-il rappelé, se limite au grand Lomé et le décret précise que des textes ultérieurs seront pris pour adapter l’application aux autres localités du pays. Les dispositions de ce texte sont d’ordre public et cela signifie qu’il s’impose à tous les destinataires et que les dispositions ne sont pas supplétives de volonté. De plus, il est prévu une amende en cas de violation de toutes les dispositions de ce décret.
Innovations majeures à relever
S’agissant de son contenu même, D Wella a relevé que le décret formalise les rapports entre le bailleur et le preneur d’une part et d’autre part encadre les conditions financières du bail d’habitation. Pour ce qui est de la formalisation entre les deux parties, quatre innovations majeures sont à relever. Ainsi désormais, le bail d’habitation est un contrat écrit avec pour avantage, la clarification des obligations auxquelles chaque parti souscrit et la facilité d’apporter des preuves en cas de conflits. Il peut être conclu sous seing privé ou par acte notarié et doit être soumis aux formalités d’enregistrement auprès de l’administration fiscale. Toujours sur le plan formel, le décret impose un contrat type qui sera élaboré et mis à la disposition des parties et pourra être adapté en cas de besoin. Une autre innovation est que le décret prévoit le recours à un professionnel de l’immobilier légalement reconnu pour la négociation et la rédaction du contrat. Le second axe d’innovation, ce sont les obligations essentielles qui imposent aux propriétaires, entre autres, la charge des grosses réparations et l’obligation de s’abstenir de prévenir ou de faire cesser les troubles de réjouissances, tandis que le preneur se voit dans l’obligation de payer le loyer y compris en période de congés, le payement des charges d’entretien et de réparation locatives et des dégradations causées par lui, etc.
Troisième innovation majeure concerne les clauses prohibées. Ainsi, le décret interdit qu’il soit inscrit dans le contrat de bail un certains nombres de clauses telles que les clauses exonératoires de responsabilité du bailleur, l’impossibilité d’héberger des personnes ne vivant pas avec lui habituellement, etc. Le dernier axe d’innovation prend en compte les modalités de rupture du contrat de bail pour réduire les cas de rupture abusive de contrat.
Encadrement des conditions financières du contrat de bail
En dehors de cette formalisation des rapports entre le bailleur et le preneur, le décret encadre les conditions financières du contrat de bail. Sur ce point, on peut mentionner, a-t-il dit, le prix du loyer qui est librement fixé par les parties conformément à la loi de l’offre et de la demande, ce qui respecte la liberté de commerce et d’entreprise. S’agissant de la caution, le décret limite la caution au plus à trois mois de loyer et la même chose pour la garantie de loyer. Il a rappelé que la garantie et la caution ne produisent pas d’intérêts au profit du locataire en période de validité du contrat. Il faut également noter que les parties déterminent librement les modalités de payement du loyer, que ce soit par rapport à la périodicité ou au mode de paiement. Le décret apporte aussi un élément important en ce qui concerne les modalités de révision du prix. Désormais avec ce texte, la périodicité de révision du loyer et de la marge de sa révision sont fixés et le loyer est révisable tous les trois ans dans une fourchette ne dépassant pas 10% du loyer en cours. Et enfin, il est prévu le partage des charges en cas de recours à un professionnel de l’immobilier pour la négociation et la signature du contrat de bail.
Quels avantages liés à l’application de ce décret ?
Pour finir, Dr Wella a confié que ce décret promeut l’accès à un logement décent à un coût abordable en raison de la réduction de la caution et de la garantie. Il garantit les droits des bailleurs d’abord par la liberté de fixation des prix du loyer et en raison de la facilité de la procédure d’expulsion d’un locataire insolvable et de la possibilité qu’il a de retenir la caution pour effectuer les travaux de réparation en cas de besoin. Le décret protège également le preneur par l’interdiction du recours à des clauses abusives de la part du propriétaire et aussi la révision intempestive et excessive du coût du loyer. Et enfin, il réduit et facilite le règlement des litiges à travers la clarification des obligations de chaque parti.
En ouvrant les travaux, le Directeur de cabinet du ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière, Dr Komla Edoh, a relevé que le logement décent est un droit fondamental et conformément aux recommandations de ONU-Habitat, les autorités togolaises œuvrent inlassablement à l’atteinte de ces objectifs. Cet atelier, a-t-il alors rappelé, se veut un cadre d’échanges et de partage pour mieux comprendre le décret et être de bons messagers auprès des populations qui « attendent beaucoup d’explications et éclaircissements ».
Mélissa BATABA
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