La Représentation nationale réunie, lundi 25 mars 2024, à son siège à Lomé, a adopté la proposition de loi portant révision de la Constitution de la République togolaise à la majorité de plus des 4/5 de ses membres. Se basant sur le premier aliéna de l’article 144 de la Constitution, cette proposition de révision constitutionnelle apparait comme le fruit d’une réflexion endogène, à la fois sur l’organisation et l’aménagement des pouvoirs dans l’Etat, afin d’en corriger les faiblesses et imperfections constatées à l’épreuve du temps. Si dans les quinze jours suivant son adoption, la nouvelle constitution venait à être promulguée par le président de la République, le Togo passera ainsi à un régime parlementaire et donc à la 5e République. Les innovations majeures portent sur le mode de désignation du président de la République et de ses compétences, l’instauration du poste de président du Conseil (des ministres) ayant pleine autorité, ainsi que le réaménagement de certaines institutions de la République. La nouvelle option politique offre des avantages certains, dont le renforcement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs, l’amélioration de la stabilité gouvernementale et l’adaptation aux évolutions sociopolitiques du pays.
Quatre-vingt-neuf (89) voix pour, une voix contre et une abstention. C’est par cette écrasante majorité, qui frise l’unanimité, que les députés togolais ont adopté, le 25 mars 2024, la proposition de loi portant révision de la Constitution de la République togolaise déposée, depuis le 28 décembre 2023, sur le bureau de l’Assemblée nationale. Selon les initiateurs, trois décennies après l’adoption de la Constitution du 14 octobre 1992, les enjeux actuels et futurs du pays ont connu maintes mutations, mettant en lumière la nécessité d’adapter le cadre institutionnel aux réalités et aspirations du peuple. Le constat est largement partagé que l’expression démocratique semble se résumer au fil du temps à un cycle d’élections ne garantissant pas nécessairement une véritable implication des citoyens dans les grandes décisions nationales et dans la gestion de la chose publique. D’où, l’idée d’une gouvernance agile et proactive, transcendant les clivages sociaux, politiques et régionaux, dans le but premier de réunir les meilleures compétences au service d’un Togo uni et prospère, et qui trace en elle-même une voie d’avenir digne d’intérêt, pour une vie politique nationale participative et inclusive, où l’implication et la représentativité des citoyens sont constamment recherchées.
Le chef de l’Etat élu par le parlement pour un mandat unique de six ans
Sur cette base, la constitution proposée et adoptée opte pour un régime parlementaire, lequel met en œuvre une séparation souple des pouvoirs à base de collaboration constante entre l’exécutif et le parlement. Il pose une dyarchie au sein de l’Exécutif avec un chef de l’Etat qui dispose de pouvoirs symboliques et un chef de gouvernement qui conduit la politique de la nation et qui est le chef de la majorité. Ce nouveau modèle permet de clarifier les compétences au sein de l’Exécutif. Le chef de l’Etat ne gouverne pas, mais il est le symbole de l’unité nationale, l’incarnation de l’autorité morale, non partisane et garant de la continuité de l’Etat. Désormais, le président de la République n’est pas élu au suffrage universel direct, mais par le parlement pour un mandat unique de six ans.
Ce faisant, le président du Conseil (Premier ministre) a la pleine autorité et le pouvoir de gérer les affaires du gouvernement. Il est élu par la Chambre basse du parlement (Assemblée nationale) et exerce l’autorité et le pouvoir sur l’administration quotidienne des affaires de l’Etat. Parmi les innovations, les droits et devoirs des citoyens sont consacrés dans une déclaration solennelle des droits et devoirs fondamentaux annexée à la Constitution et qui a pleine valeur constitutionnelle. La justice ordinaire est placée sous l’autorité d’une Cour de cassation qui remplace la Cour suprême. S’agissant de la refonte des autorités indépendantes, l’ancienne haute autorité de régulation de la communication s’enrichit de nouvelles missions intégrant les nouveaux enjeux de la communication (plateformes en ligne et réseaux sociaux). Une Haute autorité pour la transparence dans la vie publique est créée, en vue de répondre aux nouveaux standards constitutionnels, en matière de déontologie de la vie publique. En lieu et place du Médiateur de la République, il est mis en place un Protecteur du citoyen, dont la vocation sera de protéger les individus contre les abus de l’administration publique.
