2023 a été l’une des meilleures années de l’Assurance pour le Développement du Commerce et de l’Investissement en Afrique (ATIDI). Au niveau mondial et particulièrement en Afrique, l’assureur multilatéral panafricain a vu son actionnariat, ses expositions brutes et nettes et ses souscriptions s’accroîtrent. Son capital et ses performances financières ont augmenté ainsi que les adhésions des Etats à l’organisation. Ce qui témoigne, l’importance stratégique d’ATIDI, qui, grâce à ses solutions d’atténuation des risques, joue un rôle central dans la résolution du défi que constitue le financement du développement en Afrique.
Dans un entretien exclusif, le DG d’ATIDI, M. Manuel Moses se réjoui des résultats positifs qu’affiche son organisation, tout en saluant les partenaires pour leurs soutiens. Il évoque les relations solides avec les gouvernements des pays membres, ses partenariats extrêmement dynamiques avec des institutions financières et ses expertises en ce qui concerne l’environnement des affaires et le climat d’investissement en Afrique. Il relève aussi les défis et les perspectives d’ATIDI pour garantir une croissance et une prospérité durable en Afrique.
Togo Presse : L’Assurance pour le Développement du Commerce et de l’Investissement en Afrique (ATIDI), est l’un des principaux assureurs multilatéraux panafricains. Que peut-on retenir des activités (engagements et partenariats) de votre institution durant 2023 ?
Manuel Moses : 2023 a été une année phare pour notre organisation. Nous avons accru notre actionnariat. En effet, nous avons accueilli de nouveaux pays membres. L’Angola, le Mali et le Burkina Faso ont rejoint ATIDI en 2023. Le Tchad a également rejoint ATIDI, en début d’année 2024. De 7 pays fondateurs en 2001, nous comptons désormais 24 pays membres. Mais ce n’est pas tout. En juin 2023, NEXI, l’Agence Japonaise de Crédit à l’Exportation, est également devenue un actionnaire institutionnel. La croissance de notre actionnariat implique une croissance de notre capital et donc des ressources que nous pouvons déployer pour faciliter des investissements cruciaux à travers l’Afrique. Nous sommes en pourparlers avancé avec plusieurs pays africains pour finaliser leur adhésion. Je souhaite saluer le soutien de nos partenaires, notamment la Banque Africaine de Développement (BAD), pour leur soutien essentiel dans le financement de l’adhésion de plusieurs pays membres. La BAD a par exemple financé l’adhésion du Mali à ATIDI à hauteur de 10 millions de dollars. En tout, la BAD a investi quelque 60 millions de dollars dans le financement de l’adhésion de pays membres à notre organisation. Je souhaite également saluer le soutien de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), dont le soutien aux nouvelles adhésions de pays membres se chiffre au total à plus de 94 millions d’Euros.
En ce qui concerne les résultats financiers, le millésime 2023 est également excellent. Nos chiffres ne sont pas encore audités et nous les publierons prochainement, mais d’ores et déjà, je peux dire que 2023 est une de nos meilleures années. Nos expositions brutes et nettes, ainsi que notre bénéfice net et d’autres indicateurs de performance, affichent des résultats particulièrement positifs. Ces résultats témoignent de l’importance stratégique d’ATIDI, qui, grâce à ses solutions d’atténuation des risques, joue un rôle central dans la résolution du défi que constitue le financement du développement en Afrique.
T.P : Quelles ont été les solutions d’atténuation des risques apportées aux États membres ?
M.M : Avant de parler de solutions, considérons plusieurs facteurs : Nous nous appuyons sur nos relations extrêmement solides avec les gouvernements de nos pays membres, ainsi que sur ceux des pays qui ne nous ont pas -encore- rejoint. Notre Statut de Créancier Privilégié (SCP), inscrit dans le traité signé par chacun de nos pays membres, est essentiel pour obtenir le règlement des créances souveraines et des recouvrements que nous couvrons. Nous avons également établi des partenariats extrêmement dynamiques avec des institutions financières de premier plan, notamment la Banque Africaine de Développement (BAD), la KfW Development Bank, la Banque Européenne d’Investissement (BEI), et l’Agence norvégienne de coopération au développement (Norad). Il y a ensuite notre expertise en ce qui concerne l’environnement des affaires et le climat d’investissement en Afrique. De plus, nous bénéficions d’une notation de crédit de premier plan auprès des agences de notation : « A/Stable » attribuée par Standard & Poor’s (15 années consécutives) et « A3/Stable » par Moody’s (5 années consécutives).
