Demain les Togolais vont observer sur l’ensemble du territoire, la 44e édition de la journée de l’arbre célébrée chaque 1er juin depuis 1977. Cette année, le gouvernement, engagé à reconquérir le tissu végétal perdu et à faire du Togo un pays vert, a apporté des innovations à la journée. Dans un entretien sur les médias de la place, le ministre Katari Foli-Bazi de l’Environnement et des Ressources forestières, rappelle les objectifs de cette journée. Il apporte des éclaircissements sur les innovations majeures apportées. A ses dires, cette année, la campagne sera organisée en deux étapes complémentaires et mobilisera 10 000 000 plants. La première étape est le lancement officiel, le 01er juin avec la mise en terre de 300 000 plants et la deuxième sera la poursuite des opérations, du 02 juin jusqu’à la fin de la saison des pluies, soit en septembre. Le ministre explique le bienfondé de la décision d’interdire l’exportation des produits forestiers, tout en abordant d’autres questions touchant les enjeux de cette manifestation.
Question : Après 44 années de célébration de la journée nationale de l’arbre au Togo, Que peut-on retenir et en quoi l’édition 2021 diffère-t-elle des précédentes ?
Réponse : Le Gouvernement a institué la journée de l’arbre depuis le 1er juin 1977, en vue d’améliorer sa couverture forestière. Après des débuts qui ont abouti à des résultats probants, cela s’est vite réduit à des actions symboliques de lancement par les officiels, sans suite adéquate. Dans le même temps, la tendance à la déforestation et à la dégradation des forêts s’est poursuivie en s’accélérant. Ces dernières années, il est constaté un engouement du Togolais autour de l’opération de reboisement. Mais, l’on note que beaucoup d’efforts restent encore à faire pour mobiliser plus d’acteurs, susciter leur adhésion à la politique de reboisement à tous les niveaux en vue d’atteindre les résultats escomptés.
C’est pourquoi, le Gouvernement a voulu changé de paradigme en matière d’organisation de la campagne nationale de reboisement à partir de 2021. La journée de l’arbre c’est tous les jours. On plante ; on entretient et on fait grandir. Une innovation majeure apportée pour cette campagne 2021 est que, ce n’est plus une seule journée qui sera dédiée à l’arbre. La campagne sera organisée en deux étapes complémentaires et mobilisera 10 000 000 plants.
La première étape est le lancement officiel, le 01er juin avec la mise en terre de 300 000 plants et la deuxième consistera en la poursuite des opérations du 02 juin à la fin de la saison des pluies, soit jusqu’en septembre. Pour le lancement officiel du 1er juin, les 300 000 plants seront mis à disposition et concerneront tous ceux qui voudront participer : officiels mais aussi tous les Togolais dans nos communes et villages (organisations de la société civile, groupements de femmes, de jeunes et autres). La poursuite des opérations à partir du 2 juin concernera toute la population et le reste des plants sera progressivement mis à disposition par le pouvoir public et prioritairement le secteur privé.
Question : Dans le cadre du renforcement du reboisement, le gouvernement a lancé, il y a quelques semaines, l’ambitieux programme de planter plus d’un milliard d’arbres en 10 ans. Qu’est ce qui explique cette ambition et comment va être la réalisation pratique en 10 ans ?
Réponse : Selon les résultats du premier Inventaire Forestier National (IFN1) réalisé en 2015, le Togo a un taux de couverture forestière estimée à 24,24%. Sur la base des données de cet inventaire, le taux de dégradation annuel des forêts évalué est de 0,42%, soit une régression de surface forestière d’environ 5 679 ha/an contre un taux moyen annuel de reboisement de 0,14 %, soit 2000 hectares par an. Ce qui suppose qu’on enregistre une perte annuelle de 3679 ha par an pour 5 518 500. Face à cette situation, si aucune mesure n’est prise d’ici 10 ans, une grande partie de nos forêts risquent de disparaitre. Il urge alors de mener des actions concrètes pour, non seulement, préserver les ressources forestières existantes, mais également pour étendre la couverture forestière pour le bien-être des communautés. C’est pourquoi le gouvernement, par le biais du ministère de l’environnement et des ressources forestières, s’est fixé pour objectif d’étendre la couverture forestière à 25% de la superficie du pays à l’horizon 2025. L’ambition du gouvernement de planter un milliards d’arbres à l’horizon 2030, est un stimulus au reboisement en vue d’atteindre la cible de 25% de couverture forestière.
