Pr. Charles Kondi Agba, délégué national du parti UNIR au dialogue inter togolais a été reçu dimanche dernier sur le plateau du journal de 20Hde la TVT où, répondant à un entretien de la présentatrice, il a largement fait le point des conclusions de la récente mission des facilitateurs de la CEDEAO dans le règlement de la crise socio politique qui secoue le Togo depuis le mois d’août dernier/ Voici l’intégralité de l’entretien télévisé .
Vous êtes délégué du Mouvement des Sages UNIR au dialogue inter togolais ; les deux facilitateurs disent saluer les efforts déployés par les différents acteurs pour le dénouement heureux de la crise togolaise, M, Agba, peut-on revenir sur ces efforts dont ils parlent ?
Oui, il y quelques mois ou quelques semaines, la situation que nous vivions était un peu plus critique que maintenant. Les ardeurs étaient irréfrénables, mais maintenant, on peut dire que ça va depuis que les Togolais ont accepté de s’asseoir ensemble, sous la facilitation du président ghanéen d’abord, les choses commencent à se tasser. C’est ce que les facilitateurs ont appelé « efforts » en ce sens que si le Gouvernement a arrêté les préparatifs des élections, la partie C14 a également accepté de suspendre pour un moment les marches.
Des concessions ont été faites de part et d’autre ?
Tout à fait ! A la demande de la facilitation, nous sommes arrivésau moins à ces résultats.Même si entre temps, il y a eu des velléités de reprendre les marches, disons que la situation s’est nettement améliorée par rapport à ce que nous avons connu.C’est ce que les facilitateurs ont apprécié en matière d’effort notamment du côté du Gouvernement également, toutes les mesures d’apaisement parce que chaque marche engendre des dégâts, des arrestations des marcheurs et le Gouvernement a pris sur lui d’en libérer vraiment un certain nombre pour ne pas dire la totalité, encore que les chiffres ne sont jamais les mêmes du côté Gouvernement et du côté de la C14.
Le gouvernementest encore invité à poursuivre ces mesures d’apaisement, notamment poursuivre la libération des personnes arrêtées lors des manifestations…
Cela a été la toute première question que nous avons traitée quand le dialogue a commencé. Vous savez, la partie UNIR et le Gouvernement souhaitaient que ce soit un dialogue inclusif ; qu’il y ait tout le monde tout autour de la table. Mais la C14 a demandé et obtenu qu’elle soit le seul interlocuteur de UNIR, et nous nous sommes retrouvés C14et UNIR le premier jour du dialogue. Et la première question que la C14 a posée, c’est nous voulons des mesures d’apaisement, il faut libérer ceux que l’on a arrêtés. La partie UNIR ne pouvait pas dire grand-chose puisque nous ne maîtrisons pas les prisons. C’est comme cela que de façon naturelle, on a dû chercher la partie gouvernementale ; sinon, la C14 ne voulait pas du tout du Gouvernement. C’est le Gouvernement qui est venu, notamment par le Ministre de la Justice pour pouvoir expliquer les procédures en cours et dire comment on peut faire pour libérer tel ou tel. C’est comme cela que la partie gouvernementale est entrée dans le dialogue.
Donc il y aurait-il de prochaine libération d’autres détenus ?
C’est le Ministre de la Justice qui maîtrise toutes ces choses. Quand il parle, nous écoutons qu’il y a des procédures criminelles d’un côté, d’autres procédures un peu plus légères ; c’est-à-dire que les détenus ne sont pas les mêmes. Il y a certains dont la libération est facile ; d’autres doivent d’abord être jugés pour qu’éventuellement, et nous avons connu ces procédures-là, que le président prenne des mesures de grâce présidentielle pour les libérer. Nous avons déjà vu cela.
Il y a un autre point très important, les facilitateurs invitent le Gouvernement à étudier la possibilité de laisser manifester sur l’ensemble du pays, notamment lever le blocus qui pèse encore sur certaines zones du pays, en termes de liberté de manifestation…
Tout à fait, voilà les concessions que le président Alpha Condé quand je le suis – lui il nous parle directement enfrançais et il y a facilité d’écoute – il a dit qu’il ne faut pas deux poids deux mesures. Il faut que l’opposition, si elle le veut, puisse marcher partout même si à Bafilo, à Mango, à Sokodé il y a des dégâts et des morts d’hommes, il faut quand même que le Gouvernement encadre ces manifestations comme il le fait ailleurs. Mais, il faut lire le communiqué dans son entité, il est dit que ces marches doivent se faire dans les normes, dans le respect de l’ordre public. Cela veut dire que si vous avez la liberté de manifester, vous, vous devez préserver la liberté de ceux qui ne veulent pas manifester. C’est ce que d’ailleurs la loi sur les manifestations avait prévu. Vous pouvez demander à marcher sur un itinéraire donné mais le Gouvernement a le droit – c’est toujours écrit dans la loi- de dire non que cet itinéraire gêne tel ou tel riverain, je conseille tel ou tel itinéraire.
