Santé

Sommet des chefs d’Etat sur les faux médicaments : Inciter la communauté internationale à apporter une réponse collective à cette crise panafricaine

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Sommet des chefs d’Etat sur les faux médicaments : Inciter la communauté internationale à apporter une réponse collective à cette crise panafricaine

Trois chefs d’Etat, Faure Gnassingbé du Togo, Macky Sall du Sénégal et Yoweri Museveni de l’Ouganda se sont retrouvés avec d’autres pays représentés, samedi 18 janvier, à Lomé, sous l’égide de la Fondation Brazzaville, pour signer l’initiative de Lomé, un accord international, visant à criminaliser le trafic de faux médicaments, responsable de plus d’un million (1 000 000) de morts par an, dont 120 000 enfants de moins de 5 ans. L’initiative de Lomé marque, ainsi, le point de départ d’une croisade africaine contre ces médicaments falsifiés, un combat pour la santé publique et la sécurité des Etats. L’enjeu est de faire prendre à tous la mesure du problème, afin d’inciter la communauté internationale à apporter une réponse collective à cette crise panafricaine. Plusieurs autres personnalités étaient également à ce rendez-vous capital de Lomé à l’instar du prince Michael du Kent, du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), M. Tedros Ghebreyesus, du président du conseil d’administration du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), M. Omar Hilale, du président de la Fondation de Brazzaville, M. Jean-Yves Ollivier, du juge Jean-Louis Bruguière. Il y avait aussi des ministres en charge de la santé du Ghana, du Niger, du Congo, qui sont parmi les pays signataires de la déclaration, etc.

Pour la première fois, des chefs d’Etat africains mettent la lutte contre les médicaments falsifiés au cœur de leur agenda. Réunis, samedi dans la capitale togolaise, à l’invitation du président Faure Essozimna Gnassingbé, ils ont lancé les bases formelles de cette lutte en signant une Déclaration politique. Cette déclaration est un engagement ferme à l’action solidaire, collective, à une synergie visant à combattre le phénomène des faux médicaments ou de qualité inférieure qui, au-delà d’être un problème de santé publique, devient un combat pour la sécurité des nations. En effet, des études ont établi un lien étroit entre ce trafic et les groupes terroristes comme le Hezbolla, le Hamas, Al Qaeda et Boko Haram. De quoi inquiéter la planète entière sur les menaces réelles et grandissantes de ce trafic des faux médicaments qui constitue un moyen de financement des réseaux mafieux.

En effet, faute de législation spécifique, le trafic de faux médicaments en Afrique est souvent considéré  comme un simple délit de contrefaçon. Si ce phénomène existe dans le monde entier, 42% des faux médicaments sont retrouvés sur le continent africain, où en plus de la faiblesse des systèmes de santé, une offre de soins et un maillage des pharmacies sont insuffisants sur le territoire, ainsi que la pauvreté ont favorisé, plus qu’ailleurs, l’émergence d’un marché parallèle. Et pire, 60% des médicaments en circulation en Afrique  seraient des faux selon l’OMS.

Le Togo est un des pays pionniers en matière de législation rigoureuse contre ce trafic. Dans son code pénal modifié en 2015, la peine encourue par les trafiquants est désormais de 20 ans de prison et de 50 millions de FCFA d’amende.

L’Afrique doit prendre en main son destin

Raison pour laquelle, le président Faure Essozimna Gnassingbé est très déterminé, depuis quelques années, dans la lutte contre ce trafic. A la tribune de ce sommet de Lomé, il  a indiqué que  cette rencontre est importante à plus d’un titre, car c’est la première fois que des Africains s’emparent eux-mêmes du phénomène des faux médicaments et de leur trafic, dont le tribut devient, de plus en plus, lourd à porter pour le continent. En effet, ce trafic international, dirigé par des organisations criminelles, se développe de façon exponentielle. De 75 milliards  de dollars US en 2010, le chiffre d’affaires du trafic des produits médicaux falsifiés est évalué en 2014  à 200 milliards de dollars, selon l’OMS. Les bénéfices tirés de ce trafic sont supérieurs à ceux du trafic de drogue ou des armes, a relevé le chef de l’Etat. A cette comptabilité financière sans précédent, s’ajoute la faiblesse des législations qui ne considèrent pas ce trafic comme un crime.  De l’avis du président Faure, « L’Afrique doit prendre en main son destin et s’engager dans la lutte contre ce trafic mortifère. Ce jour est important, car c’est la première fois que nous, chefs d’Etat, conscients des enjeux de santé publique, mais aussi de sécurité collective que constitue le trafic de faux médicaments, nous engageons personnellement dans cette lutte. Nous avons décidé de mettre en place les structures et les législations nécessaires pour endiguer ce trafic et en criminaliser les différentes formes. Ce jour est important enfin, car notre initiative réveillera la conscience des nations et convaincra la communauté internationale de nous suivre en s’engageant à son tour. Je forme le vœu que les autres Etats du continent, de l’Union Africaine et de l’Organisation des Nations Unies rejoignent cette initiative, car il y a urgence ». L’urgence de prendre à bras le corps ce trafic qui tue, aujourd’hui, 1 million de personnes, particulièrement en Afrique. « Qui d’entre nous peut tolérer que 120 000 enfants de moins de 5 ans perdent la vie, chaque année, à cause des médicaments falsifiés sensés les guérir ? », a interrogé le président Faure Gnassingbé.

