La commercialisation du coco vert s’est considérablement installée dans tous les quartiers du Grand Lomé, dans les préfectures du Golfe et Agoè-Nyivé. Pris d’assaut, les abords des rues, carrefours et beaucoup d’autres lieux de regroupement de masse servent souvent de points de vente stratégiques pour les jeunes hommes et femmes, parfois toute une famille entière, de noix de coco vert. Que ce soit sur place ou en se déplaçant, les vendeuses et vendeurs de cocos verts gagnent de petits sous tout en comblant l’amour des citoyens pour ce fruit. Très appréciée pour son eau ou encore sa chaire succulente et/ou thérapeutique, la vente de coco vert est une activité de type informel, dont la chaîne d’exploitation emploie plusieurs dizaines d’individus depuis la cueillette, le transport à travers le réseau distribution jusqu’au dernier maillon de cette chaine qui est la vente au dernier consommateur.
Comment s’exerce cette activité ? Est-elle rentable ? Quelles sont les difficultés ? Quelles sont les attentes des acteurs de cette filière ? Autant d’interrogations auxquelles M. Mawuli Konou, Mlle Nancy Apédo et M. Franck Messanvi tentent de répondre lorsque Togo-Presse est allé à leur rencontre sur leur lieu travail.
Epris pour l’eau et la chaire moelleuse et savoureuse du coco vert qui aurait pleins de vertus thérapeutiques, ils sont nombreux citoyens de tout âge, de toute classe sociale à adopter ce fruit et le nombre de ces « adeptes » augmentent de jour en jour. Ce qui fait le bonheur de ces petits commerçants à travers la ville de Lomé et ses environs. Si la rentabilité de l’activité affriole de plus en plus d’acteurs, il faut noter que ce commerce se transmet habituellement de génération en génération. En claire, la plupart des vendeurs et vendeuses de coco vert rencontrée soit à la plage de Lomé, à Adidogomé, à Agoé-Nyivé ou encore au quartier Gblinkomé, héritent l’activité de leurs parents. M. Mawuli Konou, presque la quarantaine, vendeur des noix de coco verts à la place des Nations Unies, à côté de la prison civile de Lomé explique : « je mène cette activité il y a déjà quelques années. D’abord c’est ma grande sœur qui faisait ce commerce depuis que nous étions petits. Donc en grandissant j’ai voulu également exercer ce métier. Parce que à travers cette activité ma sœur a réalisé beaucoup de choses. Je peux dire que j’ai commencé à faire le commerce du coco vert en copiant un tout petit peu ma grande sœur ».
Quant à Mlle Nancy Apédo vendeuse ambulante de cocos verts au grand marché de Lomé confie : « Je mène cette activité depuis 15 ans. C’est ma maman qui la pratiquait. Donc j’ai grandi dedans ». C’est aussi le cas de M. Franck Messanvi, la trentaine qui commercialise ses produits dans une charrette communément appelée pousse-pousse à Gblinkomé, devant l’église des Témoins de Jéhovah.
Quelques éléments de base pour exercer cette activité
Si la vente des cocos verts se présente comme un commerce qui ne nécessite qu’un petit capital, il est indispensable d’avoir des outils et des compétences spécifiques. Selon les pratiquants, l’on a juste besoin d’être bon dans le maniement d’un coupe-coupe moyen, bien affuté pour tailler les noix. « Il est important de savoir quel type de coco tu as en main : dur, moins dur… afin de savoir comment donner le coup pour ne pas se blesser », renseigne M. Franck Messanvi.
M. Franck Messanvi a opté pour la vente en charette
M. Mawuli Konou précise qu’en réalité, « l’on n’a pas besoin de bcp de matériel. En revanche, pour commencer toute activité, surtout commercial, il te faut un capital financier ». En ce qui concerne, poursuit-il, le matériel cela dépend de deux facteurs : la vente sur place ou la vente ambulante. « Si vous optez pour la vente sur place, il vous faut alors un coupe-coupe, un seau d’eau, de l’eau mélangée de pierre d’alun (communément appelé « alam »), un banc pour les clients ».
Pour ceux qui préfèrent la vente ambulante, en dehors du coupe-coupe et d’un petit seau d’eau, il faut une bassine moyenne souvent en aluminium (pour les femmes), une brouette, un pousse-pousse ou un tricycle (pour les hommes). Il faut rappeler qu’il faut avoir une aptitude à manipuler le coupe-coupe avec dextérités, cela compte énormément pour bien et vite servir les clients. Également, certains clients souhaitent partir avec les noix taillées, donc l’eau composé d’alun sert à garder propre ces noix pour les clients », explique M. Konou.