Projet d’énergie solaire Mubuga en Burundi soutenu par ATIDI
Enfin, nous proposons une gamme étendue de produits – notamment l’assurance contre les risques politiques et ceux risques liés à l’investissement, contre les risques commerciaux, contre les risques liés à l’exécution des marchés ou encore contre les problèmes de liquidité. La résultante : nous offrons aux investisseurs la possibilité de s’engager en toute confiance dans des projets de première envergure et à fort impact. Au-delà de nos solutions, c’est toute notre approche qui fait de nous un élément clé dans la résolution du défi du financement du développement en Afrique.
T.P : Quels sont vos sentiments concernant votre bilan en matière de facilitation d’accès au financement ?
M.M : Depuis sa création, ATIDI a facilité plus de 85 Milliards de dollars d’investissements en Afrique. Bien que ce chiffre soit encourageant, nos ambitions sont plus grandes. En effet, imaginez ce que nous réaliserons une fois que l’ensemble des pays africains seront membres de notre organisation ?
Nous œuvrons en ce moment à déployer un produit conçu pour les PME, elles qui fournissent l’écrasante majorité des emplois à travers le continent mais doivent faire face au défi majeur de l’accès au financement. Ce produit permet notamment de fournir aux institutions financières des outils de partage des risques qui peuvent contribuer à surmonter les obstacles rencontrés par les PME dans l’accès au financement.
T.P : Que peut-on attendre d’ATIDI pour le développement de l’investissement en Afrique en 2024 ?
M.M : Poursuivre notre croissance, dans l’optique d’atteindre les objectifs de notre plan stratégique 2023-2027. Nous continuerons donc d’élargir notre pool de pays membres et d’actionnaires, accroître notre chiffre d’affaires, de renforcer nos partenariats, et de nous focaliser sur l’impact de nos interventions sur le développement durable de notre cher continent.
T.P : Comment ATIDI prévoit d’attirer et de retenir des investissements privés dans le développement, malgré le fardeau de la dette, l’incertitude politique, les changements climatiques, les perspectives économiques imprévisibles, et la vulnérabilité aux chocs exogènes tes que la guerre en Ukraine ?
M.M : Nul ne peut nier que, malheureusement, certains risques liés à l’investissement en Afrique – parmi lesquels ceux que vous citez- ont récemment refait surface ou sont en train de s’intensifier. Aujourd’hui encore, la perception du risque demeure l’un des principaux facteurs contribuant au déficit de financement du commerce et de l’investissement sur le continent, estimé à 200 milliards de dollars par an. Ceci dit, l’Afrique regorge d’opportunités indéniables : un environnement des affaires sans cesse plus attrayant ; le potentiel quasi-intact de secteurs tels que les infrastructures, les chaînes d’approvisionnement agricole, les TIC, les transports, l’hôtellerie ou encore la santé, pour créer des emplois et générer des revenus. De plus, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), la plus grande zone de libre-échange du monde par le nombre d’États membres, représente un marché de 1,5 milliard de citoyens et de consommateurs. Enfin, l’Afrique s’est révélée être une destination d’investissement rentable. En effet, en 2019, le continent affichait un taux de rendement des investissements directs étrangers de 6,5 %, soit plus que les taux de 6,2 % et de 6 % enregistrés respectivement en Amérique latine et dans les Caraïbes, et dans les pays développés.
Enfin, les récentes tendances économiques au niveau mondial, marquées par la volatilité – COVID 19, conflit Russo-Ukrainienne, multipolarité etc.- semblent indiquer que le risque – perçu ou réel- et l’imprévisibilité sont désormais des normes auxquelles nous devrons tout simplement nous adapter avec lesquelles il faudra tout simplement composer.
Les solutions proposées par ATIDI permettent de s’engager plus sereinement malgré ce contexte plus complexe et délicat.
T.P : Faciliter l’accès au financement, garantir une croissance et une prospérité durable aux pays membres. Quel est le sort réservé aux Etats qui trainent encore les pas à adhérer à ATIDI ?
M.M : Avant même leur adhésion, ATIDI était déjà active dans de nombreux pays africains. Prenons l’exemple de nos trois plus récents pays membres au moment de leur adhésion : le portefeuille d’ATIDI au Burkina Faso s’élevait déjà à 66,4 millions de dollars, dans les secteurs financier, de l’assurance, de l’énergie et du gaz. Au Mali, ce chiffre s’élevait à plus de 11 millions de dollars représentant des transactions dans les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche et des activités financières et d’assurance. Nous poursuivons notre plaidoyer auprès de l’ensemble des pays africains pour qu’ils nous rejoignent. Nous sommes confiants que dans les mois à venir, nous annoncerons plusieurs nouvelles adhésions. Il faut garder à l’esprit que le processus d’adhésion n’est pas instantané. Il prend donc du temps. Ceci dit, de plus en plus de pays sont réceptifs à notre plaidoyer, constatent les impacts positifs que nous avons, et nous approchent pour discuter de leur adhésion à notre organisation. Cela est très encourageant !
Moussouloumi BOUKARI
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