La Cour d’Assises de la Cour d’Appel de Lomé a ouvert la session 2019 de ses audiences, ce lundi 15 juillet, en présence de diverses personnalités, dont le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, M. Pius Agbétomey, du Médiateur de la République, Mme Awa Nana et de la présidente de la CNDH, Mme Nakpa Polo. A cette session sont inscrits 64 dossiers, dont 25 relatifs aux trafics de stupéfiants, 18 pour atteinte à la vie des personnes, 7 pour pédophilie, 7 dossiers liés au viol, 3 aux infractions contre les biens, 2 pour traite des personnes, 1 pour proxénétisme et 1 pour détournement de deniers publics. Pendant trois semaines, ces audiences publiques jugeront plus d’une centaine d’individus renvoyés devant la Cour en matière pénale. Elles ont un caractère éducatif et instructif, contribuant au respect des droits de l’Homme et à l’édification de l’Etat de droit.
La première audience de cette session 2019 a opposé le Sieur Semedo LopèsAdmilson 27 ans, de nationalité cap-verdienne à la Cour pour affaire de trafic international de drogue à haut risque. En effet, il a été appréhendé, le 15 février 2015 à l’Aéroport Gnassingbé Eyadèma de Lomé, où il était en transit en provenance de Sao Paulo au Brésil pour la Guinée Bissau. Il transportait dans son ventre 60 capsules contenant 0,72kg de cocaïne. C’est lors d’un contrôle de routine que ses urines ont montré quelques traces de drogue. Poursuivant les investigations, les agents de sécurité détectent dans son abdomen des corps étrangers, d’où on lui administre un médicament qui lui fait déféquer ces capsules de drogue. L’accusé ayant plaidé coupable a écopé de 10 ans de prison et 1 million de FCFA d’amende.
Son avocat, Me MarwangaDourma n’a pas été très surpris par cette peine, malgré les raisonnements développés dans sa plaidoirie. Car, dit-il, depuis ces dernières années, l’Etat togolais s’est inscrit dans une répression sévère des cas de trafic de drogue. Ajouté au fait que pendant longtemps, le Togo a eu une réputation de carrefour de trafic de drogue, cette lourde condamnation n’étonne personne. « Heureusement que les faits se sont déroulés selon l’ancienne législation. La nouvelle loi prévoit un minimum de 20 ans. La Cour avait à se prononcer entre 10 et 20 ans.Donc, ici mon client a eu le minimum, puisqu’il a reconnu les faits, il les a commis, il n’y avait pas de débat sur sa culpabilité », a fait savoir Me Dourma.
A l’ouverture de la session, le président de la Cour d’Appel de Lomé, M. Kominte Dindangue, a indiqué que la session des assises révèle la densité de la justice, lui donne son vrai sens qui est à la fois défense de la société, de l’individu, des victimes, mais aussi la compréhension de ce qui peut y avoir de contradiction dans la nature humaine. Selon lui, la sauvegarde des libertés individuelles constitue une mission essentielle de la justice, le texte constitutionnel, qui fait du pouvoir judiciaire le gardien des libertés, lui assigne un devoir, celui de rendre la justice. De ce fait, il n’existe aucune société où la réponse au crime se passe de la sanction. Le président de la Cour d’Appel a invité chaque intervenant, juges accesseurs, avocats généraux, jurés, avocats, greffiers, huissiers et forces de l’ordre, à jouer parfaitement sa partition pour permettre à chaque accusé d’être fixé sur son sort. Il a relevé cependant l’insuffisance des moyens financiers et matériels alloués pour l’organisation de ces sessions d’Assises, tout en sollicitant les plus hautes autorités de l’Etat et l’UE de continuer de les soutenir.
Le procureur général près la Cour d’Appel de Lomé, M. Kodjo Garba Gnambi, faisant un bilan par rapport à la session 2018 a relevé que cette année, les infractions relatives au stupéfiants sont passées de 18 à 25, celles relatives à la pédophilie de 14 à 7, d’atteinte à la vie de 13 à 18. Les dossiers relatifs au viol n’ont ni évolué ni régressé (7). Pour le procureur général, ces différentes variations peuvent avoir un début d’explication liée aux différentes condamnations successives. En effet, a-t-il expliqué, « nous nous étions montrés plus laxistes en ce qui concerne les infractions contre les stupéfiants, à l’atteinte à la vie et au viol, mais plus dissuasifs en ce qui concerne la pédophilie. Je sais que cette analyse paraîtra simpliste pour certains, mais il s’agit d’un constat et pour le confirmer ou l’infirmer, il va falloir se montrer aussi dissuasifs cette année dans nos condamnations relativement aux autres infractions sans reculer en ce qui concerne la pédophilie », M. Gnambi en a appelé au sérieux et à la rigueur des jurés qui ne doivent pas verser dans un sentimentalisme débordant. « Il faut donc une juste mesure entre le sentimentalisme et la vérité des faits », a-t-il fait valoir. Il a aussi invité les magistrats à ne pas transformer la cour en une simple formalité où on peut prononcer des peines sans commune mesure avec la gravité des faits. « Il ne s’agit pas de condamner un innocent, mais de ne pas se montrer complaisant, lorsque les faits sont avérés et graves, car, en le faisant, on encourage sans le savoir, la commission d’infractions », a-t-il ajouté. La session des audiences de la Cour d’Assises de Lomé prend fin le 4 août prochain.
Blandine TAGBA-ABAKI
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