L’année 2018, année électorale au Togo, n’a pas permis aux Togolais de s’entendre sur l’essentiel visant les réformes constitutionnelles et institutionnelles tant souhaitées. Des tensions sociopolitiques, liées à ces réformes, ont nécessité l’intervention de l’opinion internationale et sous régionale comme la CEDEAO ou le Groupe des 5. Si la feuille de route, définie par la CEDEAO pour la sortie de crise, a permis la tenue du scrutin législatif, le 20 décembre dernier, la question reste toujours pendante concernant ces réformes. Politiquement, le boycott des législatives par la C14 donne dorénavant une nouvelle structure à l’Assemblée nationale qu’on espère, pourra régler définitivement cette épineuse question de réformes. Au-delà de cette crise, qui a porté un coup aux activités économiques et aux efforts du gouvernement dans la réduction de la pauvreté, le Togo a repris sa place de carrefour de grands événements, en gagnant le pari de l’organisation des sommets ACP, ACP-UE, CEDEAO/CEEAC,UEMOA,CEDEAO.
Le Togo, en 2018, a fait des progrès en matière de développement et d’inspiration de la confiance des investisseurs. La croissance économique est estimée à 4,8%, soit une hausse de 0,4% par rapport à 2017. Le climat des affaires a connu une embellie, à en croire le classement de la Banque Mondiale sur l’environnement des affaires dans le pays. En effet, d’après le rapport annuel de référence sur l’environnement des affaires Doing Business, le Togo est passé de la 156e à la 137e place, faisant ainsi un bond de 18 places, la plus grande progression enregistrée, cette année, en Afrique. Les facteurs qui ont joué à l’avantage du Togo et hissé le pays dans le Top 10 des économies ayant le plus amélioré leur cadre réglementaire dans le monde sont, entre autres, les conditions de la création d’entreprise, l’obtention du permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de propriété et le paiement des taxes et impôts. Ce classement doing business ou indice de facilité de faire des affaires est une référence essentielle pour les investisseurs, les bailleurs de fonds, les institutions internationales et les agences de notation dans la prise de décision.
Dans le même sens, le Togo a adopté, le 3 août 2018, son Plan National de Développement (PND 2018-2022), un nouveau mécanisme de développement qui prend la relève de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE). Ceci, pour accélérer la marche du pays vers l’émergence.
Le PND pour hisser le pays parmi les pays émergents d’ici 2022
Cette nouvelle vision du président de la République va se traduire par la mise en place d’un hub logistique d’excellence et d’un centre d’affaires de premier ordre dans la sous région, la promotion des pôles de croissance et de développement des filières porteuses et le renforcement des fondamentaux sociaux. Ce Plan ambitieux marque surtout l’engagement du Togo à intégrer, de manière globale et coordonnée, dans sa stratégie de développement, les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), la vision 2020 de la CEDEAO et l’agenda 2063 de l’Union Africaine. La cellule climat des affaires, le Programme National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNIASAN) et le Mécanisme Incitatif de Financement Agricole (MIFA) sont la force motrice de cette croissance économique. Les ressources nécessaires sur la période sont estimées à 4622,2 milliards de FCFA, soit 35% d’investissement public et 65% d’investissement privé. La mise en œuvre des actions contenues dans ce Plan quinquennal devrait porter la croissance économique à 6,6% en moyenne par an. En 2022, l’activité économique devrait progresser de 7,6%. Déjà Afreximbank, la banque panafricaine d’import/export a réaffirmé, courant mois de décembre, son ambition d’accompagner le Togo dans la mise en œuvre du PND, qu’elle financera jusqu’à hauteur de 200 millions de dollars, soit environ 131 milliards de F CFA. En sus de son accompagnement financier, la banque panafricaine veut être un partenaire technique pour la conception, la construction, l’aménagement et l’exploitation des zones industrielles, dont le Togo envisage de se doter.
