Environnement

Quelles stratégies de gestion des déchets solides à Lomé

Quelles stratégies de gestion des déchets solides à Lomé

 

La collecte et la gestion des déchets est l’une des difficultés auxquelles sont confrontées les villes de par le monde. En Afrique où l’urbanisation est non contrôlée et non maîtrisée, le ramassage et l’élimination des déchets solides ménagers (DSM) posent de graves problèmes, non seulement aux responsables municipaux et aux pouvoirs centraux, mais aussi et surtout aux populations. Au Togo, précisément dans la ville de Lomé, la gestion des DSM est un défi qui constitue une grave menace pour la santé publique, l’environnement et le développement socio-économique. En dépit des efforts déployés par les autorités municipales, ces déchets sont, soit dispersés sur la place ou brûlés par les habitants, soit transportés vers des décharges sauvages ou encore laissés sur des rues et espaces vides. Face aux difficultés croissantes de la municipalité, plusieurs institutions et associations oeuvrent à apporter leur graine à la gestion des DSM. Mais les solutions durables envisageables devraient nécessairement passer par la règlementation du secteur.

Le système de gestion des ordures solides ménagères est un ensemble d’opérations qui va de la pré-collecte, à la collecte et à leur traitement, voire à leur transformation. La gestion des déchets solides urbains dans la commune de Lomé était du ressort de la mairie qui assurait ce service en régie. Plus tard, le ramassage des déchets solides urbains a été confié par la mairie à une société privée, la Société Togolaise d’Enlèvement des Ordures Ménagères et d’Assainissement (SOTOEMA). Elle faisait la collecte porte à porte, par des camions bennes tasseuses. Elle utilisait aussi, pour la desserte de certains quartiers, des bacs à ordures dans lesquels les ménages allaient déposer eux-mêmes leurs ordures. Mais malheureusement, plusieurs raisons ont conduit progressivement la SOTOEMA à une dégradation de la qualité des prestations et puis, à la rupture du contrat. Dès lors, ce sont développés, à travers la commune, divers systèmes de collecte privés des déchets solides urbains, dont notamment, le ramassage porte à porte.
Parmi les centaines d’associations dans le domaine, se trouve la structure Ecosystème Naturel Propre (ENPRO), créée en 1999 par un groupe de six étudiants de l’Université de Lomé. Elle a pour objectif d’effectuer la pré-collecte, de sensibiliser les ménages à préserver leur environnement, d’entretenir les sites de dépôt d’ordures ménagères et de réaliser le compostage pouvant éviter l’émission des gaz à effet de serre.
Selon le directeur de cette structure, M. Adam Abdoulaye, malgré les efforts de la municipalité de Lomé, beaucoup reste encore à faire. Pour ce faire, ENPRO se veut une « solution à ce problème environnemental », une contribution notable dans la gestion et la valorisation des ordures ménagères en matières organiques pour l’agriculture.
Mais, jusque-là, il faut surmonter certaines difficultés liées à la valorisation des déchets solides et autres. D’autres associations se sont constituées dans les quartiers de Lomé et chaque jour les ordures ménagères sont pré-collectées. Le service de pré-collecte au niveau des ménages est facturé directement au ménage, au tarif mensuel moyen de 1000 FCFA par concession. Ces organisations font une pré-collecte des lieux de production vers les dépotoirs intermédiaires ou vers la décharge finale. Ces ordures déposées dans les dépotoirs intermédiaires par les pré-collecteurs sont évacuées par des entreprises privées qui font la collecte de ces déchets et les envoient à la décharge municipale.