De façon pratique, il sera entrepris un effort de reboisement annuel de 100 millions pour une superficie de 67 000 ha. Mais, plusieurs défis restent à relever, à savoir la mobilisation de la conscience collective, des plants, du foncier et des ressources financières, la gestion du pastoralisme, de la transhumance et des feux de végétation, facteurs de destruction des forêts. Concernant le foncier, une étude réalisée en 2014 indique qu’il existe au Togo une disponibilité de 3600000 ha de terres agricoles (collectivités et privés) dont seulement 45 % seulement sont utilisées. Etant donné que la terre, dans notre régime foncier, n’appartient pas à l’Etat, Une action de sensibilisation et de négociation avec les propriétaires terriens s’avère nécessaire pour les amener à adhérer à la politique de reboisement et à mettre en valeur leurs terres à cette fin. En outre, la même évaluation réalisée au niveau des forêts classées donne une superficie à restaurer de 55.200 ha.
Question : Quelles sont les essences qui seront fortement recommandées dans cette politique de reboisement et de production des plants et qui seront les acteurs concernés ?
Réponse : Une diversité d’essences sera utilisée : les essences forestières, les plantes fertilisantes et les fruitiers. Tout dépendra de l’objectif de chaque initiateur d’un projet de reboisement. Certaines personnes ou organisations chercheront à créer des plantations à des fins commerciales, de production de bois-énergie, pour l’ombrage ou pour contribuer à l’extension du couvert végétal et à la lutte contre le changement climatique et la désertification. Chaque promoteur de projet désireux d’avoir des informations sur les essences adaptées à son site de reboisement et à ses objectifs peut s’adresser aux services déconcentrés du ministère de l’environnement et des ressources forestières pour les conseils et appuis techniques.
Le changement de paradigme doit être observé au niveau de tous les maillons de la chaîne de l’activité de reboisement, de la production des plants à la surveillance des plantations, en passant par les travaux d’aménagement des sites et d’entretien. Pour la production des plants, il sera indispensable d’encourager la mise en place des pépinières communales, cantonales voire individuelles, de disposer des plants proches des sites de reboisement. Le ministère a déjà appuyé la structuration des pépiniéristes à des coopératives préfectorales. La collaboration des deux parties devra être renforcée pour une production des plants en fonction des besoins et des conditions écologiques et projet de reboisement de chaque localité.
Toute la population togolaise est concernée par le reboisement, eu égard à l’importance de l’arbre dans la vie et à l’obligation de contribuer à l’atteinte de l’ambition de plantation d’un milliard des plants à l’horizon 2030. Les catégories d’acteurs directement concernés sont les élus locaux, les planteurs privés, les pépiniéristes, les promoteurs de projets de développement, les opérateurs économiques, les partenaires techniques et financiers, les organisations de la société civile, les organisations de femmes et de jeunes, etc.
Question : Le gouvernement a annoncé, il y a quelques semaines, l’interdiction de l’exportation des produits forestiers, de sciage sous forme brute et semi-brute. Qu’est ce qui explique une telle décision ?
Réponse : Au moment où le gouvernement prend des initiatives destinées à maintenir et à accroitre le couvert forestier, les statistiques annuelles d’exportation de produits brutes de sciage sont en augmentation considérable. Cette situation est incompatible avec l’objectif d’augmentation du taux de couverture forestière du pays. A titre d’exemple, au cours des 3 dernières années, il a été exporté du Togo respectivement 1641 containers correspondant à 161.804 produits en 2018, 1633 containers correspondant à 429.543 produits en 2019 et 2156 containers correspondant à 819.801 en 2020. C’est énorme et surtout en contradiction avec l’ambition de reboisement intensif affichée par le gouvernement. Si cette tendance à l’exportation des produits forestiers bruts, sans transformation significative, se poursuivait, cela causerait un préjudice aussi bien à la politique de reboisement qu’à l’économie forestière de notre pays. Les exportations de bois augmentent la pression sur la ressource, dans la mesure où, à part la satisfaction des besoins nationaux en bois, elle est utilisée pour satisfaire les demandes extérieures. En interdisant ces exportations, le gouvernement entend réduire cette pression et faciliter la reconstitution de la ressource. Cette mesure vise également à promouvoir l’industrie de la transformation du bois au Togo, ce qui permettra d’accroitre la contribution du secteur forestier au PIB.
Question : Quelle sera la stratégie pour un respect scrupuleux de cette mesure et pour quelle durée ?
Réponse : Les sanctions, en cas d’exportation de produits forestiers ligneux non autorisés, sont prévues par la législation nationale en matière de protection de l’environnement et des ressources forestières. Il s’agit notamment de l’article 117 de la loi N°2008-009 du 19 juin 2008 portant code forestier, qui prévoit une peine d’emprisonnement de 3 mois à 1 an et des amendes. L’article 154 de la loi cadre sur l’environnement a également prévu des peines d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans et des amendes allant jusqu’à 5 millions. Ces sanctions sont entérinées par la loi N°2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénale.
L’interdiction d’exportation des produits forestiers de sciage sous forme brute et semi brute est publiée par décret qui sera en vigueur jusqu’au jour où un autre texte vient l’abroger.
Propos recueillis par Clémentine PANASSA
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