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Gestion de l’héritage: Pourquoi un testament?

Gestion de l’héritage: Pourquoi un testament?

 

Acte unilatéral et solennel de dernière volonté par lequel une personne organise de son vivant la répartition de ses biens en faveur d’une ou plusieurs personnes, le testament est souvent perçu et certainement à tort, comme un acte de riches. Or, de par sa portée juridique, le testament est d’une importance capitale pour tous, surtout dans les communautés africaines qui ont une conception très large de la famille, afin que les biens acquis au prix de mille sacrifices profitent réellement aux bénéficiaires légitimes. C’est du moins ce qui ressort d’une interview du praticien du droit et spécialiste de la question, Me Gnazo Méméssilé Dominique, notaire à Lomé.

Togo-Presse : Pouvez-vous nous dire Me Gnazo Méméssilé Dominique ce que c’est qu’un testament?

Me Gnazo Méméssilé Dominique : D’abord je vous remercie pour l’opportunité que vous me donnez à travers notre quotidien national Togo-Presse de parler d’un thème d’aussi grande importance et d’actualité, le testament. Permettez-moi de présenter tous mes vœux de santé, de paix, de prospérité à tous nos dirigeants et au peuple togolais dans son ensemble à l’orée de cette nouvelle année.
Pour revenir à votre question, le code des personnes et de la famille du Togo, qui est le code de référence en droit des personnes et de la famille chez nous au Togo en son article 564 définit le testament comme « un acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il n’existera plus de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».
Le Code Civil français qui est un document d’inspiration pour notre droit, en son article 891 définit le testament comme « un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu’il peut révoquer ». La lecture et l’interprétation combinée de ces deux articles nous permet de comprendre donc que le testament est un acte unilatéral et solennel de dernière volonté par lequel une personne (le testateur) organise d’avance pour le temps où elle n’existera plus, ses biens en faveur d’une ou plusieurs personnes (les légataires).
Notre code des personnes et de la famille retient limitativement en son article 633, et à peine de nullité trois formes de testaments : La forme olographe ; la forme authentique ou publique et la forme mystique.
Le testament olographe est celui qui est entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. La signature doit être conforme aux habitudes du testateur et permettre de l’identifier.
Le testament par acte authentique ou public est celui qui est reçu soit par un notaire, soit par un juge, sous la dictée directe du testateur.
Lorsque celui-ci ne sait ni lire ni écrire, la réception de l’acte est faite en présence de deux témoins majeurs non légataires du testateur, ni parents ou alliés de légataires jusqu’au 4ème degré inclusivement.
Le testament peut être dicté dans une langue autre que le français lorsque l’officier rédacteur et les témoins comprennent cette langue. Il est ensuite rédigé en langue française par l’officier instrumentaire qui écrit lui-même ou le fait écrire soit à la main, soit mécaniquement au fur et à mesure de la dictée.
Il est signé du testateur, du notaire ou du juge et des témoins dont l’un au moins doit savoir lire et écrire le français, le tout en présence du testateur.
Dans le cas où le testateur déclare qu’il ne sait ou ne peut signer, mention spéciale de cette déclaration doit être faite dans l’acte avec l’indication de la cause de son empêchement de signer.
Le testament mystique est celui qui est présenté clos et scellé à un officier public (Notaire) ou au juge assisté de deux témoins par le testateur qui doit déclarer :
– Que le contenu du papier est son testament écrit par lui ou par un autre ;
– Si le testament a été rédigé par un autre, qu’il en a personnellement vérifié le libellé ;
– Le mode d’écriture employée est à la main ou mécaniquement.
Le testament peut être fait en la forme mystique alors même que le testateur ne sait ou ne peut signer. Dans ce cas, il est fait mention à l’acte de suscription de la déclaration du testateur de ne savoir signer ou de n’avoir pu le faire lorsqu’il a fait écrire ces dispositions.
Ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne peuvent faire des dispositions dans la forme du testament mystique mais plutôt authentique.

T. P. : En quoi est-il nécessaire de faire son testament ?

Me G.M.D. : Il est nécessaire voire obligatoire de faire un testament. La rédaction d’un testament ne provoque pas la mort prématurée du testateur. La mort est un passage obligatoire pour nous tous, c’est une évidence. Il vaut mieux s’en rendre compte et s’organiser pour que les biens qu’on a acquis au prix de mille sacrifices profitent réellement à ceux qu’on souhaite plutôt qu’à d’autres.
Même si on se met dans la croyance populaire où on pense que la mort peut être provoquée par des gens pour s’accaparer des biens du défunt, on peut même dire que le testament éloigne plutôt la mort puisque si tes frères t’en veulent pour tes biens et s’ils savent qu’un testament organise déjà ta succession, ils se résigneront à te faire du mal puisque ta mort ne leur profitera pas.
Comme nous l’avons dit plus haut, le testament a une importance capitale surtout pour nous les africains qui avons une conception très large de la famille. Lorsqu’on tire conséquences de tout ce qui se passe autour de nous quand les gens meurent et que la famille au sens large chasse les enfants et la veuve pour s’accaparer des biens du défunt, autant de voies de faits et de comportements répréhensibles qui mettent la progéniture dans des situations de mendicité avec des effets plus que négatifs sur l’évolution scolaire des enfants surtout quand ils sont mineurs, on comprendra toute l’importance du testament.
Le testament n’est pas un acte élitiste ou de riches, c’est simplement un acte par lequel le défunt continuera par faire valoir sa volonté après sa mort.
C’est un geste simple mais qui va sauver des vies.