Parce qu’il faut n’est-ce pas garantir en même temps la jouissance de la liberté de manifester et la sécurité des biens et des personnes ?
Absolument. Vous pouvez manifester mais ceux qui ne veulent pas manifester et préfèrent vaquer à leur occupation doivent aussi avoir le droit de le faire
Sur le plan politique, l’opposition, le parti UNIR et le Gouvernement se sont entendus sur la poursuite des activités de l’Assemblée nationale actuelle dont la mandature finit le 19 août prochain. Sur quel mécanisme se fonde cet accord de la prorogation de la législature ?
Je dois vous dire qu’en dehors du règlement intérieur que vous avez cité tout à l’heure, après les travaux préparatoires, les deux parties ont adopté un règlement intérieur qu’elles ont signé. C’est le document que nous pouvons produireà la date d’aujourd’hui vraiment comme une entente signéeentre les deux parties.
Cette prorogation des activités de l’Assemblée nationale est le deuxième accord. Il n’a posé aucun problème puisque dans la partie UNIR, il y a des députés qui siègent à l’Assemblée nationale tout comme dans la C14, il ya des députés.
Dans la mesure où les facilitateurs ont demandé qu’on arrête le processus électoral, cela veut dire automatiquement qu’on ne pourra pas faire des élections à date échue. Les deux (choses) se tiennent. Si nous disons que le Gouvernement doit arrêter le processus de préparation de ces élections, automatiquement cela veut dire que l’Assemblée nationale doit dépasser son mandat. Mais, ça c’est déjà inscrit dans nos textes. A l’occasion d’autres crises, nous en sommes arrivés à écrire dans nos textes que tant que denouveaux députés n’ont pas été élus et installés, les anciens continuent. Alors, c’est ce que nous allons faire.Mais, il y a un mais. Le président guinéen l’a dit : « c’est vrai, je constate que les deux parties sont d’accord pour prolonger les activités de l’Assemblée nationale, il faut quand même que la démocratie continue à marcher, il faut des élections. »
Ils ont exigé que les élections se fassent avant novembre 2018 !
Le terme exact qui a été utilisé, c’est une date indicative. Les présidents (facilitateurs) ont dit, nous vous mettons la pression, il faut que vous puissiez vous entendre ; je suppose que ça va êtrela feuille de route de la CEDEAO. L’Assemblée nationale ne sera pas prorogée éternellement. Il ya du côté de l’UNIR comme de l’opposition des jeunes qui veulent bien siéger à cette Assemblée. Les anciens ne peuvent pas continuer indéfiniment. C’est pourquoi il ya cette date indicative pour dire que dans tous les cas, nous finirons par aller à des élections.
Comme, cela, vous devriez vous entendre pour aller à des élections ?
Je pense que c’est ce que les présidents ghanéen et guinéen ont comme espoir que dès que la CEDEAO va être mise au courant de ce qu’ils ont entendu, parce qu’ils ont dit « nous pouvons régler les problèmes faciles, c’est ce qu’ils ont fait,il y aura des libérations, vous pouvez marcher où vous voulez, vous devez arrêter le processus électoral, ça c’est des questions simples qu’ils pouvaient régler avant de partir. Mais les questions de fond ; ils nous ont écoutés les uns après les autres, ils doivent en rendre compte à l’ensemble des présidents qui les ont mandatés, c’est tout à fait naturel. Et c’est lorsque ce compte rendu aura été fait à leurs pairs que des propositions concrètes, me semble-t-il, nous seront faites pour que nous puissions aller à des élections. Encore une fois, nous n’en sortirons pas sans qu’il y ait des élections pour nous départager. C’est le peuple qui dira qui il choisit.
C’est le résultat de la rencontre de cette semaine qui sera soumisà la prochaine conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO ?
Tout à fait.
N’y aura-t-il pas d’autres rencontres en vue ?
Si les facilitateurs nous demandent de venir les écouter ou de nous écouter, nous nous sommes disposés, mais à mon avis, c’est ce compte rendu qui va être fait à l’ensemble des chefs d’Etat, lequel compte rendu va donner naissance à une feuille de route ; c’est la prochaine étape.
Vous estimez qu’on a assez avancé aujourd’hui ?
Dès l’instant que nous ne rentrons plus les uns dans les autres, d’un côté le processus électoral a été arrêté, de l’autre les marches pourront se faire dans l’ordre comme vous l’aviez dit, nous pouvons dire que nous avons fait du progrès. La situation est moins tendue qu’avant.
Un message de fin ?
Je n’ai pas de message particulier. Vous savez, les facilitateurs ont dit que ce sont leurs comptes rendusqui font foi. Les commentaires que nous faisons ne changent en rien des communiqués qu’aussi bien la partie ghanéenne ou les deux facilitateurs adoptent. Notre souhait à UNIR est que, dans le cadre du respect mutuel comme nous avons dit, nous puissions arriver à un consensus pour aller à des élections qui puissent départager tout le monde.
Ce sera pour le bien du Togo ?
Tout à fait.
(Entretien réalisé par Mme Lys Djamien de la TVT)
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