Quid du mode et des lieux d’approvisionnement
Selon les dires de ces commerçants, ils achètent leurs marchandises en gros auprès des propriétaires de plantations de cocotiers dans diverses localités de la Région Maritime. Tous sont unanimes quant à disponibilité insuffisante des noix de coco verts à Lomé et ses environs immédiats, les obligeant à parcourir de longue distance, quitte à franchir même la frontière vers le Ghana. « Nous avons diverses sources d’approvisionnement, tant sur le territoire national qu’à l’extérieur. Sur le plan national, nous cherchons les cocos verts à Aného et Anfoin dans la préfecture des Lacs, Tabligbo dans le Yoto, Amégnran dans le Vo ». A l’extérieur, c’est essentiellement le Ghana qui nous approvisionne. En effet, ces dernières années, le Ghana est devenu un grand pourvoyeur de noix de coco vert. Ce pays dispose de grands étendus de cocoterais », révèle M. Konou.
« Nous parcourons toutes ces localités lointaines dans toute la Région maritime, l’objectif étant de trouver de la marchandise ; vue que Lomé et ses environs n’arrivent plus à fournir le marché à cause de l’urbanisation et des constructions qui engendrent l’arrachage des cocotiers », se plaint Mlle Nancy NApédo.
Généralement, selon les pratiquants les noix leur sont fournies selon une unité de mesure spécifique qui date nos ancêtres. Ce sont des sacs contenants quarante (40) unités de cocos. « Nous achetons les noix de coco verts par une unité de mesure appelée « Eka ». (1 Eka = 40 coco verts) et celui-ci coûte en moyenne 2000 F à 3000 F CFA selon la grosseur du produit. Cependant, il y a des fournisseurs qui préfèrent vendre par lot de 4 ou 5 pièces selon la grosseur à 200 F CFA. Donc tout dépend de celui à qui vous vous adressez pour l’approvisionnement », renseigne M. Konou. Il ajoute : « personnellement, pour m’approvisionner, j’ai l’habitude de d’acheter 40, 50 voire 100 « Eka ». Tout dépend de la quantité retrouvée dans la cocoterais. Ces grandes quantités me permettent d’approvisionner également mes collègues qui en ont besoin et qui n’ont pas pu faire le déplacement dans les champs. »
M. Mawuli Konou se fait livrer une commande
Toute chose étant égale par ailleurs, il apparait une évidence selon laquelle la distance parcourue à la recherche d’approvisionnement en noix engendre des frais supplémentaires. Une situation à laquelle se confrontent quotidiennement tous les vendeurs de coco et elle paraît plus encore coriace lorsqu’il faut chercher le produit vers le Ghana. « Ce qui nous tue dans cette activité, c’est le transport. En effet, nous convoyons les noix depuis leur lieu d’achat jusqu’à notre lieu revente soit par une fourgonnette-cargo, un taxi ou par un tricycle. Souvent, ils ne sont pas du tout tendres en qui concerne le prix qu’ils nous fixent pour le transport. Par exemple un tricycle qui transporte entre 15 ou 20 « Eka » de Amégnran à Lomé peut vous taxer jusqu’à 15 à 20 000 F CFA », selon M. Konou. M. Franck Messanvi indique que les tracasseries sont encore plus « ingérables » lorsqu’il faut faire appel aux fournisseurs ghanéens. « Pour traverser la frontière en aller comme retour il y a d’énormes difficultés avec les agents aux différents poste de contrôles », fait-il savoir
La vente de coco verts nourrit-elle son Homme ?
Si tous les vendeurs de coco reconnaissent éprouver d’énormes difficultés dans l’approvisionnement du produit de leur activité, le bénéfice qu’elle rapporte n’est pas négligeable. Tous néanmoins sont unanimes qu’ils ne manquent pas de faire de bons chiffres d’affaires au terme d’une journée de vente. En général, selon tous ces vendeurs, les cocos verts sont cédés aux consommateurs, aux prix de 150 ou 200 F CFA l’unité, selon la grosseur du fruit et à l’heure des comptes, marge bénéficiaire est toujours au rendez-vous.
Mlle Nancy Apédo, confie qu’elle fait un bénéfice de 3000 à 5000 F CFA par jour, selon le marché. « À ces prix, nous pouvons vendre jusqu’à deux ou trois sacs par jour. Tout dépend de l’affluence des clients. C’est ce qui nous permet de gagner notre vie », affirme-t-elle.
