Santé

Le noma, une maladie méconnue des populations

Dr. Lidaw Bawe
Le noma, une maladie méconnue des populations

Son nez a disparu, tout comme sa lèvre et une partie de sa gencive supérieure pour laisser place à une atroce béance. Mourdja, une fille de 13 ans, est défigurée par une maladie causée due la malnutrition, le noma. Difficile d’arracher quelques mots à l’adolescente chétive, dont l’attention est fixée sur son bracelet qu’elle triture, tant elle semble mal à l’aise. Avant le noma, Mourdja, au regard aussi doux que fuyant, n’avait pas ce terrible rictus imprimé sur le visage. Mais la maladie a tout changé. Un saignement des gencives (gingivite) qui s’est infecté a viré à la plaie gangréneuse. Trois jours plus tard, Mourdja perdit sa beauté pour cause du noma, une maladie également présente au Togo où elle est plus ressentie dans la région des Savanes. Quelles sont les causes de cette maladie ? Quels sont les signes qui peuvent alerter ? Quelle prise en charge pour les victimes et quelles sont les mesures de prévention ? Docteur Lidaw Alain Bawè, médecin infectiologue au Service des Maladies Infectieuses et Tropicales du Centre Hospitalier et Universitaire Sylvanus Olympio (CHU S.O.) à Lomé répond aux préoccupations des communautés.

Le noma, encore appelé gangrène de la bouche, est une forme de stomatite ou inflammation gangréneuse qui se développe dans la région de la bouche et du nez et plus rarement autour des yeux. Cette maladie ravage atrocement le visage en détruisant à la fois les muqueuses, les gencives, les tissus mous, les muscles ainsi que les os de la face. Cette affection touche principalement les enfants prématurés et les enfants malnutris en bas âge (moins de 6ans). L’étiologie de cette maladie est encore mal comprise, mais les principales causes sont le manque d’hygiène, notamment l’hygiène bucco-dentaire, la malnutrition sévère ainsi que les maladies infectieuses qui entrainent une baisse des défenses immunitaires.
Les signes qui peuvent alerter sont la présence de plaies ou des ulcérations douloureuses à l’intérieur de la joue et des gencives chez un enfant malnutri. Les premiers signes du noma sont marqués par une inflammation localisée de la muqueuse buccale appelée stomatite. Au bout des trois jours qui suivent, cette inflammation évolue en de petites plaies (lésions ulcéreuses) très douloureuses situées, soit à l’intérieur des joues ou sur les gencives et qui peuvent saigner. Ces lésions ulcéreuses sont extensives, le plus souvent unilatérales. Elles s’étendent aux lèvres et à la joue, atteignant couramment les muscles sous-jacents, les tissus mous et les os de la face, laissant ainsi une plaie béante accompagnée d’une odeur de mort.
Les facteurs de risque portent, entre autres, sur l’altération des fonctions immunitaires, la malnutrition, les infections virales ainsi que le manque d’hygiène buccale, entrainant des ulcères dans la bouche. Lesquels ulcères constituent un milieu favorable pour certaines bactéries pathogènes. Le professionnel de santé a indiqué que le noma est un indicateur de la pauvreté et de la malnutrition sévère chronique.

Quelle prise en charge pour les enfants malades ?

Les enfants malades du noma sont soumis à des antibiotiques à large spectre, c’est-à-dire efficaces sur une grande variété de germes. Ces antibiotiques sont administrés par voie parentale (injectable) pendant au moins une dizaine de jours. Ce traitement médical doit être accompagné d’un régime alimentaire riche en protéines et de la correction de divers troubles ou anomalies telles que la déshydratation, de la carence en vitamines et de l’anémie. Il faut également un traitement correct des autres maladies comme le paludisme ainsi que des soins buccaux.
La prise en charge chirurgicale est envisagée en cas de séquelles faciales, fonctionnelles et esthétiques pour une chirurgie reconstructive. Cette chirurgie consiste à prélever un fragment de peau et de muscle sur une partie du corps de la personne pour reconstruire le nez et la bouche et pour recouvrir la plaie. « Toutefois, c’est très loin d’être parfait. La victime reste toujours défigurée malgré que cette intervention soit onéreuse », a-t-il précisé. Selon lui, une rééducation sera également nécessaire lors de la cicatrisation, pour éviter les difficultés d’ouverture de la bouche.

Pour prévenir le noma, il faut d’abord réduire la pauvreté, une bonne alimentation pour la maman, avant et pendant la grossesse ainsi que durant l’allaitement. L’alimentation doit être équilibrée chez l’enfant. Dr Bawè souligne que l’allaitement maternel exclusif durant les six premiers mois de vie du nourrisson et l’accès à l’eau potable, une bonne hygiène bucco-dentaire, ainsi que la vaccination contre les maladies infectieuses courantes de l’enfance contribuent également à prévenir cette affection.
Françoise AOUI

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