T. P. : Qui est habilité à recevoir un testament ?

Me G.M.D. : Tout dépend du type de testament et des circonstances dans lesquelles le testament est reçu. En effet, le Notaire est le praticien le plus habilité à recevoir les testaments dans les circonstances normales et ordinaires. En dehors du notaire, il y a le juge.
Mais dans des circonstances particulières, notre code des personnes et de la famille organise la possibilité que le testament soit reçu par d’autres personnes dans certaines circonstances spécifiques et particulières, c’est le cas des testaments des militaires, des marins de l’Etat et des personnes employées à la suite des armées qui peuvent être reçus par :
– Soit par un officier supérieur ou médecin militaire d’un grade correspondant en présence de deux (02) témoins ;
– Soit enfin, dans un détachement isolé, par l’officier commandant ce détachement assisté de deux (02) témoins ;
– Soit par deux (02) fonctionnaires ou officiers de l’intendance ou du commissariat en présence de deux témoins ; s’il n’existe pas dans le détachement d’officier supérieur ou médecin militaire d’un grade correspondant, de fonctionnaire de l’intendance ou d’officiers du commissariat.
Le testament de l’officier commandant un détachement isolé peut être reçu par l’officier qui vient après lui, dans l’ordre du service. La faculté de tester dans les conditions prévues au présent article s’étend aux prisonniers chez l’ennemi.
Ces types de testaments mentionnés peuvent encore, si le testateur est malade ou blessé, être reçus, dans les hôpitaux ou les formations sanitaires militaires telles que les définissent les règlements de l’armée, par le médecin chef, quel que soit son grade, assisté de l’officier d’administration gestionnaire. A défaut de cet officier d’administration, la présence de deux témoins est nécessaire.

T.P. :Qu’est ce qui authentifie un testament ?

Me G.M.D. : Tout dépend du type de testament. Si nous prenons l’exemple du testament olographe, la signature du testateur l’authentifie.
Celui public est authentifié par la nature de l’attribution et la compétence matérielle même de l’officier public qui le reçoit notamment le Notaire, mais également par les témoins majeurs non légataires du testateur, ni parents ou alliés de légataires jusqu’au 4ème degré inclusivement appelés par le testateur. Puisque le testament est un acte grave, de par son contenu et les conséquences qui peuvent en découler, la loi a mis un dispositif d’encadrement de cet acte pour éviter les dérives éventuelles.

T.P. : Un testament peut-il être contesté ?

Me G.M.D. : La rédaction d’un testament est un acte qui demande réflexion tant pour son contenu et les conséquences qui peuvent en découler, que des conditions de fond et de formes qu’il doit obligatoirement respecter. C’est pourquoi, il est important de demander conseil à un spécialiste avant de rédiger son testament.
En effet, un testament rédigé au mépris des règles de fond et de forme peut être contesté.
A titre d’exemple un testament dans lequel un testateur lègue tous ses biens à une personne autre que ses héritiers réservataires c’est à dire les héritiers légaux devant bénéficier de la réserve héréditaire peut être contesté par lesdits héritiers puisque la loi leur donne d’office des droits sur la réserve héréditaire.

T.P. : Peut-on faire entorse à certaines dispositions du testament ?

Me G.M.D. : Cette question est complémentaire à la précédente.
En effet, si certaines dispositions du testament sont contraires à des principes légaux, on peut y faire entorse au moment de l’exécution.
A titre d’exemple, un testateur qui insère une clause d’exhérédation dans un testament, c’est-à- dire une clause par laquelle il entend priver l’un de ses héritiers d’une part de son patrimoine sans aucun jugement le déshéritant ; cette clause n’aura pas d’effet, puisque même si la loi prévoit qu’on déshérite son enfant pour des motifs graves et précis, comme l’attentat à la vie du géniteur, le déshonneur etc., encore faut-il que ces motifs graves soient constatés et appréciés souverainement par le juge et qu’il en rende une décision conséquente condamnant l’héritier.
C’est pour cela qu’il est conseillé d’éviter de faire des testaments ab irato, c’est à dire dans un excès de colère au risque de voir son testament amputé de certaines de ses dispositions si celles-ci sont illégales.

T.P. : Quel est le rôle du receveur (notaire) et des exécuteurs testamentaires?

Me G.M.D. : Celui qui reçoit le testament peut n’en être pas l’exécuteur.
Celui qui reçoit le testament, si son rôle s’est limité à la garde du testament sans autres attributions, a le devoir d’informer les héritiers ou les bénéficiaires de l’existence du testament et de le leur restituer tel à l’annonce du décès. Ceux-ci feront les formalités nécessaires pour l’exécution du testament.
Par contre l’exécuteur testamentaire est nommé directement dans le testament ou par un autre acte sous la forme du testament et a pour rôle de veiller au respect des dispositions du testament lors de son exécution ; ses pouvoirs sont limités par la loi. C’est le cas dans notre code des personnes et de la famille en son article 703 où leur rôle est très encadré et leur responsabilité engagée en cas de faute.
Mais les pouvoirs des exécuteurs testamentaires peuvent être accrus dans le testament si telle est la volonté du testateur. Il est à préciser que la fonction d’exécuteur testamentaire n’est pas une fonction rémunérée mais il peut être prévu juste un remerciement.
L’exécuteur testamentaire peut être le notaire ayant reçu ledit testament si le testateur lui en donne l’attribution, ou n’importe quelle personne de la famille ou un ami qui donne des gages d’attachement, de sérieux et de rigueur.
Si lors de l’exécution du testament des difficultés apparaissent, l’exécuteur testamentaire ne doit pas baisser les bras, il doit recourir aux cours et tribunaux qui sont compétents pour lui donner les moyens juridiques nécessaires pour faire respecter la volonté du testateur.
Interview réalisée par
Faustin LAGBAI

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