
Les Assemblées Générales 2025 de l’Agence pour l’Assurance du Commerce en Afrique (ATIDI), organisées à Luanda, a été marquées, vendredi 20 juin 2025, par une table ronde à haute intensité intellectuelle sur la perception du risque africain et la mobilisation du capital. Devant une assistance composée de financiers, investisseurs institutionnels, agences de notation et représentants d’organismes multilatéraux, les experts ont confronté les réalités africaines aux représentations persistantes d’un continent à haut risque.
Manuel Moses, Directeur général d’ATIDI, dans son mot introductif à l’ouverture de la table ronde, a rappelé le rôle croissant de l’agence dans le soutien aux investissements en Afrique. « ATIDI assure aujourd’hui plus de 88 milliards de dollars d’engagements sur le continent, avec des instruments de couverture des risques politiques et commerciaux visant à faciliter les flux d’investissement dans des environnements perçus comme volatils. », a déclaré M. Manuel Moses.

Il a salué l’Angola, pays hôte, pour son soutien avant de le citer comme exemple d’économie en mutation rapide, engagée dans des projets structurants allant de la privatisation de champions nationaux à la modernisation de ses marchés financiers.
« L’Angola ne veut plus être perçu uniquement comme un pays pétrolier. Nous avons lancé le programme Propriv, qui a permis la privatisation de plus de 90 entreprises publiques sur 190 visées entre 2019 et 2023. Ce programme, prolongé jusqu’en 2026, prévoit notamment l’introduction en Bourse de Unitel, Sonangol, Endiama, TAAG ou encore Bodiva elle-même », a laissé entendre Jusian Do Susa, Secrétaire d’Etat au ministère angolais des Finances.
La nature du risque africain
Le cœur du débat de cette table ronde des investisseurs a tourné autour du « coût de perception » du risque africain, estimé par plusieurs intervenants à 74,5 milliards de dollars par an. Cette prime invisible est due à la défiance des marchés vis-à-vis des fondamentaux économiques africains.
Pour Gabrielle Reid de Pangea-Risk, cabinet de conseil en intelligence spécialisé sur les risques pays, « l’Afrique de l’Est affiche une croissance projetée de 5,7 % en 2025 contre 4,4 % pour l’Afrique de l’Ouest quoique cette dernière restant dans un contexte sécuritaire tendu dans les pays dits de l’Alliance des États du Sahel (AES). Sur l’ensemble du continent, l’inflation moyenne devrait reculer de 19 % à 14 % entre 2024 et 2025. Pourtant, les primes d’assurance augmentent, et les coûts de financement restent élevés. »
Interpellé sur le rôle des agences de notation, Samira Mensah (S&P Global) a illustré le poids de la perception avec un exemple frappant : « En 2021, le Kenya a levé 2 milliards USD à un taux de 6,5 %. Trois ans plus tard, en 2024, pour seulement 1,5 milliard USD, le pays a dû offrir 9,5 % de rendement. ». Selon Mme Mensah, ce différentiel s’explique par une combinaison de facteurs : perception du risque, volatilité des taux de change, incertitudes politiques, viabilité de la dette, et discipline budgétaire.
Hamouda Chekir (Centerview Partners), de son côté, a noté que « seuls deux pays africains ont aujourd’hui une notation investment grade. En Afrique de l’Oust, les mieux notés sont le Bénin et la Côte d’Ivoire avec un double B.
Du reste, les perspectives ne font pas économie du contexte actuel. Les tensions commerciales internationales, comme l’augmentation des barrières tarifaires américaines, vont encore accroître le coût du capital pour les économies émergentes. »
Innovation et action collective
La session suivante, animée par la journaliste Anne Marie Borges, a abordé les moyens de réduire structurellement le coût du capital par l’innovation financière.
John-Martin Ndawsde Africa Finance Corporation AFC) est revenu sur le rôle de son institution dans la couverture des risques souverains et l’accompagnement des Etats dans les marchés souverains. Dernière en date, « l’AFC a backé l’émission d’un Samouraï bond de l’Égypte, avec une garantie partielle ». L’objectif de l’AFC est de lever des fonds sur les marchés murs et de les redistribuer à des taux abordables en Afrique.
Quant à Leonard Kange (Bank of Industry Nigeria), il a tout d’abord expliqué le positionnement de la Bank Of Industry, exclusivement dédié au financement du secteur privé avec une panoplie de produits dédiés.
A travers cette table ronde, l’ATIDI a confirmé son ambition : transformer la perception du risque africain en opportunité d’investissement. Le consensus est clair : l’Afrique n’est pas sous-performante, elle a une conception de risque sur -évaluée.
(Financial Afrik)
Moussouloumi BOUKARI
Rédacteur en chef Adjoint du Quotidien National Togo-presse
Mail : mouss1976fadil@gmail.com
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