Dans le même registre, le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, a lancé, le 25 juin 2018, le MIFA pour révolutionner le monde agricole. Ce Mécanisme, soutenu par la Banque Africaine de Développement (BAD) et le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), va s’atteler à élaborer des politiques adaptées au secteur agricole. Il vise l’application des outils de gestion des risques, afin d’attirer des compétences et acteurs clés par le biais de mécanismes efficaces, tout en cherchant à consolider des maillons de différentes chaînes de valeur pour le développement de l’agriculture togolaise. Cet outil entend aussi favoriser l’accès des acteurs du secteur aux crédits bancaires et aux financements de tous ordres. Il permettra d’accompagner 1 million d’agriculteurs d’ici 2022, puis réduire les taux d’intérêt des crédits octroyés de 15% à entre 10,5% et 7,5%.
Un bilan encourageant pour l’agriculture togolaise
Cinq mois après le lancement de sa phase pilote, le MIFA se révèle efficace, au vu des résultats enregistrés sur le terrain. L’expérience faite dans les zones d’aménagement agricoles planifiées d’Agou, Agomèglozou, Blitta, Kovié, Notsè et de Sadori a connu un franc succès, apprend-on du bilan dressé début décembre 2018. En effet, Le Mécanisme a permis l’enregistrement et l’accompagnement de 3500 agriculteurs, la pré-livraison d’intrants agricoles à hauteur de 75 millions de FCFA et la structuration de la chaine de valeur agricole. Déjà, plus de 105 millions de FCFA ont été alloués aux exploitants agricoles au taux de 8%, tandis que 1,2 milliards de FCFA approuvés est en cours de décaissement. Autres acquis de taille, la signature d’une dizaine de conventions de partenariat, la négociation de contrats d’achat avec des agrégateurs pour l’acquisition de plus de 10.000 tonnes de riz, 3500 tonnes de maïs et 10000 tonnes de manioc et l’accompagnement de 122 coopératives d’exploitants agricoles qui bénéficieront d’environ 2 milliards de FCFA de crédit auprès des partenaires financiers. Ces résultats démontrent, d’ores et déjà, l’adhésion des partenaires au développement et des exploitants agricoles à la nouvelle politique de développement de l’agrobusiness.
Des avancées dans les secteurs de la santé et de l’éducation
Au plan social, on enregistre également beaucoup d’avancées dans la gestion des hôpitaux publics. Ainsi, au vu du succès remporté dans la phase pilote de la contractualisation du CHR d’Atakpamé et du CHP de Blitta en 2017, le ministère de la Santé a poursuivi avec le CHU Sylvanus Olympio, en avril 2018, dont les premiers résultats sont également jugés satisfaisants. Trois hôpitaux du septentrion, à savoir le CHR de Dapaong, le CHU de Kara et le CHR de Sokodé, ont aussi fait leur entrée, en juin 2018, dans cette approche contractuelle basée sur le principe de délégation de la gestion des structures hospitalières publiques à une entité privée. Le contrat a été confié donc à l’Organisation Internationale pour la Gestion Hospitalière (OIGH). Les centres hospitaliers demeurent publics. La contractualisation devrait permettre d’optimiser la mobilisation et la gestion des ressources disponibles et de répondre au problème d’insatisfaction des patients.
Par ailleurs, après la crise, sur fond de grèves incessantes, qui a secoué et fait retourner le secteur de l’éducation, le gouvernement et les syndicats des enseignants ont, finalement, trouvé un terrain d’entente pour mettre un terme à cette crise. Ceci, en signant un Protocole d’accord relatif au secteur de l’éducation nationale, le 19 avril 2018. La signature de cet accord suppose la revalorisation des conditions de vie et de travail des acteurs du secteur. Suite à ce protocole, l’espoir est permis de croire que la crise dans l’enseignement est résolue pour longtemps, puisque l’année scolaire 2017-2018 s’est achevée sans incident, de même que, le premier trimestre 2018-2019.
