Tradition

Le port des noms bibliques est-il obligatoire lors du baptême chrétien ?

Mgr Nicodème Barrigah, Archevêque de Lomé.
Le port des noms bibliques est-il obligatoire lors du baptême chrétien ?

Jean, Claude, Françoise, Elisabeth… tant de noms des saints que la religion chrétienne affecte à ses fidèles en les baptisant. Des noms qui n’ont aucune résonnance liée aux traditions africaines, suscitant des débats toujours d’actualité.  En effet, nombreux sont ceux qui voudraient comprendre si l’Eglise autorise les noms des traditions africaines et pourquoi elle donne les noms bibliques et des saints à ses membres. Souvent étranges à la culture africaine, certains trouvent, à travers ces noms, un maillon de l’acculturation. Dans un récent bulletin d’information et de formation de l’Archidiocèse de Lomé, l’archevêque, Mgr Nicodème Bénissan-Barrigah, a enrichi les débats sur la question. Ce, à travers le rappel succinct du contenu de document « Instruction sur l’identité du chrétien », publié en 1974 par l’Eglise catholique, au moment où la politique de « retour à l’authenticité africaine » était de mise au Togo. L’objectif étant de « dissiper les malentendus », pour « empêcher que des barrières injustifiées séparent les enfants d’une même patrie ».

Sommes-nous obligés de prendre des noms de saints ou de les donner à nos enfants à l’occasion des baptêmes ? Ce débat sur les noms chrétiens et ceux des traditions africaines ne date pas d’aujourd’hui. On se rappelle encore qu’en 1974, le président de la République d’alors, dans sa politique de « retour à l’authenticité africaine », avait interdit le port de prénoms chrétiens. Décision pas forcément comprise que certains virent comme une forme de « persécution contre l’Eglise ». Sous la pression des événements, les membres de la Conférence des Evêques du Togo se réunirent en session, le 20 septembre de la même année, sur la question. A l’issue de la rencontre, un document de quelques pages fut publié sous le titre d’« Instruction sur l’identité du chrétien ». Ce texte est malheureusement méconnu d’une bonne partie des fidèles, alors qu’il répond merveilleusement aux diverses questions que l’on se pose à ce sujet. Dans le bulletin de ce mois de janvier de l’Archidiocèse de Lomé, Mgr Nicodème Bénissan-Barrigah rappelle quelques points saillants.

Les noms de baptême ne sont pas imposés par l’Eglise

L’usage des noms de traditions africaines est permis dans l’Eglise

Selon l’archevêque de Lomé, la Conférence des Evêques d’alors avait bel et bien confirmé que l’usage des noms de traditions africaines est permis dans l’Eglise et ont écrit à ce propos : « C’est un fait incontestable que la colonisation subie par nos pays africains avait jeté un certain discrédit sur nos valeurs traditionnelles considérées comme non-valeurs. Ainsi, du temps de la colonisation, ne paraissaient “civilisés ” que ceux qui semblaient les plus éloignés des coutumes africaines et avaient adopté les mœurs du colonisateur, bref ceux qui étaient le moins eux-mêmes. Nos pays étant devenus indépendants, il est normal que nous aspirions à redevenir nous-même. Cette profonde aspiration est légitime et rencontre les encouragements de l’Eglise, pourvu qu’elle ne se traduise pas par le mépris des autres. Il faut reconnaître que la recherche de l’authenticité, la volonté d’un peuple à être lui-même, à refuser d’être uniquement un être ou un personnage d’emprunt est quelque chose de sain. A ce niveau, nous rejoignons en profondeur les préoccupations et l’effort de l’Afrique pour se remettre debout dans sa véritable identité ».

Rechercher « nous-même » sans renier tout ce qui est étranger

Toutefois, les évêques ont précisé que dans cette recherche de « nous-même » qui est bonne, il peut se glisser un danger : celui de croire que tout ce qui est étranger est mauvais et que tout ce qui est du pays est bon. Selon eux, il nous faudrait un certain sens critique, surtout à un moment où la solidarité humaine se fait de plus en plus étroite, pour discerner, tant dans ce qui vient de l’étranger que dans ce qui nous a été légué par nos aïeux, les vraies valeurs à sauvegarder et à promouvoir.

Les prélats ont fait observer que « les Saints sont de toute langue et de tout pays. L’Eglise les honore comme tels et les propose à l’imitation de ses fidèles, non pas parce qu’ils sont de telle ou de telle nationalité, mais parce qu’ils ont laissé un exemple de vie chrétienne à suivre. Parmi eux, il y a des Asiatiques, des Européens, des Américains, des Africains comme Saint Cyprien, Saint Augustin et tant d’autres de l’Afrique du Nord ainsi que de l’Ethiopie chrétienne. De même, “les martyrs de l’Ouganda” sont d’authentiques Africains que l’Eglise honore et propose à l’imitation, non seulement des Africains, mais des chrétiens du monde entier. Un Américain, un Européen peut donc avoir pour patron Saint Kisito, Saint Lwanga et porter son nom. Mais le nom chrétien n’empêche pas celui qui le porte d’être de son pays, ni d’être un bon citoyen, ni même un bon militant ».

Des noms riches de sens dans nos langues qui expriment un idéal

Mgr Barrigah rappelle également dans sa réflexion que l’Eglise n’impose pas de nom aux personnes contre leur gré ou contre celui de leurs parents. Il estime qu’en les recommandant, l’Eglise entend proposer un modèle de vie et des intercesseurs. « Le port du nom chrétien n’est essentiel ni à la validité du baptême, ni à la foi. On est donc libre de porter au baptême le nom de son choix, à condition qu’il exprime un idéal chrétien, ou tout au moins qu’il ne soit pas injurieux à Dieu. Du reste, dans le pays, dans nos langues, nous avons, parfois sinon toujours, des noms très beaux, riches de sens, des théophores, des noms qui expriment un idéal », a relevé le prélat, invitant à ne pas suivre simplement la mode, en donnant aux enfants des noms vides de sens ou contraires à la foi.

A titre d’exemple, il cite Dieudonné (Théodore, Dorothée, Adéodat) qu’on peut traduire par Mawuena en Ewé, Essoham en Kabyè, Essofa en Kotokoli, Yendupab en Moba, Irène ou Irénée qui se traduit par Fafa, Ahuefa, Fafadji, Akofa et Patience qui signifie Mintr en Moba, Dzigbodi en Ewé, Adodo en Guin et Dirakewre en Nawden.

« En fait, l’essentiel dans le baptême, ce n’est pas le nom, c’est la vie nouvelle que l’on reçoit, l’engagement que l’on prend de vivre selon l’Evangile du Christ. Les prêtres administreront le sacrement de baptême sous le nom choisi par les intéressés ou par leurs parents, dans le cadre des libertés et des possibilités rappelées ci-dessus. Puissent ces consignes que nous vous traçons ici avec autant de simplicité que de lucide fermeté, contribuer à dissiper les malentendus, à empêcher que des barrières injustifiées séparent les enfants d’une même patrie, à promouvoir le respect mutuel, à unir tout le monde dans la recherche des valeurs spirituelles, morales, sociales et culturelles qui constituent, suivant la loi de Dieu, les fondements solides de toute société humaine digne de ce nom », a souligné l’archevêque de Lomé.

Faustin LAGBAI

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