Le climat sociopolitique au Togo est, ces derniers temps, électrique. Quatorze partis de l’opposition, réclamant certaines réformes, organisent, depuis le 19 août, des manifestations publiques. Certaines de celles-ci tournent, le plus souvent, au vinaigre, occasionnant des pertes en vies humaines, des blessés et d’énormes dégâts. Le gouvernement, garant de la protection et de la sécurité des personnes et des biens, œuvre afin de trouver des solutions pour préserver la paix. C’est à cet effet que s’est tenue, le mardi, 31 octobre, à l’hôtel Sancta Maria de Lomé, une rencontre d’échanges avec les partis politiques. Quatre commissaires du gouvernement, à savoir : Payadowa Boukpessi de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, Yark Damehame de la Sécurité et de la Protection civile, Guy Madjé Lorenzo en charge de la Communication et de la Formation civique et Mme Nakpa Polo, Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, ont entretenu l’assistance sur les derniers évènements et fait cas des nouvelles mesures prises par le gouvernement pour l’organisation des marches politiques. C’était en présence de certains membres du corps diplomatique dont la chef de délégation de l’Union Européenne, Mme Cristina Martins Barreira, des organisations de la société civile et de plusieurs responsables des forces de sécurité.
La rencontre avec les différents partis politiques sauf ceux des quatorze partis de la coalition, a permis de passer en revue les derniers évènements sociopolitiques, d’apporter certains éclaircis, de rappeler certaines dispositions de la loi concernant les prérogatives des entités politiques et les démarches à suivre pour l’organisation des manifestations mais aussi, les procédures à suivre en cas de certaines incompréhensions de la loi. Les ministres ont, dans leurs différentes interventions, indiqué que certaines dispositions prises par les partis de la coalition ne sont pas respectés, ce qui a causé plusieurs dérapages. Ils ont condamné les violences constatées, depuis le 19 aout dernier, début des manifestations des 14 partis de la coalition de l’opposition. Ces actes ont amené le gouvernement à interdire les marches au cours des jours ouvrables pour assurer la concorde au sein des populations. Cette mesure n’ayant pas été respectée par les organisateurs de ces marches, cela a conduit récemment à des évènements regrettables. Cette situation, qui fragilise la paix, la sécurité et le vivre-ensemble, a amené le gouvernement à prendre de nouvelles mesures pour que ces marches dites pacifiques ne soient plus un tremplin de violences. Si le gouvernement sursoit à l’interdiction des manifestations au cours des jours ouvrables, il a néanmoins pris certaines mesures. Au nombre de trois, celles-ci stipulent que l’organisation de toute manifestation publique politique doit être précédée des séances de travail entre les autorités compétentes et les organisateurs. « Cela est primordiale ». Il a été également décidé d’un commun accord avec les organisateurs de mettre en place une cellule d’observateurs de forces de sécurité et des organisateurs « Ces éléments d’observateurs de forces de sécurité seront habillés différemment de ceux qui gèrent la manifestation proprement dite. Ils seront reconnaissables par le brassard et par la tenue », a précisé le ministre Yark Damehame. La dernière mesure, quant à elle, invite les organisations de la société civile à suivre, du début jusqu’à la fin, ces manifestations, afin de pouvoir faire un briefing avec les services d’ordre des partis organisateurs : « je crois qu’avec cet effort partagé, nous pouvons éviter à nos populations et à notre pays ce cycle de violences qu’on enregistre depuis un moment autour des manifestations pacifiques », a renchérit le ministre Yark. Il a, par ailleurs, répondu à certaines spéculations qui font état de la circulation de certaines voitures militaires un peu partout à Lomé. Le ministre a, à cet effet, indiqué que c’est une opération mise en place pour préserver la sécurité de la population.
Former les citoyens au civisme et à la citoyenneté
L’éducation des militants des partis politiques au civisme et à la citoyenneté est indispensable pour la consolidation de la démocratie. C’est en ce sens que le ministre Payadowa Boukpessi a rappelé que le devoir des leaders des partis politiques est de former ses militants au respect des institutions et de la chose publique. Il a réitéré la bonne foi du gouvernement de jouer sa partition pour chaque Togolais ne puisse, en aucun cas, être inquiété par les manifestations publiques politiques. Il a invité la classe politique à aller au dialogue, afin que cette crise ne perdure et ne cause plus de dommages.