La réconciliation et la politique d’inclusion sociale en marche
Pour consolider et parachever l’œuvre de réconciliation au Togo, le Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) a poursuivi la prise en charge psycho médicale et l’indemnisation des victimes vulnérables des violences sociopolitiques au Togo de 1958 à 2005. Débutée en janvier 2018, cette opération a pris fin en décembre dernier. Au total 2510 victimes ont été couvertes contre 2475 initialement recensées, soit un taux de réalisation de 100,41%. Le taux de satisfaction est estimé à plus de 95%. Comme quoi, les Togolais adhèrent massivement au processus et sont prêts à tourner les pages sombres du passé pour reconstruire leur pays.
Dans la même perspective, l’inclusion sociale et le bien-être des jeunes ont été au cœur des préoccupations du gouvernement togolais. En témoignent les résultats des actions entreprises dans le cadre des deux politiques majeures adoptées à l’endroit de la jeunesse à savoir : la Politique nationale de la jeunesse assortie d’un Plan d’action opérationnel et le Plan stratégique national pour l’emploi des jeunes. Un autre volet de cette politique d’inclusion sociale s’est traduit par l’engouement de plus en plus croissant des jeunes et femmes aux différents produits FNFI (APSEF, AJSEF, AGRISEF) et le lancement du projet d’électrification de 300 localités, le 28 novembre 2018, à Zootsi dans la préfecture de Zio, en vue de réaliser l’électricité pour tous au Togo.
En vue de donner un coup de pouce à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, le chef de l’Etat a initié, cette année, une politique de quota de 20% des marchés publics réservés à cette frange d’entrepreneurs. Cette mesure a commencé par se concrétiser durant l’année 2018, avec la mise en place d’une Task Force, d’un guichet Unique avec l’enregistrement des acteurs cibles et leur formation. Les résultats des différents programmes mis en place sont encourageants, mais ils restent cependant, bien insuffisants face à l’ampleur des défis, selon l’OCDE.
Une crise sociopolitique sensée se régler par une feuille de route de la CEDEAO
Du reste, malgré les progrès en matière de développement à la base et de la lutte contre la pauvreté, la majorité de la population n’en a pas encore tiré les dividendes. Le taux de pauvreté reste à ce jour élevé à 53,5%, les taux de chômage et de sous emploi ne sont guère reluisants 3,4% et 24,9% en 2015. Ce qui explique, en partie, l’exacerbation de la crise sociopolitique née, depuis 2017, et qui s’est poursuivie durant l’année 2018 avec des manifestations de rue, parfois violentes. Cette crise, portée par 14 partis politiques de l’opposition regroupés au sein d’une coalition, réclament, depuis lors, le départ du chef de l’Etat, le retour de la Constitution de 1992, les réformes institutionnelles et constitutionnelles, l’élection présidentielle à deux tours et le vote de la diaspora.
Les entreprises togolaises subissent de plein fouet les effets de cette crise sociopolitique, avec la baisse drastique de leurs chiffres d’affaires.
Face à cette crise qui se caractérise par un langage de sourds, le gouvernement fait appel à la CEDEAO pour jouer le rôle de médiateur. La Communauté sous régionale entre donc dans la danse, pour coordonner les négociations qui aboutissent à une feuille de route, le 31 juillet 2018. Dans cette feuille de route, la CEDEAO demande, essentiellement, la tenue des élections législatives pour le 20 décembre. Dans la foulée, elle a commis des experts sous régionaux pour proposer les réformes constitutionnelles et auditer le fichier électoral, entre autres. La pierre d’achoppement refait surface à propos des sièges à la CENI. La CEDEAO, pour régler le problème, propose un nombre équitable de sièges pour la majorité que pour l’opposition. Mais cette dernière ne siégera jamais à la CENI pour l’organisation des élections législatives. L’opposition coupe définitivement les ponts lorsque les réformes constitutionnelles proposées par l’expert de la CEDEAO ne sont pas adoptées en l’état à l’Assemblée nationale.
