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25 ans de la Constitution de 1992 : Les leçons à tirer pour construire l’avenir

vue partielle des participants à la conférence
25 ans de la Constitution de 1992 : Les leçons à tirer pour construire l’avenir

Après tant de tergiversations entre la classe politique, qui n’arrive pas jusqu’alors à s’entendre sur le sujet, les débats sur la Constitution de 1992 ont été au centre des travaux du colloque international de Lomé, tenu les 13 et 14 octobre à l’auditorium de l’Université de Lomé (UL). Ce colloque, une réponse aux préoccupations politiques de l’heure, a regroupé d’éminentes personnalités universitaires, politiques et de la société civile,  venues du Togo et d’ailleurs, pour un débat critique et des regards croisés, sans complaisance, sur la pratique constitutionnelle au Togo ces 25 dernières années. Les débats, menés  dans un esprit d’impartialité scientifique, ont convergé sur la nécessité de réviser la Constitution de 1992 qui a montré ses forces et faiblesses et qui, aujourd’hui, mérite d’être adaptée à l’évolution du temps. Dans ce contexte, un référendum pourrait être la solution, mais sur texte consensuel qui va au-delà de celui présenté par le gouvernement et qui prend en compte d’autres exigences. Le dialogue s’impose donc aux acteurs sociaux  pour parvenir à ce consensus qui pourrait permettre l’adoption d’un texte par voie parlementaire et ainsi faire l’économie du référendum.

Un colloque international portant sur le thème, « les vingt-cinq ans de la constitution de la IVème République du Togo, 14 octobre 1992, 14 octobre 2017 », s’est déroulé les 13 et 14 du mois à l’Université de Lomé (UL). C’est une initiative de l’UL, à travers son Centre de Droit, appuyée par le PNUD. Ce colloque a été un véritable cadre de questionnement scientifique rigoureux sur la Constitution et les pratiques constitutionnelles au Togo ces 25 dernières années. Vingt-cinq ans après son adoption par le peuple togolais, en quoi consiste la Contribution de la Constitution dans la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie au Togo ? Quelles sont des forces et faiblesses ?  Autant de questions auxquelles juristes, politologues et autres acteurs ont tenté d’apporter des réponses visant à éclairer le public et à orienter les politiques dans un contexte où les questions de réformes constitutionnelle et institutionnelle constituent à la fois un sujet de polémique et de tension sociale.

A cet effet, les travaux de ce colloque ont été focalisés sur un ensemble de thématiques, dont : « la place de la Constitution de 1992 dans l’histoire constitutionnelle », « la pratique de la IVe République, entre démocratie autoritaire et autoritarisme démocratique », « révision constitutionnelle sous la IVe République : forces et faiblesses », « la garde populaire de la Constitution du 14 octobre 1992 : entre droit et politique », « la cour Constitutionnelle, hier, aujourd’hui et demain », « les incidences actuelles de la rhétorique réformiste sur le texte de la Constitution de 1992 », « la rétroactivité et l’immédiateté de la loi constitutionnelle ; approche de droit comparé », « la IVe République en continuité ou une République en rupture ? ».

Quelques leçons à tirer des débats

Des débats, l’on retient, entre autres, que  la Constitution a été élaborée dans un contexte émotionnel. Sa rédaction a été faite sur des bases plutôt conjoncturelles, au lieu de l’être sur des bases structurantes. Dans tous les cas, c’est un texte qui a posé les principes fondamentaux de la démocratie et de l’Etat de droit. Mais, comme toute œuvre humaine, cette Constitution contient des faiblesses concernant, notamment la répartition des pouvoirs entre le président de la République et le Premier ministre, le régime politique et les options économiques…

Les révisions opérées en 2002 et 2005, par voie parlementaire n’ont fait qu’exacerber les polémiques autour de ce texte qui, selon certains universitaires, n’aurait jamais été appliqué. Comme dans tous les pays, les textes constitutionnels peuvent subir des modifications, mais la révision est juridiquement encadrée, pour éviter les dérives. Aujourd’hui, face à la crise politique autour de la Constitution, il se dégage des travaux du colloque, que le peuple a un rôle indéniable à défendre un texte qu’il a voté. Mais, la rue ne peut remplacer le cadre légal pour résoudre les problèmes politiques. A un moment donné, il va donc falloir quitter la rue pour aller à la table de dialogue. Pour beaucoup de présentateurs, « le retour à la Constitution de 1992 ne paraît pas pertinent ». La science du droit évoluant, il va falloir compléter cette Constitution en préservant ce qui est bon dans ce texte et en y ajoutant d’autres dispositions qui n’existaient pas dans le texte, afin de l’adapter au contexte socio-économique du monde. De l’avis de beaucoup d’intervenants, l’ouverture d’un cadre de discussions entre les acteurs est une voie royale et de sagesse pour opérer les réformes dans un esprit consensuel. Parce que « la Constitution de 1992 est un joyau qui est dans son déclin. Il faut l’aménager », selon les termes de M. Ajavon Zeus. Certains, à l’instar de M. Agbéyomé Kodjo, Me Joseph Koffigoh et autres, soutiennent que déjà le texte proposé par le gouvernement pour le référendum a le mérite de retenir les éléments fondamentaux pour une alternance au pouvoir, à savoir : la limitation de mandat, l’élection présidentielle à deux tours, etc. Pour eux, il faut s’asseoir autour d’une table pour aller au-delà de ce texte, afin de dégager un nouveau texte plus consensuel. L’on pense ici aux réformes proposées par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), qui vont au-delà des dispositions communautaires de le CEDEAO. Ce nouveau texte aura l’avantage d’être adopté à l’Assemblée nationale et donc, d’éviter le référendum, qualifié de « budgétivore ».