Une révision qui tient sur trois grands axes
La présidente de l’Assemblée nationale, l’honorable Yawa Djigbodi Tsègan, qui a dirigé la plénière, a souligné que cette démarche de révision constitutionnelle tient sur trois grands axes : consolider les bases d’une démocratie plus moderne et respectueuse de l’équilibre des pouvoirs, préserver la stabilité gouvernementale et adapter une gouvernance plus efficace du Togo aux évolutions sociopolitiques. Il s’agit, selon elle, de repenser les socles d’une démocratie à même de garantir une représentation fidèle de la volonté du peuple togolais, tout en assurant une stabilité nécessaire à la modernisation et au développement durable du pays.
« En réalité et à la vérité, un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer ou de changer sa Constitution… Ce principe de temporalité de la constitution porte en lui la possibilité de sa révision, tout en veillant à ce que la procédure reste fidèle aux grandes valeurs universelles auxquelles notre pays a souscrit. La proposition de révision constitutionnelle que la Représentation nationale vient d’adopter est bâtie sur des points majeurs. Il s’agit d’une série d’innovations visant à définir une nouvelle identité républicaine, permettant aux pouvoirs publics constitutionnels de représenter efficacement la nation togolaise », a souligné Mme Tsègan.
Reste la promulgation
Pour elle, le premier point majeur et sans doute le point fondamental, demeure la mise en place d’un régime parlementaire caractérisé par une collaboration constante entre l’Exécutif et le Législatif et dont le principe de responsabilité politique du gouvernement est la clé de voûte. La deuxième figure marquante de cette proposition, se référant aux pratiques du régime parlementaire, est la création du poste du Président du Conseil, chef suprême des armées, disposant de l’administration et exerçant l’autorité et le commandement sur les forces armées et les forces de sécurité. Il détermine et conduit la politique de la nation, ainsi que la politique étrangère et représente l’Etat dans la conduite des relations internationales. Un autre point saillant est la consécration de la Déclaration solennelle des droits et devoirs fondamentaux du citoyen faisant partie intégrante de la Constitution.
La présidente de l’Assemblée nationale a salué l’engagement républicain de tous ceux qui ont œuvré à l’aboutissement de ce processus, rassurant qu’avec diligence, la présente proposition de révision adoptée sera transmise au président de la République, telle qu’en dispose l’article 58 de la Constitution.
Pour sa part, le ministre Pacôme Adjourouvi des Droits de l’Homme et des Relations avec les Institutions de la République, a remercié les députés pour le vote qui est l’aboutissement d’un processus légal, conforme aux dispositions constitutionnelles du pays. « Le législateur, à travers la proposition de cette disposition, a voulu offrir la possibilité de réajuster les textes pour les adapter aux éventuelles mutations et éviter, par là-même, un enfermement dans un carcan immuable. Le contexte sociopolitique, économique et technologique dans lequel évolue notre société s’y prête bien. Plus de trois décennies après l’adoption de la constitution du 14 octobre 1992, les réalités et aspirations actuelles de notre peuple ne cadrent plus véritablement avec les mobiles qui avaient sous-tendu la loi fondamentale. Au regard de l’environnement actuel, marqué par un contexte chrysogène, les motifs de la présente révision constitutionnelle sont pertinents. Son avantage réside dans la plénitude des pouvoirs qu’elle confère au peuple, seul détenteur de la souveraineté. L’option faite de changer le paradigme témoigne à suffisance de la maturité d’une classe politique qui, au regard du contexte géopolitique actuel, voudrait donner à notre pays, des repères originaux qui, sans pour autant bouleverser l’ordre préétabli, tiennent compte des réalités et du vécu quotidien de nos concitoyens. La présente loi de révision constitutionnelle induira le passage de notre pays à une 5e République avec une nouvelle image de la vie politique nationale au centre de laquelle l’Assemblée nationale et le sénat jouent un rôle très important », a-t-il relevé. Le ministre a témoigné la gratitude du gouvernement aux élus du peuple, pour cet acte historique posé dans un but unique : l’intérêt de notre nation.
Faustin LAGBAI
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