Abordant dans le même sillage, le ministre de la Communication et de la Formation civique, M. Guy Madjé Lorenzo, a déploré le mauvais usage des réseaux sociaux, ces derniers temps, par rapport à la situation. Il a, à cet égard, précisé que ces technologies ne devraient pas servir à divulguer de fausses informations qui sont souvent considérées au premier degré par les populations. Le ministre Lorenzo a aussi invité à la retenue ceux qui véhiculent sur ces réseaux des messages révoltant, appelant à la haine et à la division. Aussi, a-t-il condamné les violences exercées sur les journalistes lors des couvertures médiatiques de ces manifestations et invité chaque acteur politique à un jeu démocratique franc et sincère et non à faire des surenchères dans la manipulation des informations et des images pour avoir gain de cause. La Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, Mme Nakpa Polo, a, pour sa part, invité les organisations des droits de l’Homme à jouer davantage leur rôle, en sensibilisant plus les populations sur leurs droits car, comme elle l’a signifié, les libertés des uns s’arrêtent là où commencent celles des autres. Ceci, pour dire que chacun est libre de participer à des marches ou pas, condamnant de ce fait ceux qui forcent ou menacent les personnes qui ne participent à aucune marche politique. Mme Polo a, dans cette lignée, précisé que la quête des droits de l’Homme est permanente et les Togolais se doivent de pérenniser les acquis qu’ils ont pu obtenir en la matière et œuvrer pour aller de l’avant et non le contraire.
Quelques réactions
Le président du parti OBUTS, M. Agbéyomé Kodjo s’est réjoui d’une telle initiative de la part du gouvernement. M. Kodjo a fait cas de l’apparition, lors des dernières manifestations, de certaines milices notamment dans le quartier Adéwi. Il a demandé aux autorités de prendre de la hauteur dans la gestion de ces manifestations, afin que la sécurité et la protection des personnes et des biens ne soient que de leur ressort car, cela va de l’intérêt de tous. A cette requête, M. Kodjo a été rassuré par les ministres Boukpessi et Yark que tout sera mis en œuvre pour que les forces de sécurité et de défense jouent pleinement leur rôle. M. Gérard Adja, membre de l’OBUTS a, pour sa part, fait cas de la situation délétère qui prévaut actuellement dans la ville de Sokodé, de Bafilo, de Mango et aussi dans le quartier de Bè. Laquelle situation a créé une psychose au sein des populations de ces localités et occasionné des migrations de certains dans les pays voisins. Les ministres ont rassuré que des actions ont été menées à l’endroit de ces populations et que l’ordre a été rétabli. Ils ont, à cet effet, invité tous les réfugiés à rentrer au bercail.
Pour M. Koffi Dela Kepomey de la Concertation Nationale de la Société Civile Togo, cette rencontre revêt une importance capitale car, le gouvernement a partagé avec les participants les différentes mesures et dispositions qui sont prises pour que les prochaines manifestations se déroulent dans la quiétude. « Je pense que les partis politiques, qui sont présents, ont eu à écouter les différentes mesures et nous osons croire que les dispositions prises vont être respectées pour qu’il n’y ait plus de violences », a-t-il souligné.
Franck Tcharie du Nouvel Engagement Togolais (NET) a, de son côté, déploré l’absence des quatorze partis de l’opposition à cette rencontre mais aussi, le manque du temps pour relever les inquiétudes des partis présents : « Moi, j’ai apprécié les mesures prises par le gouvernement et nous au NET, on a toujours prôné la paix et la non-violence. Nous pensons qu’il vaut mieux se retrouver autour d’une table car, malgré les marches, on finira par se retrouver autour d’une table alors pourquoi ne pas chercher la voie de négociation au lieu de toujours faire la violence et détruire les édifices qui nous appartiennent tous car, nous sommes tous des Togolais».
Essobiyou AMAH
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