Pour d’autres juristes tels que les professeurs en titre, Adam Kpodar et Kossi Houmake, par-delà la révision, le Togo peut envisager de réécrire un nouveau texte, qui, tout en retenant les principes fondamentaux de la Constitution de 1992, va introduire le pays dans une 5e République concernant la rétroactivité de la loi, ces derniers estiment que toute loi dispose pour l’avenir. Sauf si la législation a prévu des dispositions transitoires.

Les enjeux de la Constitution

A l’ouverture des travaux, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Octave Nicoué Broohm, avait rappelé que la Constitution est la loi fondamentale d’un Etat, qui organise le fonctionnement des institutions et qui consacre les droits et libertés fondamentales. « C’est le pacte politique et social, dont la qualité est d’instituer les règles des règles ». Selon le ministre, qui s’est référé aux enjeux de l’heure, la problématique de la Constitution doit être appréhendée dans un contexte historique et politique de chaque Etat.

Selon le président de l’Université de Lomé (UL), Pr Dodzi Kokoroko, « le Togo a déjà fait preuve de bravoure pour se faire en 1960, de sursaut pour se refaire en 1990. Il faudrait alors du réalisme et de l’invocation pour se refaire en 2017 ! ». Du bilan des 25 ans de la Constitution de 1992, Pr Kokoroko a été sans détour : « Les dissonances juridico-politiques dans la rhétorique réformiste rappellent que la Constitution de 1992 n’a pas répondu à toutes les attentes placées en elle. Si la belle dame de la IVème République s’est distinguée par des avancées révolutionnaires et en phase avec le contexte politique d’hier et d’aujourd’hui (limitation du mandat présidentiel, mode de scrutin présidentiel à deux tours, l’accès démocratisé aux contrepoids, la magnificence de la séparation des pouvoirs dont l’identité même est en mutation), il n’en reste pas moins des imprécisions constitutionnelles telles que le choix du régime politique qui semble relevé du jurassick parc des régimes politiques, la saisine de la juridiction constitutionnelle, la moralisation de la vie publique, etc. Dans cette mouvance et loin des diktats politiques en vogue où chacun fait la politique du droit et le droit de la politique, l’on se demandera à bon droit si l’on retourne à la IV e République (version  originelle), l’on consolide la IV e République (version révisée) avec des réformes dites en profondeur suivant la formule de la CVJR, ou si l’on passe à une nouvelle République. La réflexion doit simplement être menée sans tabou en reléguant à la périphérie les passions, pressions tout autant que les inactions. Autrement dit, si la politique saisit le droit, le droit saisit autant la politique dans ses manifestations même les plus légitimes. En conclusion d’étape, et quelles que soient les enchères politiques de l’heure, une Constitution consensuelle révisée par voie parlementaire ou référendaire ou une nouvelle Constitution triomphera… », a-t-il fait valoir. Pour lui, il revient aux Togolais de faire autrement la politique, envisagée dans son  sens le plus banal, mais aussi le plus juste, comme un enjeu de bonne gouvernance et un levier primordial pour améliorer le vivre-ensemble.

Dans ce sens, le coordinateur résident du Système des Nations Unies au Togo, Mme Khardiata Lo N’Diaye, a fait valoir que ce colloque offre « une opportunité de re-oxygener le débat sur la Constitution de 1992, de créer un espace de débat public, qui aide à faire comprendre à chacun comment se pose véritablement le problème constitutionnel, pour finalement faire surgir le ou les véritables objets des litiges que ceux qui se sentent liés par une communauté s’engagent à traiter, afin de construire une nation inclusive ». Elle a insisté sur la recherche de compromis et point de convergences, à travers un dialogue franc et constructif.

Bernardin ADJOSSE

 

 

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