Diverses difficultés

Ces initiatives spontanées de la société civile, sont surtout nées pour contribuer à l’amélioration de l’environnement dans les quartiers, aux côtés de la municipalité. Mais, fort est de constater que la plupart des associations de pré-collecte ne disposent pas de matériels adéquats pour mener à bien leur mission.
L’équipement de ces structures est des plus modestes : la pré-collecte par la charrette à traction humaine et rarement, par le tracteur-remorque. Seules les entreprises agréées chargées de l’enlèvement des ordures des dépotoirs intermédiaires vers la décharge finale disposent d’engins lourds pour le travail. Les associations de pré-collecte, un maillon essentiel dans la chaîne d’enlèvement des ordures ménagères, dépourvues de ses engins, sont pour la plupart inefficaces. Ne pouvant, de ce fait, aller dans des sites de transit mis en place par la municipalité, elles profitent de la non vigilance des populations pour déverser parfois ces ordures le long des rues. Les difficultés pour assurer pleinement la pré-collecte sont dues aussi aux pannes répétées des engins motorisés non adaptés, aux problèmes de la concurrence déloyale des structures non accréditées par la municipalité. A ces problèmes s’ajoute parfois le trop plein des dépotoirs intermédiaires que la municipalité se doit de débarrasser à temps pour permettre aux pré-collecteurs de poursuivre leur travail.
La non application de la réglementation liée à la répression des infractions d’hygiène et de salubrité, l’absence de réglementation dans la profession de ramassage des solides urbains sont aussi à déplorer, ont confié la plupart des structures de pré-collecte.
Selon le directeur général de l’Agence Nationale d’Assainissement et de la Salubrité Publique (ANASAP), le Gal Béréna Gnakoudè, il existe huit (8) dépotoirs intermédiaires ou sites de transit, dont sept (7) sont fonctionnels dans différents quartiers de Lomé. Mais, il se fait que ce n’est pas encore suffisant. Ces dépotoirs intermédiaires ont une élongation vis-à-vis des pré-collecteurs, ce qui fait que la bonne tracée de la pré-collecte ne respecte plus son cours normal. D’où l’existence des dépotoirs sauvages dans certains quartiers de la capitale, a souligné le Gal. Béréna Gnakoudè.
Au plan social, les agents pré-collecteurs sont maltraités et peu couverts (avec un taux de recouvrement inférieur à 70%).
A ces problèmes, se greffent d’autres liés à la non-participation des associations au financement de la collecte des ordures et la non maîtrise par la municipalité de l’activité des associations de pré-collecte. Cette situation les contraint à une mobilité sur le plan professionnel et porte préjudice aux performances de la pré-collecte. L’intervention anarchique des associations ou ONGs dans les quartiers occasionnent une concurrence déloyale et un service mal rendu. Pratiquement, toutes les associations parviennent à rentabiliser l’activité, leur procurant des revenus contraires à l’esprit d’association.
La gestion des déchets solides ménagers reste donc un casse-tête pour les autorités municipales à tous les niveaux. C’est une succession complexe d’actions et d’acteurs à mettre en place.

