Société

Le handicap peut-il être un frein à l’épanouissement personnel?

le journaliste Agbérè Djalilou
Le handicap peut-il être un frein à l’épanouissement personnel?

Plusieurs milliers de personnes dans le monde sont défavorisées par des déficiences mentales, physiques ou sensorielles. A cause de ces handicaps, elles se voient marginalisées et ont du mal à s’insérer dans la société. Ainsi, dans toutes les régions du monde, des enfants et des adultes connaissent le sort de proscrits.

Pourtant, certains surclassent leur handicap pour donner un autre sens à leur vie ou du moins, changer le regard de la société sur leur situation. C’est le cas de M. Agbéré Djalilou, actuellement journaliste à Taxi FM, à qui, une fracture lors d’un match de football, a coûté l’amputation d’une jambe. Passionné des médias, il a pu s’intégrer dans cet univers qui demande beaucoup de sacrifice et d’abnégation. C’est un homme enjoué et très à l’aise qu’on rencontre dans ses activités quotidiennes. A bâtons rompus, il a parlé de son vécu quotidien, de son parcours et de ses rapports avec son entourage et ses collaborateurs.

L’être humain durant sa vie sur terre est menacé d’invalidité à chaque instant de sa vie. Un accident de circulation, une mauvaise nouvelle un accident cardio-vasculaire ou cérébral, une crise cardiaque, la rougeole, le glaucome…, peuvent faire perdre l’usage des membres, des yeux, de la parole et handicaper à vie. Dès lors, la victime est, le plus souvent perçue comme un poids au sein de la famille. M. Djalilou Agbérè, journaliste à Taxi FM, a su tracer son sillon, malgré vents et marrées.

En effet, il a eu la malchance ce jour du 12 juin 2006, quand il jouait au football avec ses amis. Une partie de foot qui a mal tourné pour ce petit qui préparait son certificat d’étude du premier cycle : il est sorti du terrain avec une facture que les tradithérapeutes n’ont pas pu soigner. Transporté, un mois plus tard, à l’hôpital, les médecins ont fait de leur mieux afin qu’il se tire d’affaire. Cependant, il fallait amputer la jambe pour lui permettre de vivre. Il a été opéré deux fois. Après quoi a suivi   la rééducation. A la fin de la rééducation, une nouvelle vie s’est ouverte à Djalilou qui se souvient. « Je venais de perdre une année scolaire et il me fallait rester à la maison, car, pour l’entourage qui a découragé mes parents,  il ne restait qu’à me mettre dans un coin de la rue ou dans les lieux publics pour mendier, afin de survivre. Mais Dieu avait un autre plan pour moi » souligne t- il. Il a relevé qu’étant donné qu’il avait appris à se débrouiller seul, et surtout à s’asseoir, il a exprimé son désir de retourner à l’école, ce qui fut fait. Son intelligence a frappé plus d’un dans le milieu. C’est ainsi qu’en classe de première, à un pas d’abandonner l’école par manque de moyens, une bonne volonté l’a aidé jusqu’à l’obtention de la licence.

