
L’Union Africaine (UA) organise, depuis le 12 mai 2025, à Lomé, une conférence sous le thème « L’agenda africain de gestion de la dette publique en matière de restauration et de préservation de la viabilité de la dette ». Cette rencontre de haut niveau se veut une plateforme permettant à ses Etats membres de mener des discussions constructives sur la situation actuelle de la dette, à travers le continent, de partager les expériences nationales respectives et de formuler des recommandations, en vue de l’élaboration d’une position africaine commune sur la dette. Les travaux ont été ouverts par le Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, en présence du président du Ghana, John Dramani Mahama. Etaient également présents les présidents de l’Assemblée nationale, Kodjo Adédzé, du Sénat, Barry Moussa Barqué, ainsi que ceux d’autres institutions de la République, des membres du gouvernement, des missions diplomatiques et autres personnalités.

le Président ghanéen, John Dramani Mahama
Comment les nations africaines peuvent-elles financer leur développement, défendre leur souveraineté et préparer leur avenir dans un monde qui change vite et souvent sans elles ? Comment restaurer et préserver la viabilité de la dette sans renoncer à notre ambition collective ? Comment parler de discipline budgétaire, sans parler de justice mondiale ? Comment construire un futur durable sans remettre en cause les règles déséquilibrées du système financier international ? Autant de questions posées par le Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, à l’ouverture, le 12 mai 2025, à Lomé, de la conférence de l’Union Africaine sur la dette. Cette rencontre, au-delà des chefs d’Etat et de gouvernements, réunit les ministres de l’Economie, des Finances et de la Planification, des représentants de banques centrales, des communautés économiques régionales, des institutions financières multilatérales africaines, ainsi que des organisations de la société civile.

Photo de famille des personnalités présentes à la rencontre.
En dehors des diverses questions liées à la gestion de la dette publique en Afrique, elle va fournir des orientations pour les travaux de l’UA sur la gestion saine et l’élaboration d’une position commune africaine sur la dette. La conférence s’articule autour de quatre priorités majeures. Premièrement, elle se propose de faciliter l’échange de connaissances et de pratiques innovantes entre les pays africains, permettant un apprentissage mutuel des expériences réussies. Deuxièmement, elle va œuvrer à la formulation d’une position commune africaine sur les réformes nécessaires de l’architecture financière mondiale, en vue de donner au continent une voix unifiée dans les forums internationaux. Troisièmement, elle entend élaborer des mécanismes innovants de financement de la dette, qui permettront de mobiliser les ressources nécessaires, tout en préservant la soutenabilité financière. Enfin, il s’agit d’explorer et de promouvoir les pratiques saines de gestion de la dette qui garantiront la viabilité, à long terme, des finances publiques africaines.
Ainsi, au menu de cette rencontre de trois jours, diverses tables rondes consacrées à des thématiques telles que « L’Agenda africain de gestion de la dette publique en matière de restauration et de préservation de la viabilité de la dette », « Le cadre commun du G20 et l’actuelle impasse de la dette en Afrique : Faut-il un nouveau mécanisme d’allègement de la dette ? », « Bonnes pratiques de gestion de la dette et viabilité de la dette publique en Afrique », « Supervision législative et responsabilité en matière de dette publique : Le rôle du Parlement dans la viabilité de la dette en Afrique », « Améliorer les notations de crédit en Afrique-Défis, opportunités et perspectives », « Création des institutions financières panafricaines et leur rôle dans le maintien de la viabilité de la dette en Afrique », etc.

