Les historiens et témoins de la marche du Togo vers sa souveraineté internationale sont unanimes à reconnaître que le processus ayant conduit le pays à sortir du joug colonial n’a du tout pas été un fleuve tranquille. Depuis l’assaut colonial, symbolisé par la signature du traité de protectorat de Togoville entre l’explorateur allemand Nachtigal et le chef Mlapa III en 1884, à la proclamation de l’indépendance le 27 avril 1960. De la pacification des différents peuples, aux efforts de guerres. Des partitions successives du pays, aux changements de maîtres et aux luttes de libération nationale, les Togolais ont payé un lourd tribut. Au moment de fêter, demain, le 63e anniversaire de notre indépendance, il revient à nous tous Togolais de rendre un hommage mérité à ces héros, connus ou anonymes qui se sont donnés sans compter, pour cette libération nationale. A cet effet, brossons à grands traits, les tournants de la vie héroïque de tout un peuple qui s’est mobilisé pour arracher, au prix de milles sacrifices, sa liberté, sa dignité et sa responsabilité.
La nation togolaise toute entière célèbre, demain, le 63e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale, rendant ainsi un hommage mérité aux héros, aux illustres martyrs et aux patriotes de la première heure qui se sont investis, sans compter, dans la lutte âpre, pour arracher cette indépendance, le 27 avril 1960. Leaders des partis politiques, responsables d’associations, syndicaux et de presse, chefs traditionnels et religieux et autres ont perdu leur vie dans ce noble combat. Le peuple tout entier va alors démontrer, demain, son adhésion à la commémoration de cette fête qui fonde véritablement la nation togolaise, tout en se rappelant le parcours héroïque de ces vaillants combattants de première heure.
L’histoire commune des peuples qui composent, aujourd’hui, le Togo remonte véritablement en 1898, avec la pacification du territoire conquis par l’Allemagne. En effet, ce n’est qu’après les phases d’exploration, des conquêtes et traités que se renforça et se poursuivit l’organisation politique et administrative de l’ensemble du territoire ainsi conquis et dénommé Togoland. En fait, la date repère est 1884, année que l’explorateur Gustav Nachtigal a signé le traité de protectorat avec le chef Mlapa III de Togoville. Mais, ce traité ne concernait que quelques localités de la côte et non l’ensemble du futur territoire, dont les limites étaient méconnues, puisqu’il fallait guerroyer, lutter contre les autres puissances (française à l’Est et anglaise à l’Ouest), de même que contre les différents peuples rencontrés pour qu’enfin, en 1898, la physionomie du territoire puisse se dessiner. Dès lors, la puissance coloniale allemande s’attacha à la mise en valeur du territoire qui s’étendait sur environ 85000 km2 avec plus d’un million d’habitants.
Une « colonie modèle » à prix de sueur et de sang
Cette mise en valeur a consisté à la construction des infrastructures de transport, notamment le warf, le chemin de fer et quelques routes pour pouvoir drainer les produits de l’intérieur vers la côte, en vue de leur convoiement vers la métropole. Sur le plan social, les Allemands ont mis l’accent sur l’éducation, afin d’apporter un soutien aux expatriés sur place. La colonisation allemande aura été marquée par la discipline et l’ordre dans le travail qui amenèrent des résultats favorables. Le développement rapide de l’économie a conduit au miracle économique togolais avec le mythe de la « colonie modèle », un qualificatif que les Togolais ont acquis à prix de sueur et de sang.
La première guerre mondiale (1914-1918) a mis fin à l’expérience économique des Allemands contraints par la défaite militaire de quitter le Togo, en cédant la place aux Français et aux Anglais, dont le premier acte politique fut le partage du territoire en deux. A la fin de la guerre, le Togo français fut placé sous mandat de la Société des Nations (SDN) qui confia l’administration à la France. A cause de la crise économique de 1929 et de la 2e guerre mondiale, la croissance économique du Togo français fut lente. Toutefois, des efforts sont faits dans les domaines de la santé et de l’éducation. Il fallut attendre la fin de la 2e guerre mondiale, lorsque le Togo passa sous tutelle de l’ONU, pour voir naître un véritable programme de développement économique et social, sous l’action du Fonds d’investissement et de développement économique et social (FIDES).