Mon handicap, ma force

Pour lui, accepter ses limites est un atout. Ses bons résultats scolaires ont amené certaines personnes à penser qu’il aurait pactisé avec le diable. Cependant, ce regard lourd ne l’a pas empêché de persévérer. « J’ai pris conscience que j’étais une personne diminuée physiquement, mais, que cela était  sans impact sur mes facultés intellectuelles. Quoiqu’un handicapé puisse faire, il doit à un moment reconnaitre ses limites. Il n’y a aucune honte à cela. Le handicapé autonome n’est pas un surhumain, mais un humain avec ses forces et une faiblesse particulière qu’il veut compenser. Pour cette même raison, il lui faut quelques fois, l’aide de son entourage. J’avais besoin de mes camarades de classe, de mes enseignants et de ma famille. Ceux qui avaient conscience répondaient à mes sollicitations. Je garde en haut estime cette personne généreuse qui m’a vraiment soutenu », dit-il. Déterminé à se retrouver devant les micros, il n’a pas du tout baissé les bras. Aujourd’hui, nanti d’une licence en communication, les portes des studios lui sont ouvertes. Déjà en 2013, il s’essayait à Radio Tchamba, tout en servant de correspondant de Radio KNTB et Taxi FM au Nord du pays, avant de devenir journaliste permanent à Taxi FM. Par ailleurs, son handicap n’a en rien inhibé sa passion pour le football. Avec ses pairs, ils ont une équipe de football (Elan de Vie), pour prouver que malgré leur état, ils ont encore des potentialités à faire valoir. « Je suis  capitaine de l’équipe de foot des handicapés du Togo et je représente mon organe lors de la soirée T des médias. Je vais au cinéma,  j’aime découvrir des nouveaux lieux culturels, voir des expositions et prendre des photos. Ceci m’occupe et me permet d’oublier mon handicap. Car, en effet, que l’on soit handicapé, ne devrait rien changer à nos actions ou notre présence dans le monde. Malheureusement, le jugement est encore aujourd’hui omniprésent »,  a- t-il fait remarquer.

Des attitudes  qui frustrent

Djalilou se rappelle une histoire qui lui a fait prendre la revanche. Il  raconte qu’une fois, une Organisation, séduite par sa voix, l’avait contacté par téléphone parce qu’elle avait besoin d’un conseiller en communication. Ils ont tous conclu du dossier à préparer et de la date de la rencontre. Le jour de la rencontre, il est allé au siège de l’institution. Au bureau de la secrétaire, il a passé une heure avant que le patron ne le reçoive. Quand ce dernier est arrivé, il lui a dit tout simplement qu’il était désolé que la secrétaire s’était trompée de numéro de téléphone. « C’est presque les larmes aux yeux que j’ai quitté ce bureau. Mais je me suis dit que ce poste ne m’appartenait pas et que j’avais des compétences à vendre ailleurs.  Aujourd’hui, je ne fais plus attention à mon physique, mais cela a été un combat pour y parvenir.  Je me suis effectivement heurté à un rejet  dans le monde du travail. J’ai parfois été confronté à des gens qui portaient des préjugés sur ma personne, à des gens qui avaient des discours pas agréables à entendre.  J’ai la passion de mon métier et j’essaie toujours de me montrer actif et coopérant avec les autres confrères et ceci compte pour moi », souligne-t-il. Du reste, il dit être réconforté quand des gens s’intéressent à lui en lui demandant ce qui a pu le laisser dans cet état. « C’est une curiosité qui n’est pas mal placée, et je trouve cela très positif. Ça permettra à certains de comprendre que nous sommes des candidats potentiels à un état de handicap.  Un accident peut nous invalider à vie. Donc, j’exhorte tout le monde à ne pas mettre de barrières entre ceux qui sont valides et ceux qui ne le sont pas. Si en toutes circonstances, on peut reconnaître aux personnes handicapées leurs droits, on rend service à l’humanité. Il a ajouté que son souhait serait de faciliter et de créer les conditions d’un échange qui permettent à la personne porteuse de handicap de se réaliser et d’exercer son potentiel créateur, avec ses semblables.

Somme toute, les différents traitements au demeurant inappropriés et sévères que la société réserve quelques fois aux personnes handicapées relèvent des préjugés liés à la culture qui veulent que le handicap soit une punition des dieux ou des ancêtres. Le handicap, quel qu’il soit, marque la victime et la met au défi, tant, elle devra faire face à de difficultés physiques ou psychiques. La situation de handicap ébranle quelques fois les milieux familial et professionnel, provoque de la sollicitude, de l’incompréhension, mais aussi, de la pitié, du désarroi, voire une certaine forme d’hostilité. Cependant, le handicap, ce n’est pas le regard de la société. C’est ce que la victime elle-même fait de son état. Il n’y a donc pas mieux placé que la personne handicapée elle-même pour s’imposer et apporter sa pierre à l’édification de la nation.

Yankolina M. TINGAENA

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