La communauté internationale célèbre, chaque 14 novembre, la Journée mondiale du diabète, dont le thème, cette année, est « Diabète et Bien-être ». Une occasion pour sensibiliser sur l’impact de la maladie et pour insister sur les possibilités de renforcer la prévention, le diagnostic et le traitement. Dans un entretien, Dr Komlan Zantou Apéti, médecin diabétologue et directeur général de l’Hôpital panafricain « Les Marrons » à Lomé parle des causes, manifestations et traitements de cette affection.
Togo-Presse : Bonjour docteur ! Qu’est-ce que le Diabète ?
Dr Komlan Zantou Apéti : Bonjour Madame ! Il y a tellement d’idées reçues et de raccourcis concernant le diabète sous nos cieux, résumant cette maladie, pourtant très complexe, au « sucre », qu’il est nécessaire de prendre un peu de temps pour répondre à cette question. En effet, ces idées reçues et raccourcis sont à l’origine d’une approche trop simpliste du diabète et de sa prise en charge, qui amène nombre de professionnels de tous ordres, voire les patients eux-mêmes à penser pouvoir se passer des compétences des diabétologues et endocrinologues. Par conséquent, le contact de nombreux patients avec ces spécialistes ne se fait finalement qu’au stade de complications.
Venant à votre question, étymologiquement, le mot diabète signifie « passer à travers ». En effet, les anciens avaient remarqué que certains parmi eux étaient atteints d’une maladie qui faisait qu’ils urinaient beaucoup (polyurie) et buvaient beaucoup (polydipsie). Ils conclurent que l’eau passait (coulait) à travers ces personnes. Ils donnèrent à cette maladie le nom de diabète. Ainsi, le diabète désigne, en principe, toutes les maladies qui se manifestent par une polyurie et une polydipsie. Ainsi, nous distinguons plusieurs diabètes : le diabète sucré, le diabète calcique, le diabète insipide …
Le diabète sucré est de loin le plus fréquent des diabètes. Cette grande fréquence est telle qu’utilisé sans épithète, le mot « diabète » renvoie spontanément au diabète sucré. Nous entendrons donc par diabète, au cours de cet entretien, le diabète sucré. Ce diabète se définit par une augmentation chronique du glucose dans le sang. Enfin, il est important de préciser que plusieurs types de diabètes sucrés sont distingués. Les plus fréquents sont le diabète de type 1 et le diabète de type 2.
T.-P. : Quelle est la différence entre ces 2 types de diabètes ?
Dr K. Z. A. : Le diabète de type 1 est caractérisé par une carence absolue en insuline, due à une destruction des cellules pancréatiques Bêta, responsables de la production d’insuline. Il est moins fréquent que le type 2, atteignant moins d’un diabétique sur 10. Quant au diabète de type 2, il est caractérisé par une carence relative en insuline. En effet, dans le diabète de type 2, on note une résistance à l’insuline à l’origine d’une demande accrue à laquelle le pancréas n’est plus capable de répondre quantitativement et/ou qualitativement.
T.-P. : Comment se manifeste le diabète ?
Dr K. Z. A. : Les principales manifestations du diabète sont l’émission excessive d’urines (polyurie) dans laquelle, le patient émet plus de 2,5 litres d’urines par jour, l’obligeant à se réveiller plusieurs fois dans la nuit ; l’ingestion excessive d’eau (polydipsie) qui n’est que la conséquence de la perte excessive d’eau due à la polyurie ; la perte de poids (amaigrissement) ; l’alimentation excessive (polyphagie) qui se caractérise par un appétit exagéré et insatiable. Notons toutefois que dans le diabète de type 2, le sujet peut ne présenter aucun de ces signes. Devant ces signes, il est important de mesurer le taux de glucose dans le sang (glycémie) à jeun. Le diagnostic de diabète est confirmé lorsque la glycémie à jeun est supérieure à 126 mg par décilitre à 2 reprises.
T.-P. : Quelles sont les causes du diabète ?
Dr K. Z. A. : Le diabète de type 1 est dû à une destruction des cellules pancréatiques Bêta, responsables de la production d’insuline. Cette destruction est le fait d’une maladie du pancréas qui amène l’organisme à prendre les cellules Bêta pour des cellules étrangères et à fabriquer des anticorps contre celles-ci (maladie auto-immune). En ce qui concerne le diabète de type 2, il est favorisé par un ensemble de facteurs dont la présence augmente le risque de développer le diabète. Il est donc préférable de parler dans le cas du diabète de type 2 de facteurs de risque plutôt que de cause. Ces facteurs sont, entre autres, la prédisposition génétique, l’obésité, la dyslipidémie (baisse du bon cholestérol et/ou élévation du mauvais cholestérol et/ou élévation des triglycérides), l’hypertension artérielle, la sédentarité, le stress, l’alcool, le tabac, l’âge.