Des élections saluées pour leur transparence
Dans le calme et sous sécurisation de la Force Sécurité Elections (FOSE 2018), les élections législatives se tiennent le 20 décembre, conformément à la feuille de route de la CEDEAO. Elections suivies de près par les chefs d’Etat de la Communauté régionale et les ambassadeurs du groupe des 5 constitué de l’UE, la France, l’Allemagne, les USA et le PNUD. Ces élections ont mis en lice 850 candidats provenant de 12 partis, regroupements de partis, ainsi que des indépendants. Le taux de participation est de près de 60%, malgré le boycott de la C14 qui a, à coups de menaces et d’intimidations, demandé à la population de rester chez elle. Selon les résultats définitifs de la Cour constitutionnelle, le 31 décembre, UNIR remporte, finalement, 59 sièges sur les 91 que compte l’Assemblée nationale. L’UFC vient en deuxième position avec 7 sièges. Le reste des sièges est détenu par le NET, le MPDD, le PDP, le MRC et des indépendants. L’ensemble du processus électoral a été salué pour sa rigueur et sa transparence par la CEDEAO et les différents groupes d’observateurs. Ainsi, la C14 n’aura donc plus aucune représentation à l’Assemblée nationale. L’espoir est donc permis qu’avec la nouvelle assemblée un consensus sera dégagé pour opérer les réformes par voie parlementaire et permettre au Togo de sortir de sa crise politique qui n’a que trop duré, en faisant des victimes innocentes.
Lomé, carrefour des grands événements
L’année 2018 a été également très riche pour le Togo sur le plan diplomatique. Le pays a reconquis sa place de carrefour de grands événements, en organisant, au mois de juillet, trois sommets de grande importance. C’est la 20e session ordinaire des chefs d’Etat de l’UEMOA tenue, le 30 juillet, qui a ouvert le bal de ces rencontres de haut niveau. Ces assises ont été consacrées notamment au rapport sur l’état de l’Union, à la note sur l’état de convergence dans les Etats membres, ainsi qu’à l’état de mise en œuvre des chantiers de haut niveau comme l’Initiative régionale pour l’énergie durable (IRED), la paix et la sécurité, puis de la sécurité alimentaire dans l’espace UEMOA.
Ce même 30 juillet, s’est tenu le premier sommet conjoint des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Afrique Occidentale et de l’Afrique Centrale. La rencontre a été l’occasion pour prendre des résolutions visant à lutter efficacement contre les fléaux du terrorisme et de l’insécurité qui sévissent dans les deux régions. Ces rencontres seront clôturées le 31 juillet avec le 53e sommet ordinaire de la CEDEAO. Un cadre pour faire le point sur le mandat du président Faure Gnassingbé qui a passé le témoin au président du Nigéria, Muhammadu Buhari à la tête de l’institution. Ce sommet a eu aussi le mérite de statuer sur la crise togolaise, en définissant une feuille de route axée sur trois points essentiels : les réformes constitutionnelles, la tenue des élections législatives, le 20 décembre 2018, et les mesures d’apaisement.
Un peu plus tôt, du 27 mai au 1er juin 2018, se sont tenues la session du Conseil des ministres des pays ACP et celle du Conseil conjoint ACP/UE. Des assises qui se sont inscrites dans le cadre des préparatifs des négociations pour un nouvel accord de partenariat entre les deux blocs après 2020. A cette occasion, le Togo a été désigné chef de ces négociations pour le compte des pays ACP.
En somme, ces rencontres de portée internationale sont la preuve éloquente, qu’au-delà des divergences politiques, le Togo jouit d’une stabilité et d’un rayonnement aux yeux du monde. Reste que chacun apporte du sien à la pérennisation de ce rayonnement.
Blandine TAGBA-ABAKI
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