Les délégués lors des travaux.
Mettre la priorité sur la souveraineté, la solidarité et la stabilité régionale
En ouvrant les travaux, le Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, a rappelé que cette conférence se tient dans un contexte où les règles du jeu international se transforment à grande vitesse, mais rarement au bénéfice de l’Afrique. « D’abord, la dette en Afrique est une crise silencieuse, mais structurelle. En effet, le surendettement africain n’est plus un risque : il est une réalité quotidienne. Plus de vingt pays africains sont, aujourd’hui, en situation de détresse ou à haut risque. Alors même que nos besoins de financement sont immenses, urgents et légitimes : qu’il s’agisse des infrastructures, de la santé, de l’éducation, de la sécurité, ou encore du climat », a-t-il déclaré. Le Président du Conseil a souligné que, depuis 20 ans, les Etats africains ont fait des efforts considérables. Ils ont engagé des réformes de bonne gouvernance, renforcé les systèmes de gestion publique, amélioré la transparence budgétaire. Et malgré cela, en 2024, l’Afrique a déboursé plus de 160 milliards de Dollars pour le service de sa dette. Soit, bien plus que ce qu’elle consacre à ses systèmes de santé ou d’éducation.
Membres du gouvernement et autres personnalités.
Pour lui, il est temps de passer d’une logique de surveillance à une logique de confiance et qu’un partenariat sincère doit reposer sur la confiance mutuelle, pas sur la défiance structurelle. « Nous devons donc reposer les termes du débat : la viabilité de la dette ne peut être une camisole budgétaire imposée de l’extérieur. Je pense que les cadres d’analyse de la dette aujourd’hui en vigueur sont largement obsolètes, voire contre-productifs. En effet, les indicateurs sont inadaptés, les modèles trop conservateurs et les critères de soutenabilité tiennent plus de l’automatisme technique que du bon sens politique. Les méthodologies actuelles sont conçues pour contraindre, pas pour accompagner », a-t-il laissé entendre. Par conséquent, le Président du Conseil appelle à repenser la gestion de la dette, en refusant l’hypocrisie sécuritaire, en investissant dans la stabilité globale et en développant sur la question de la dette une ambition africaine collective, qui met la priorité sur la souveraineté, la solidarité et la stabilité régionale. Son souhait est que la conférence de Lomé soit un tournant pour tracer le chemin collectif de l’Afrique. Un moment où l’Afrique affirme que sa priorité est certes de rembourser, mais surtout d’avancer. « Je souhaite que la conférence de Lomé soit un moment de clarté. Clarté sur la gravité de la situation. Clarté sur nos responsabilités. Et clarté sur nos leviers d’action », a-t-il conclu.
Adopter un nouvel agenda de gestion de la dette publique
Prenant la parole à cette rencontre, le président ghanéen, John Dramani Mahama, et son homologue zambien, Hakainde Hichilema (visioconférence), ont estimé que pour changer la crise de la dette en un outil de développement, l’Afrique doit adopter un nouvel agenda de gestion de la dette publique, basée sur la transparence et l’accompagnement, la pente productive efficace et responsable, la solidarité régionale et la réforme globale financière. Ceci, en parlant d’une seule voix pour empêcher les règles financières mondiales. « Nous devons aussi construire une capacité des institutions financières africaines, comme la Banque Africaine de Développement, l’Afreximbank, l’Africa Finance Corporation et le Fonds monétaire africain proposé, pour offrir un financement concessionnaire en lien avec la réalité du développement africain », a relevé le président Mahama.
Dans son intervention, M Moses Vilakazi, représentant le président de la Commission de l’UA, a relevé que le thème qui guide les discussions n’est pas seulement un objectif, mais une question d’économie survivante et un prérequis pour réaliser l’Afrique voulue et envisagée dans l’agenda 2063. « Depuis bien trop longtemps, l’histoire de l’avenir de l’Afrique a été déroulée par l’augmentation de la dette. Au cours des dernières décennies, la dette totale de l’Afrique a doublé, tandis que la dette externe est de 24,5 % du total de notre PIB en 2023. (…) Un grand nombre de notre revenu national est diverti à des paiements de services de dette. Etonnamment, de nombreux pays africains dépensent maintenant plus sur les intérêts de la dette que sur les remboursements principaux, que sur les secteurs critiques comme la santé et l’éducation. Ce n’est pas un défi économique, c’est maintenant une crise de développement humain qui empêche notre capacité d’investir dans notre peuple et qui empêche les économies résilientes de s’assurer des chocs à l’avenir », a-t-il dit.
Pourquoi le Togo ?
Auparavant, le ministre togolais de l’Economie et des Finances, Essowè Georges Barcola, a souligné que le choix porté sur le Togo pour abriter cette grande rencontre internationale, n’est pas le fruit du hasard. Selon lui, la Commission de l’Union Africaine a justifié, elle-même, sa décision par trois raisons : La première tient du fait de la stabilité politique que le Togo a su consolider au fil des années, grâce au leadership éclairé du Président du Conseil. La deuxième raison est liée au rôle que ce dernier joue sur la scène africaine et internationale, en particulier, les actions menées en faveur de la paix et de la sécurité sur le continent, actions qui ont valu sa désignation, tout récemment, par ses pairs de l’UA, comme médiateur dans le conflit à l’Est de la RDC. Enfin, la troisième raison évoquée porte sur l’engagement historique du Togo, en faveur de la coopération régionale et continentale.
Mélissa BATABA
Komla GOKATSE
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