Pour lui, le combat enclenché contre les faux médicaments est un combat pour le bien-être de tous, l’accès à des soins de qualité abordables, « un combat du témoin de notre foi de l’avenir, du futur de nos enfants, celui de l’Afrique ». Ceci, à travers une initiative sans précédent, une lutte résolue et efficace contre le trafic des médicaments falsifiés. « Aujourd’hui, nous commencerons par signer une déclaration politique qui sera suivie, dans quelques mois, de la signature d’un accord cadre et d’une feuille de route qui permettra et garantira la réalisation effective de cet engagement », a déclaré le président togolais.

Pour le président Yoweri Museveni de l’Ouganda, qui a apprécié l’initiative de ce sommet, le trafic de médicaments de qualité inférieure et des faux médicaments est un crime et un risque pour l’humanité et chaque pays doit individuellement et collectivement agir pour l’éliminer aussi tôt que possible. Les produits médicaux falsifiés posent un grave problème de santé pouvant constituer un sérieux risque de résistance microbienne.

De son côté, son homologue sénégalais, Macky Sall a remercié et félicité le président togolais pour cette importante rencontre qui vient à son heure sur un sujet d’actualité, de haute portée, une cause noble. « Par ma voix, le Sénégal soutient le projet d’accord-cadre sur la criminalisation du trafic des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. J’espère que son adoption et sa mise en œuvre contribueront  à améliorer notre option commune  de lutte contre la fabrication et la distribution de faux médicaments dangereux pour la santé de nos populations et pour les économies», a-t-il fait savoir.

L’OMS et l’UNICEF, deux institutions onusiennes, soutiennent fortement cette initiative historique contre le trafic des faux médicaments en Afrique, dont le potentiel de déstabilisation est très grand. Leurs représentants Dr Tedros Ghebreyesus et Omar Hilale ont salué le leadership et la vision courageuse du président Faure Gnassingbé, vision  à l’origine de cette initiative qui marque un tournant dans la croisade pour la santé en Afrique.

Encouragement  à travailler sur un  projet d’Accord Cadre

Le sommet a été conclu par la signature d’une déclaration politique par les chefs d’Etat présents et les représentants du Congo, du Niger, du Ghana et de la Gambie. Cette  Déclaration, dite initiative de Lomé, s’inscrit dans la continuité des efforts consentis ces dernières années par la communauté internationale et la Fondation  Brazzaville. Ceci, à travers l’engagement pris par la Convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon de produits médicaux et de crimes similaires impliquant des menaces pour la santé publique (MEDICRIME Convention, Moscou, 2011) et la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dite convention de Palerme, ainsi que  tous les engagements et déclarations de de l’Union Africaine, et de l’Organisation Mondiale de la Santé, et d’autres organisations internationales et régionales contre le trafic des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. A travers cette déclaration,  les pays signataires encouragent leur gouvernement à travailler sur le projet d’Accord Cadre sur la criminalisation du trafic de produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. Ils s’engagent à signer l’Accord Cadre et son annexe, la feuille de route, dans sa rédaction définitive, qui les engage à introduire, dans les juridictions respectives, des lois et sanctions pénales pour criminaliser le trafic de produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés, à coopérer pour assurer le respect de ces lois et leur application rigoureuse et à mettre en place les mécanismes nécessaires pour garantir la mise en œuvre de cette initiative. Les signataires Invitent les autres pays africains à rejoindre cette initiative et appellent à l’intensification des efforts déployés aux niveaux national, régional et international pour lutter contre ce fléau. Ils encouragent, par ailleurs, la Fondation Brazzaville à continuer l’ensemble de ses efforts dans la lutte contre ce trafic, et  entre autres, à jouer un rôle de soutien et de suivi dans cette initiative.

Déjà vendredi un dîner avait réuni les participants à l’hôtel 2 Février, sous la présidence du Premier ministre Komi Selom Klassou.

Bernardin ADJOSSE

Blandine TAGBA-ABAKI

 

 

 

 

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