La marche vers l’indépendance
La participation des peuples africains à la 2e guerre mondiale aux côtés des alliés, la découverte des horreurs, mais aussi des efforts des peuples européens pour recouvrer leur liberté, remise en cause par l’ordre nazi, ont réveillé des peuples sous domination qui vont, eux aussi, aspirer à la même liberté. Ce qui va ouvrir la voie à des luttes de libération qui, dans le cas du Togo, se traduiront par des conflits parfois violents. Les révoltes consécutives à la contribution obligatoire à l’effort de guerre, aux travaux forcés, au rationnement alimentaire, aux paiements fiscaux en nature et en espèce seront suivies de répressions qui laisseront aux Togolais un mauvais souvenir de la guerre de 1939-1945.
Comme durant le premier conflit mondial, les Togolais ont participé aux côtés des Français à la lutte pour la sauvegarde des valeurs morales universelles. La fin du conflit laissait entrevoir au peuple togolais le salut tant attendu de son émancipation, dont l’autodétermination était le principe intangible. La mise du pays sous tutelle de la France en constituait la pierre angulaire, car elle visait l’évolution graduelle des masses populaires concernées vers l’auto administration. L’instauration, d’une part, des sièges à conquérir par les Africains à l’Assemblée nationale française, au conseil de la République et au conseil de l’Union française, et d’autre part, des Assemblées territoriales où les délégués des populations devraient débattre des affaires locales, fut un véritable stimulant pour la naissance des partis politiques.
Ainsi apparurent au Togo, le Comité de l’Unité Togolaise (CUT) et le Parti Togolais du Progrès (PTP) en 1946, l’Union des Chefs et des Populations du Nord (UCPN) et la Juvento en 1951 et le Mouvement Populaire Togolais (MPT) en 1954. Leurs leaders étaient : Sylvanus Olympio, Augustino de Souza et Jonathan Savi de Tové pour le CUT, Nicolas Grunitzky et Robert Ajavon pour le PTP, Mensah Aithson et Anani Santos pour la Juvento, Derman Ayéva, Mama Fousséni et Antoine Méatchi pour l’UCPN, Pédro Olympio, John Amaté Atayi et Samuel Akéréburu pour le MPT.
Mais, l’ampleur de leurs dissensions internes et les conflits d’hégémonie personnelle faisaient le jeu de la France qui se préparait à la réforme constitutionnelle devant déboucher sur l’autonomie interne. Celle-ci est intervenue, le 30 août 1956, avec la proclamation de la République autonome du Togo. Les textes fondamentaux transféraient aux dirigeants locaux certains pouvoirs, ainsi que la possibilité d’avoir un drapeau, une devise et un hymne national. Le poste de Premier ministre fut confié à Nicolas Grunitzky du PTP.
Maîtres de leur destin
Entretemps, la dégradation de la situation politique interne, les luttes fratricides entre les partis politiques et la non maîtrise de l’appareil économique créaient les conditions de l’implosion sociale. Ce qui amènera les autorités françaises à décider de l’organisation des élections sous contrôle onusien, le 27 avril 1958. Celles-ci furent remportées par le CUT avec 59,8% des votants. On fit appel à Sylvanus Olympio pour former le gouvernement, dont le premier acte fut la revendication de l’indépendance. La France en accepta le principe et, le 27 avril 1960, elle fut proclamée.
Ce jour mémorable de libération de tout le peuple de l’oppression coloniale a été accueilli partout par des scènes de liesse. « Peuple togolais, par ta foi et ton courage, la Nation togolaise est née », disait Sylvanus Olympio pour résumer l’abnégation et l’espoir des Togolais. Et le peuple s’apprêtait à jouir des fruits de tant d’années de servitude, de sacrifices et de souffrances.
Désormais, les Togolais ont retrouvé leur dignité et sont maîtres de leur destin. Mais, la jeune République du Togo était sortie de la période coloniale, sans autres atouts que la bonne volonté de ses hommes et l’ambition intrépide d’une poignée de leaders. Très vite, elle s’emploiera à asseoir son assise internationale avec des relations diplomatiques établies avec des pays tant capitalistes que socialistes et, surtout avec son adhésion à l’ONU, le 30 septembre 1960. Alors, s’est ouverte une nouvelle page de l’histoire du pays que les Togolais sont appelés à écrire eux-mêmes. Mais, qu’en avons-nous fait ? La question reste entière au moment de la célébration de ces 63 ans de libération nationale.
Faustin LAGBAI
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