Mlle Nancy Apédo se promène bassine chargée dans les ruelles du Grand Marché de Lomé
« Habituellement, je vends, les jours favorables jusqu’à 5 « Eka ». Mais les jours de méventes, c’est entre 2 et 3. Malheureusement, il y a certains jours, je ne vends absolument rien. En général, je peux dire qu’avec cette activité, j’arrive à subvenir aux besoins de ma petite famille. Par jour, surtout les bons jours, je peux faire un chiffre d’affaires entre en 15 000 et 20 000 F CFA. J’exerce ce métier depuis quelques années et j’ai pu bâtir ma famille et je m’en sors, donc je ne peux pas me plaindre », confesse M. Konou avec sourire.
Une clientèle diverse et variée avec des motivations multiformes
Avec une clientèle diverse et variée, les pratiquants avouent qu’elle en raffole des noix aussi pour diverses raisons ou motivations. « Ma clientèle est composée de fonctionnaires qui viennent des ministères environnants, de simples passants qui veulent se désaltérer. Il y a aussi des étrangers de passage dans la capitale qui en raffolent également », indique M, Konou.
« Les gens connaissent aujourd’hui de plus en plus la valeur du coco vert. Avant, peu de gens venaient se procurer nos produits juste pour se faire plaisir. Mais aujourd’hui, ils viennent de plus en plus ; certains pour des raisons de santé sur recommandation des médecins et d’autres pour renforcer leur système immunitaire », déclare M, Franck Messanvi.
Pour M. Messanvi, l’eau de coco est très réputée dans le traitement de certaines maladies tropicales et serait « efficace » contre le paludisme (eau de coco + jus de citron), la fatigue chronique, etc. Selon lui, la chaire encore moelleuse et beaucoup plus laiteuse de la noix de coco, prise avec l’eau du fruit, renforcerait l’organisme en terme d’immunité. « Mélangé avec du lait peak, cela fait également assez de bien à l’organisme », va ajouter un consommateur retrouvé sur place. « Plusieurs personnes ayant découvert les vertus du coco vert ont confié qu’il leur a permis de prendre un peu de masse au fil des années et l’eau de coco faciliterait le bon fonctionnement du foie », a confié M, Messanvi
Autres difficultés vous rencontrées et quelles attentes des acteurs
En dehors des tracasseries liées à l’approvisionnement de la marchandise citées plus haut, comme toutes activités, les difficultés rencontrées dans la vente de noix de coco sont notamment la gestion des déchets de coques, les risques de blessures et aussi un lieu où s’installer lorsqu’on choisit ne pas être ambulant dans ce métier. C’est le constat fait chez tous les vendeurs. « La plus grande difficulté c’est la disponibilité du produit. Je disais tantôt que nous allons très loin de Lomé et même jusqu’au Ghana pour s’approvisionner. Ceci entraine des coûts énormes en termes de transport et de logistique. Nous avons aussi des risques liés à notre métier. Par exemple, nous utilisons quotidiennement le coupe-coupe et il y a régulièrement des blessures liées à cela. Il faut être extrêmement prudent et surtout être concentré dans le maniement de cet outil. Je me blessé à la main plusieurs fois et j’ai même failli perdre un doigt tout récemment. Également, trouvez une place pour s’installer constitue une source d’angoisse pour nous. On a des difficultés à convaincre les gens pour s’installer derrière leur clôture surtout quand il s’agit des bâtiments de l’administration. Je me suis installé ici à la place des Nations Unies mais je suis à tout moment l’objet d’un déguerpissement. Donc cela constitue une peur permanente pour moi », regrette M, Konou.
« Moi je ne vais pas parler d’attentes mais plutôt je vais tirer une sonnette d’alarme. Vous savez à l’époque où nos grandes sœurs menaient cette activité, la noix de coco se vendait à 25 et 50 F CFA. Paradoxalement, aujourd’hui il est de plus en plus difficile de trouver un coco vert à 100 F. Ceci est due à la disparition progressive de cocoterais le long de notre littoral. Avant, on n’atteignait même pas Aného pour s’approvisionner. De nos jours, les cocotiers sont abattus pour faire place à des constructions de divers types. Ce qui me fait mal, c’est que personne ne songe à remplacer ce qui a été coupé en replantant au moins un ou deux à la place. Donc je lance un appel à tous les compatriotes. C’est bien de construire sa maison et lorsqu’on coupe un arbre, qu’il soit cocotier ou pas, il faut le remplacer immédiatement. Le coco vert de devenu une denrée qui est peu à peu rentrée dans les habitudes des togolais. En plus il intervient dans le domaine de la santé. Donc j’en appelle à la prise de conscience de nous tous, y compris les pouvoir publics, pour intégrer la plantation de cocotiers dans la politique de reboisement du pays », a exhorté M. Konou.
Yves T. AWI
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