T.-P. : Quelles sont les complications du diabète et comment le prévenir ?
Dr K. Z. A. : Les principales complications sont la perte de la vue (cécité) par destruction de la rétine, l’insuffisance rénale, l’attaque cérébrale (AVC), l’attaque cardiaque ou la crise cardiaque (infarctus du myocarde), l’obstruction des artères des membres inférieurs responsables d’un défaut d’alimentation des tissus de ces membres en sang qui aboutit au fameux pied diabétique dont la prise en charge, selon la gravité, peut nécessiter une amputation.
Le diabète de type 1 n’a pas de moyen de prévention connu. La cause exacte de la maladie qui conduit à la destruction de la cellule pancréatique Bêta est, en effet, inconnue à ce jour. Heureusement que ce diabète est rare. Par contre, le diabète de type 2 est plus fréquent (plus de 9 cas sur 10) et est déterminé par plusieurs facteurs de risque dont l’éviction permet la prévention. Les mesures préventives du diabète de type 2 sont, entre autres, l’alimentation équilibrée, en essayant d’avoir à chaque repas, un menu comprenant des légumes et, approximativement 55% de glucides (incluant sucres lents et sucres rapides des fruits), 35% de lipides (en augmentant la proportion d’acides gras insaturés et en évitant les graisses d’origine animale) et 15% de protéines, la prise des plus importantes parts de repas le matin et à midi, en réduisant au maximum, voire en supprimant la part du soir (classiquement manger comme un roi le matin, comme un commerçant à midi et comme un mendiant le soir) ; l’activité physique régulière (30 minutes par jour ou 45 minutes tous les 3 jours) ; l’éviction de l’alcool ; l’éviction du tabac ; le traitement (le cas échéant) d’une hypertension artérielle, d’une dyslipidémie ou encore d’une obésité.
T.-P. : Quels traitements pour les malades ?
Dr K. Z. A. : Une fois le diabète installé et quel qu’en soit le type, les mesures préventives précédentes sont requises et deviennent les moyens de traitement de première ligne. Le médicament du diabète de type 1 est l’insuline, le pancréas ne pouvant plus en produire chez les sujets souffrant de ce type de diabète. Elle est disponible essentiellement par voie injectable. Une forme inhalée est disponible depuis peu. Des recherches pour développer des formes orales, depuis sa découverte, il y a plus de 100 ans, sont toujours non concluantes. Dans le diabète de type 2, le traitement permanent par l’insuline n’intervient qu’en dernier recours. Plusieurs médicaments pouvant être pris par voie orale existent et agissent par différents mécanismes (diminution de la résistance à l’insuline, stimulation de la production d’insuline, diminution de l’absorption digestive du glucose, augmentation de l’élimination du glucose par les urines…) pour contrôler la glycémie.
T.-P. : L’année 2021 marque les 100 ans de la découverte de l’insuline, premier médicament contre le diabète. Pourtant des millions de personnes n’ont toujours pas accès aux soins. Qu’en est-il des malades au Togo ?
Dr K. Z. A. : L’accessibilité financière des médicaments du diabète est le véritable point d’achoppement de la prise en charge de cette maladie dans les pays à faibles revenus comme le Togo. En effet, des traitements très novateurs et de nouveaux médicaments existent de nos jours, mais leur coût est le principal frein à leur proposition aux patients. C’est le cas des insulines ultra lentes dont certaines formes permettent une injection toutes les 72 heures et d’autres une injection par semaine, et du pancréas artificiel ou pompe à insuline. C’est aussi le cas des Glyflozines (médicaments favorisant l’élimination du Glucose par les urines) et des Incrétinomimétiques(médicaments augmentant la sensibilité à l’insuline, diminuant l’appétit et l’absorption digestive du glucose) qui occupent une place de choix, à côté de la Metformine et auxquels nous devrions recourir lorsque cette dernière seule ne suffit plus à maîtriser le diabète ou est contre-indiquée.
Entretien réalisé par Françoise AOUI
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