Stratégies et pistes de solution

Dans les pays en développement, les enjeux sont économiques, les besoins ne cessent d’augmenter et les réponses apportées restent à ce jour insuffisantes.
En Afrique, où on parle rarement de la valorisation des déchets, tout est à une étape primaire. Le secteur, selon les différentes structures d’assainissement et de salubrité, a besoin d’une volonté politique forte au niveau national pour se forger un cadre de référence.
Concernant la valorisation des déchets, M. Adam Abdoulaye a mis en exergue le problème de pérennisation du projet compostage, le faible appui des autorités locales dans la valorisation des déchets et la commercialisation des tonnes de compost disponibles. Il souhaite, à cet effet, au niveau de la pré-collecte, la réalisation d’une étude d’optimisation de la pré-collecte (circuits de collecte, moyens humains et matériels).
Au niveau du site de valorisation, M. Adam préconise la promotion et la vulgarisation du compost auprès des agriculteurs et maraîchers, le transfert et l’installation de la technologie dans chaque région administrative du Togo, la valorisation des plastiques en pavés et la promotion du biogaz.
En vue d’un environnement sain, les déchets collectés auprès des ménages doivent être transformés en compost, utilisable pour l’amélioration de la productivité agricole à travers plusieurs étapes (la pré-collecte, le tri, la mise en tas, le retournement et l’arrosage), a confié M. Adam, rappelant que les déchets transformés en engrais naturel pour les agriculteurs permettent une utilisation moindre des engrais chimiques.
Des avis du Gal Bérèna Gnakoudè et de M. Adam Abdoualye, pour que les systèmes de collecte des déchets solides soient efficaces, les citoyens doivent connaître leurs responsabilités quotidiennes sur les gestes à adopter, les procédures standard et l’emplacement des sites adéquats. Il y a donc lieu de mettre en place un système étendu d’information du public en ce qui concerne les questions importantes, telles que les méthodes de collecte, l’entreposage des déchets et l’acheminement de ceux-ci aux décharges finales ainsi que les risques que pose l’indifférence à l’égard des déchets. L’objectif est de mettre en place une véritable politique d’éducation à l’environnement pour un changement de comportement.
En partenariat avec l’Agence Française de Développement, la municipalité s’est engagée dans la modernisation de l’ensemble de la filière des déchets solides urbains. Deux axes prioritaires ont été choisis à savoir : la construction de dépotoirs intermédiaires contrôlés, pour supprimer la multitude des dépôts sauvages, canaliser les flux de déchets et ainsi faciliter leur évacuation vers la décharge finale. « Cette décharge ayant atteint aujourd’hui ses limites, est appelée à disparaître d’ici peu. Elle sera transférée à Aképé. Cette future décharge finale, beaucoup plus grande que celle d’Agoè-Nyivé, pourra contenir des déchets collectés dans toute la Commune de Lomé », a confié le directeur général de l’ANASAP, le Gal Béréna Gnakoudè.
Par ailleurs, la municipalité entend accompagner les structures de pré-collecte actuelles, pour les engager à une mutation fondamentale ou à une réorganisation du système de gestion des ordures ménagères. Elle entend, de même, mettre tout en œuvre pour que les charrettes à traction humaine cèdent la place à un système motorisé.

Faire face à la surenchère pour éviter des dépôts clandestins et leurs conséquences

Des foyers gèrent les ordures ménagères au Togo selon qu’ils disposent ou non des moyens. En effet, depuis que la municipalité a privatisé ce secteur d’activité, les entreprises de tout genre naissent et signent des contrats assez variés avec les propriétaires de maisons. Ainsi donc, si certaines entreprises exigent seulement 1500 ou 2000 FCFA à la fin du mois, d’autres, par contre élèvent le montant jusqu’à 3000 FCFA, ce qui met en difficulté beaucoup de foyers, par rapport à la faiblesse de leurs revenus mensuels.
« Je suis dans la fonction publique au grade D et j’ai 5 enfants et une femme à ma charge. Ce que je gagne ne nous suffit même pas pour que je signe un contrat encore avec ces ONG de ramassage des ordures », a confié le sieur Kpéliti Eyram, qui utilise régulièrement les terrains non clôturés dans son quartier comme dépotoir. D’autres personnes préfèrent attendre la nuit pour jeter leurs ordures sur la voie publique au prétexte qu’elles manquent de moyens pour s’offrir les services des entreprises de ramassage des ordures. Ces agissements participent, non seulement à l’insalubrité de la ville, mais aussi à la pollution de l’environnement. A la saison des pluies, les eaux de ruissellement conduisent les ordures déposées sur les voies publiques dans les caniveaux qui se bouchent et empêchent le passage de l’eau. Une légère augmentation de la pluviométrie entraîne l’inondation des zones concernées. Et généralement ce sont des quartiers à faibles revenus qui sont touchés.
Tout compte fait, la gestion des déchets solides ménagers demeure une préoccupation pour les autorités municipales. L’un des défis majeurs qu’elles doivent relever aujourd’hui dans leur processus de développement est la sauvegarde de l’environnement pour permettre à la population de participer à son progrès socioéconomique. Au regard de divers propos recueillis auprès de certains concitoyens, l’on pourrait être tenté de dire que la gestion des ordures ménagères est moins une question de pouvoir d’achat qu’une question de volonté. Elle est simplement une question d’organisation. Les populations sont invitées, à cet effet, à plus de civisme pour ne pas essuyer les conséquences dommageables de leurs propres turpitudes. Il revient donc à la municipalité de prendre ses responsabilités pour bien réorganiser les services de ramassage.

Bernadette A. GNAMSOU

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